Chapitre 49

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Roméo avait un garage aussi grand que sa maison. Ses voitures semblaient être des membres à part entière que sa famille, et il les traitait avec plus d'égard que certaines personnes traitent leurs enfants.

Elwina était passée chez lui, une journée, après les cours. Ils avaient roulé sur le pont de Kerdoueziou fenêtres ouvertes, laissant le chant des sirènes remplacer les musiques du jeune homme. L'hypnose des immortels n'avait plus aucun effet délétère sur la jeune femme. Du moins, tant que ça n'était pas Poséidon qui tentait de l'envoûter. Ou même Nyx. Il était dit que la déesse était plus puissante encore que le roi des océans.

Arrivés dans sa maison, ils s'étaient installés dans le salon. Roméo possédait la bibliothèque de rêve d'Elwina. Au détail près que les meubles n'étaient pas remplis de livres, mais de vinyles et de CD. Bouche bée, la jeune femme avait fait le tour des lieux. Elle ne pensait pas que le garçon aux cheveux blancs était à ce point passionné par la musique. Et il jouait aussi d'instruments, visiblement, car quelques-uns, dont un piano à queue, étaient stockés dans un coin de la pièce. Le jeune homme s'était assis face à ce dernier, et avait commencé à faire flotter ses doigts au-dessus des touches blanches et noires.

Le collier, serti d'une bague, qui pendait à son cou, semblait vibrer au rythme de la mélodie. Ses doigts fins, où luisait l'azur de ses veines, et les ténèbres de ses tatouages, semblaient ne jamais vouloir s'arrêter. Roméo avait fermé les yeux. Elwina n'arrivait plus à détourner son regard.

Si Poséidon était un dieu, était-il possible que Roméo soit un ange ?

Le piano résonna des minutes, peut-être même des heures durant, jusqu'à ce que l'instrumentiste finisse par s'arrêter. Il avait rejeté sa tête en arrière, faisant voler les cheveux raides qui étaient tombés sur son visage. Son visage. La seule partie de son corps vierge de tatouages. Le garçon avait retroussé les manches de sa chemise noire, s'était levé du tabouret en velours sur lequel il était, avait refermé le clapet, s'était retourné vers la brunette.

— J'imagine que tu ne joues pas d'instrument ? Avait-il demandé, car il se souvenait que la jeune femme n'était pas attirée par l'art musical. Elwina avait validé ses pensées par un signe de tête, avant de continuer son exploration de la bibliothèque —si l'on pouvait toujours l'appeler ainsi.

— Tu as un artiste préféré ? Avait malgré tout demandé l'ange, d'une voix douce.

— Non.

Bien qu'Elwina avait toujours préféré les musiques classiques, et reposantes. Comme s'il lisait dans ses pensées, c'était un vinyle de piano que Roméo avait enclenché sur le tourne-disque.

— Le poème du feu. Alexandre Scriabine. J'ai découvert l'œuvre il y a deux semaines. C'est dommage, qu'elle soit si peu connue.

Plus la mélodie avançait, plus Elwina se rendait compte que c'était celle que Roméo venait de jouer. A la perfection. Mieux encore. Comme s'il arrivait à déchiffrer les pensées qui voilaient les yeux, l'homme avait repris :

— J'ai l'oreille musicale. Il me suffit d'écouter un air une seule fois pour le reproduire.

Cela semblait tout à fait normal, pour lui. C'était fascinant, pour elle.

— Tu as une ouïe surdéveloppée ?

— Non. Les zombies sont vraiment... normaux.

Peu convaincue, la brunette avait haussé les sourcils, et son interlocuteur avait souri avant de reprendre :

— Je n'ai pas de sens hors du commun. Ni de force particulière.

— Mais tu es immortel. Avait-elle rétorqué, tout en croisant les bras sur sa poitrine. Face à cette remarque, le garçon n'avait pas semblé très à l'aise, et s'était laissé tomber sur le premier fauteuil venu, tout en soupirant.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant