Chapitre 57

218 33 17
                                    

Le soir du réveillon, Elwina avait eu la maison pour elle toute seule : chacun des membres de la famille de Fleuri était parti passer la nuit de son côté. La jeune femme, quant à elle, ne fêtait pas le nouvel an. Elle avait passé un début de soirée tout à fait normal, à manger un bol de céréales devant un film qui venait de sortir.

Durant son enfance, la métamorphe avait vécu des fêtes de fin d'année bien différentes. Au-delà de Noël et du Premier de l'An, Elwina et sa grand-mère avaient toujours fêté Yule : le solstice d'hiver. Et, pour le trente-et-un décembre, la vieille femme avait toujours repris une tradition païenne —écossaise, si la mémoire d'Elwina était bonne— qui visait à chasser les mauvais esprits : le festival de Hogmanay. Il visait notamment à bénir, ou plutôt purifier, la maison et ses habitants, en brûlant une du genévrier jusqu'à l'asphyxie partielle.

La jeune femme n'y croyait plus depuis des années.

Cependant, voilà qu'elle se retrouvait, assise par terre au centre de sa chambre, une branche de genévrier dans une main, un briquet dans l'autre.

La fumée était noire, et elle avait dû souffler sur les feuilles pour les empêcher de s'enflammer. Très vite, sa peau s'était mise à fondre sous la chaleur, mais la brunette n'y avait pas prêté attention : ses blessures cicatrisaient aussi vite qu'elles étaient apparues. Seule la douleur subsistait. Yeux fermés, elle avait laissé ses poumons s'emplir de l'odeur âpre, jusqu'à avoir du mal à respirer. La brunette sentait Wi, allongée à ses côtés, sereine. Pourtant, son aura menaçait d'imploser. Elle le sentait. Le chaos était sur le bout de ses doigts, il la narguait en riant.

D'un mouvement rageur, la jeune femme avait fini par se lever, pour aller ouvrir sa fenêtre en grand. S'en était assez. Chasser les mauvais esprits. Quelle ironie, si le rituel était efficace, elle aurait succombé à la première Hogmanay passée en présence de sa grand-mère.

L'odeur de genévrier était sûrement tenace, car lorsqu'Ascelin était rentré dans la chambre féminine, quelques jours plus tard, il avait instantanément froncé les sourcils, tout en reniflant, nez plissé.

— Que veux-tu ? Lui avait-elle demandé, de but en blanc.

— Le repas est prêt.

— Je n'ai pas faim.

Sans lui laisser le temps de l'en empêcher, le blond avait fermé la porte derrière lui.

— C'est la pleine lune.

Elle le savait, et c'était pour cette raison précise qu'elle n'avait pas faim. Angoissé, son estomac semblait s'être rétréci jusqu'à ressembler à un petit-pois. Face à elle, le garçon la sondait du regard. Il semblait avoir compris que, comme tous les métamorphe, Elwina était soumise à l'astre argenté.

— Je passe rarement mes soirées avec la meute. Ils sont déjà tous partis.

Que sous-entendait-il ? D'un coup, elle avait l'impression qu'il était juste un étranger parmi d'autres. La respiration d'Elwina était devenue irrégulière, ce que son interlocuteur avait sûrement senti, car il l'avait alors enveloppé de son aura, dans un élan de bienveillance.

— Je sais me contrôler. Je ne me transformerais pas.

Son mensonge était tellement faux qu'on pouvait, rien qu'à l'oreille, l'entendre vibrer dans l'air.

C'est vrai, qu'elle avait su se contrôler, à une époque. Mais plus maintenant. Le chaton noir —si ce n'est pire— allait probablement surgir cette nuit, sans qu'elle ne puisse rien y faire.

— Où veux-tu aller ?

Sous l'escalier.

La brunette avait lancé un regard méfiant à son interlocuteur.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant