Chapitre 35

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— Je vous dérange, peut-être ?

Elwina et Ascelin s'étaient vivement retournés vers le nouveau venu, dans un même mouvement. C'était Poseidon, et à la vue du brun, la jeune femme fut tentée de lui répondre qu'il dérangeait tout le temps.

— Non, je partais.

Il partait ?

Ascelin était passé à côté du pseudo-dieu grec sans un mot de plus, et la brunette l'avait regardé s'en aller avec, au plus profond d'elle-même, une pointe de déception. Elle avait ensuite jeté un regard noir à Poséidon, l'air de dire « qu'est-ce que tu veux ? », et le garçon s'était empressé de répondre à cette question muette :

— Je viens rendre un livre, j'ai besoin que tu l'enregistres.

L'étudiante avait accompagné le brun jusqu'au comptoir, pour exécuter sa demande. Berhed était arrivée en même temps, pour saluer sa jeune employée avant son départ.

— Je m'occupe de toute la fermeture, ne t'inquiète pas, rentre chez toi.

Encore fébrile, à cause de ce qui venait de se passer, la jeune femme ne pouvait qu'en être reconnaissante, et était sortie de la bibliothèque d'un pas léger.

— Je te raccompagne ?

Poséidon était apparu à ses côtés. Elle le connaissait assez pour savoir que cette question n'avait été posée que par pure politesse, et qu'en réalité elle n'avait pas vraiment le choix. La brunette avait soupiré tout en fourrant les mains dans ses poches, et sourire aux lèvres son interlocuteur avait commencé à marcher à son rythme.

Alors qu'ils quittaient la place centrale du bourg, Elwina s'était arrêtée d'un seul coup, tout en tournant la tête vers la bibliothèque.

— Merde... Avait-elle juré en apercevant que Berhed avait déjà fermé le volet de la porte d'entrée.

— Qu'y a-t-il ?

— Je voulais emprunter quelque chose, j'ai oublié. Avait ronchonné la jeune femme, avant de reprendre sa route.

— Qu'est-ce donc ?

Elwina avait mis quelques secondes à répondre, du bout des lèvres :

— Un dictionnaire breton-français.

Elle n'avait aucune base dans cette langue, et les propos de Roméo concernant le folklore régional l'avaient convaincu de se renseigner davantage. Son interlocuteur semblait on ne peut plus ravi par cette perspective :

— C'est une excellente idée ! Je ne parle pas couramment la langue, mais je peux quand même t'aider.

Et, avant même qu'elle n'ait le temps d'accepter ou non sa proposition, le jeune homme avait continué :

— Savais-tu que Kerdoueziou signifie « Chez les dieux » ? Comme quoi, j'ai toute ma place ici.

Elwina avait levé les yeux au ciel. Oui, elle savait. Et non, l'ironie de Poséidon ne la faisait pas rire.

— Moger signifie « Mur » ; et menhir, « pierre levée »... Qu'aimerais-tu savoir d'autre ? Oh, mais oui !

Il avait pointé du doigt le panneau d'entrée du quartier, pour le traduire, une lueur de malice dans les yeux :

— Bleiz signifie « loup ».

Quelque chose avait remué à l'intérieur d'Elwina. Quelque chose de fort, qui avait forcé les barrières de son esprit pour surgir, éclater. Quelque chose qui était apparu dans la réalité par une simple petite phrase :

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant