Chapitre 28

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Poséidon avait mis longtemps à sortir de son mutisme.

Il boude comme un enfant. Se disait Elwina, qui ne pouvait s'empêcher d'être amusée par la situation.

Plus de « Elwina-c'est-tout » qui la suivait partout à travers les rues de Kerdoueziou. Plus de voix hypnotisante et de sourires enjôleurs. Plus d'yeux bleus qui la fixaient indéfiniment.

La vie, sans Poséidon pour la suivre partout, était fabuleuse. La brunette était davantage esseulée, certes, mais au moins, elle était retournée dans la zone de confort offerte par sa solitude.

Mais comme chaque bonne chose a une fin, le pseudo-dieu grec avait fini par réapparaître. D'un claquement de doigts, il était arrivé derrière la brunette, un soir, alors qu'elle travaillait seule à la bibliothèque :

— Des hallucinations auditives, hein...

Elwina s'était retournée d'un quel coup, surprise par sa subite présence. Après plusieurs jours de silence total, il avait fallu que le jeune homme réapparaisse en s'instruisant dans sa vie privée.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— Oh... alors ça y est, tu acceptes d'écouter mon horrible voix ? C'est supportable ?

Il avait parlé avec beaucoup d'amertume, et la brunette avait simplement soufflé. Elle se souvenait parfaitement de ce qu'elle avait lancé au jeune homme, dans le cabinet médical, et elle l'espérait assez intelligent pour comprendre que ses paroles n'avaient pas réellement été dites contre lui.

— Alors, tu perds la boule ? Tu sais, Jeanne d'Arc aussi a cru ça au tout début, mais...

— Oh, ferme-là.

La jeune femme avait tourné les talons, mais Poséidon l'avait rapidement rattrapée, en lui prenant le bras. Promptement, Elwina s'était dégagée, hérissée par ce contact physique indésirable.

— C'est Ascelin qui te l'a dit ?

Il avait donc suffi d'un petit bout de feuille, tombé de sa poche et trouvé par la mauvaise personne, pour que tout le monde se mêle de ses histoires...

Le garçon avait souri d'un air aguicheur, avant de répondre :

— Disons que ton pauvre petit toutou avait une tête d'enterrement, et que je lui ai tiré les vers du nez. Ne lui en veut pas, ça a été très, très dur de le faire parler.

Elle-même savait et comprenait plus que quiconque à quel point Poséidon pouvait être hypnotisant. A quel point on pouvait involontairement se plier à sa volonté, et à toutes ses demandes.

Le jeune homme n'était bon qu'à une chose : manipuler les gens. Et il excellait dans le domaine.

— Si tu es venu ici pour te taper la discute, tu peux partir. Je travaille.

D'autant plus qu'elle n'avait aucune envie d'aborder avec lui le sujet des hallucinations auditives. Premièrement, car ce n'était pas ses affaires —ça n'était d'ailleurs les affaires de personnes sauf les siennes— et deuxièmement, car le brun allait encore tourner le sujet à l'auto-dérision. Elle en avait sa claque, de l'auto-dérision. Rire de tous les malheurs du monde et en particulier des siens ne l'amusait pas du tout. Elle préférait dépenser son énergie à tenter de les régler.

— Ne t'inquiète pas, je viens juste emprunter un livre.

L'étudiante avait soupiré, d'un air qui signifiait « ok, fais donc », et serait volontiers partie, si son interlocuteur ne l'avait pas encore une fois retenue :

— J'ai besoin de ton aide, du coup. Je cherche des livres sur les sirènes.

Elle avait plissé les yeux, histoire qu'il développe davantage, ce qu'il avait fait presque immédiatement :

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant