Chapitre 54

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Au retour d'Elwina chez les de Fleuri, ce soir-là, la nuit était déjà tombée depuis longtemps déjà. Vêtue d'anciens habits à sa grand-mère, la jeune femme avait fait le chemin du retour en stop, non sans mal. Rares étaient les voitures à passer sur ces routes campagnardes quasi-désertiques.

La brunette avait senti, partout dans la maison, les odeurs d'inconnus. Des membres de la famille, venus ici pour ce jour de fête. Certains dormaient sur le canapé. Les autres avaient probablement été logés au manoir. La brunette se demandait si Ascelin avait lui aussi déserté les lieux.

Sans se préoccuper des occupants passagers de la demeure, elle était montée jusqu'à sa chambre, ne prenant même pas ses précautions pour ne pas faire de bruit, et éviter de réveiller les dormeurs.

Elwina n'avait plus peur d'eux. De plus personne. Son aura grondait en elle, tourbillonnant dans un cyclone de fumée qui ne demandait qu'à être lâchée. Elle la tenait en laisse, pour l'instant.

Mais elle n'avait plus peur d'eux. Parce que si elle décidait de lâcher la laisse, alors, ils mourraient tous.

Elle était arrivée dans sa chambre, et en poussant la porte ses pieds avaient heurté un objet, relativement mou, qui avait rebondi sur le sol en un bruyant crissement. La brunette avait froncé les sourcils, tout en fouillant le sol obscur de ses yeux. Elle n'avait même pas pris la peine d'allumer la lumière.

Il y avait un petit colis. Un petit colis enveloppé de papier cadeau. Un papier cadeau horrible, rouge fushia serti de boules vert et jaune. La brunette s'accroupit à sa hauteur, pour l'ouvrir avec méfiance. Il n'était pas très bien emballé, et ce fut tâche aisée.

Elle se demandait qui donc était venu lui déposer ce cadeau. Sottises. Elle le savait très bien. C'était Ascelin.

Et c'était une peluche.

Il lui avait offert une peluche.

En forme de chat.

Noir.

Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, une boule s'était formée dans sa gorge. Elle ne comprenait plus grand chose concernant ses réactions émotionnelles, ces temps-ci. Elle, qui avait toujours appréhendé le monde avec froideur, devenait, depuis quelque temps presque sensible. Refoulant la vague émotionnelle qui avait tenté de s'assaillir, la jeune femme s'était redressée en silence. Calmement, elle avait retiré les habits qui lui collaient dans la peau, pour aller les mettre sans plus attendre dans le bac de linge sale. Elle avait une furieuse envie, non pas de les laver, mais de les brûler.

Son aura était déjà allongée sur le lit, attendant patiemment qu'elle vienne se coucher. Elwina s'était crispée à la vue de l'animal. Wi avait été le seul et l'unique pilier de toute sa vie. Et aujourd'hui, le combat entre elles avait réellement commencé.

Restait à savoir qui allait réussir à anéantir l'autre en premier.

C'est sur cette dernière pensée qu'elle s'était endormie, d'un sommeil sans rêve. La petite peluche qu'on lui avait offerte était blottie contre son estomac, encadré de ses bras qui la tenaient fermement.

A son réveil, la jeune femme s'était sentie vidée. Elle l'était depuis la veille, en réalité, mais son corps venait tout juste de s'en rendre compte. La brunette n'avait aucune envie de rencontrer qui que ce soit, aujourd'hui. Elle s'était donc éclipsée en douce, pour se diriger à pied vers la forêt. Son corps épuisé boitait. Pourtant, elle n'avait mal nulle part. D'une démarche irrégulière, elle avait traversé Kerdoueziou, prenant soin de changer de trottoir dès qu'elle se risquait à croiser un habitant. Son ventre gargouillait : cela faisait plus de vingt-quatre heures qu'elle n'avait rien avalé. Réprimant sa faim, la jeune femme était rentrée dans les bois, traversant la barrière de sapins sans même y prêter attention.

La malédiction des chats noirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant