Chapitre 39

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Nous n'étions jamais vraiment silencieux en présence de gens qui nous comprenaient.

Même quand nous l'étions, que nos bouches restaient scellées et nos pensées renfermées, on communiquait.

Alors je ne dirais pas que nous avions été silencieux, Zade et moi, pendant ce trajet de plus de 3h de route.

J'avais relevé de presque cinq centimètres ma fenêtre, il avait alors compris que j'avais froid et avait complètement relevé la sienne.

Quand je me frottais les yeux car la nuit avait été longue, il coupait le son de la radio pour que je puisse étendre ma tête sur mon siège et essayais de récupérer un peu de sommeil.

Un peu plus tôt, j'avais complètement tourné la tête vers ma fenêtre, il comprit que j'avais envie de pleurer et serra ma cuisse pour me signifier que je n'avais pas à m'en cacher.

Alors, non, nous n'avions peut-être dit aucun mot, mais nous avions été loin d'être silencieux, Zade et moi, et ça jusqu'à ce qu'il coupe enfin son moteur.

Je ne savais pas où nous étions, ça m'était égal, tout ce qui m'importait c'était que nous avions dû rouler plusieurs heures pour y arriver. C'était que nous étions loin, très loin.

Le soleil s'était levé il y a quelques minutes. Le ciel n'arborait plus ses couleurs violettes et orangées que nous avions pu contempler pendant le trajet. Quand Zade ouvrit sa portière et que je poussai la mienne, le ciel au-dessus de nos têtes était grisé. Des nuages épais filtraient seulement les rayons du soleil qui leur plaisaient le plus.

Je fermai la portière et pris une profonde inspiration de cette fraîcheur boisée que nous procurait le bois des nombreux arbres autour de nous.

Devant nous se trouvait un pont suspendu au-dessus d'un lac.

Le paysage qui se dressait sous nos yeux était d'une paisibilité qui n'avait rien à envier aux tableaux des plus grands peintres d'occidents.

Je ne savais pas si nous étions toujours à New York.

Zade me tendit sa main pour que nous avancions vers le pont en bois, et je sus que je n'avais pas forcément besoin de savoir où nous étions exactement.

Peut-être qu'il faisait moins froid, peut-être que ces feuilles orange d'automne me donnaient un aspect d'un bois réchauffé, ou peut-être que c'était seulement la main de Zade sur la mienne qui me coupait de la fraîcheur de l'automne, mais nous avançâmes jusqu'au bout du pont et je m'assis sur le bois frais sans frissonner.

Zade s'assit près de moi, et je me mis à contempler les rives avoisinantes.

Il y avait des habitations sur celles à droite et à gauche, mais ce lac nous donnait l'impression qu'il y avait tellement plus de directions que celles que nous pouvions apercevoir, et nous étions tellement loin de toutes les découvrir.

Les oiseaux gazouillaient pendant que Zade fixait un point droit devant nous, là où seul l'eau et les dorures des feuilles des bois avoisinants brillaient.

Ce bois était très calme. Apaisant. Dormant.

Un rictus déforma mes lèvres.

C'est de ce bois dormant dont vient ta belle ?

Il me sourit en retour, puis il dirigea son regard vers l'horizon où je vis peu à peu son sourire fondre sous le poids de ses pensées.

C'est ici que je viens depuis que j'ai 17 ans, dit calmement Zade. Quand le monde est trop bruyant, quand mes émotions sont trop lourdes, quand j'aimerais étouffer ses voix trop fortes, c'est ici que je viens et plus rien n'est... Trop.

Hold up on me | Retiens-moiWhere stories live. Discover now