Chapitre 40

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Ce matin le ciel aussi avait pleuré Samuel Rodriguez.

Mais le ciel s'était dégagé pour lui offrir un paisible au revoir maintenant que les portes du corbillard se refermaient et que les proches des Rodriguez se saluaient sur le goudron du cimetière.

Le bouquet de Dahlia blanche tremblait entre mes mains quand le cercueil de Samuel se faisait tirer du corbillard, je lançais un dernier regard à Zade, j'aurais aimé le voir pour la première fois dans un costard noir dans d'autres circonstances, il pressa mon genou.

Je serais juste derrière toi, dit-il.

J'acquiesçais, le nœud dans ma gorge m'empêchait d'émettre le moindre son s'il n'était pas suivi de sanglots inarrêtables.

Je poussais la portière du van noir et en descendis sans me retourner, je ne voulais pas savoir à quel point Zade me suivait de près. Je ne voulais pas me rendre compte que le réconfort de pleurer dans ses bras était plus accessible que je ne le croyais.

La dernière demeure de Samuel se trouvait au-dessus d'une petite colline dans le cimetière des officiers de Manhattan. Je me mis à marcher sur la pelouse toujours humide par les pluies de la matinée. Je fixais le haut de ses ombres noirs qui suivaient le cercueil de leur père, leur frère, leur mari, leur fils.

Je relevais le menton un peu plus haut comme pour éviter que mes larmes ne soient bien trop attirées par la gravité.

Pendant que je suivais en retrait tous ces gens pour qui Samuel comptait, mon regard se déposa sur la petite Lucie, la cadette. Elle était portée par ce que nous pourrions prendre pour sa tante dû à sa ressemblance avec Johanna.

Elle me fixait en retour en ne disant rien, ses petits yeux noirs étaient bouffis, ses cheveux bouclés plaquaient sur le haut se réunissaient dans une tresse serrée.

Elle n'exprima aucune émotion à ma vue, pourtant elle continuait de me fixer. Je pensais qu'elle ne se souvenait probablement pas de moi, jusqu'à ce qu'elle sourît.

Près de Lucie et de sa tante qui l'a porté, Kamil tenait la main de sa maman et avançait en première ligne derrière le cercueil de son père. Elle avançait la tête basse tout en fixant la seule et unique tulipe rose qu'elle serrait dans sa main.

A sa gauche, Johanna avançait la tête et le dos droit, elle pressait assez fort la main de Kamil et je crois que c'était le seul signe de l'ampleur de son chagrin.

A l'inverse de ses trois filles, -la dernière se trouvait entre les bras de Johanne- ses cheveux noirs et bouclés étaient ramenés dans un chignon bas et stricte, aucune mèche de cheveux ne devait l'empêcher d'accompagner son mari dans l'au-delà comme il se devait.

Nous fîmes enfin face à un groupe de chaise rassemblé autour de la tombe de Samuel, ceux qui portaient le cercueil se mirent à le placer au-dessus du trou, et Lucie quitta enfin les bras de cette dame et ainsi mon regard. Je m'arrêtais et me mis un peu en retrait, je me doutais bien que Johanna n'avait pas prévu de chaise pour moi.

Lucie alla jusqu'à sa grande sœur, elle lui murmura quelques mots à l'oreille et cette dernière se retournât en ma direction, je pris une profonde inspiration prête à affronter un regard triste de plus, mais cette dernière me sourit si purement que je faillis tomber en arrière.

Kamil tira sur le par-dessus noir de sa mère et quand cette dernière s'accroupit devant elle pour lui réajuster son col blanc, la petite tendit un doigt vers moi.

Le mouvement de ses lèvres me laissa deviner les mots que j'aurais aussi bien pu entendre d'ici.

Il y'a Halo là-bas.

Hold up on me | Retiens-moiWhere stories live. Discover now