55. Basic Instinct

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NdA: Les vacances sont finies, I'm back. Si vous ne voulez pas prendre de risques, je vous conseille d'attendre la sortie de plusieurs chapitres avant de vous relancer. J'avance en terrain marécageux et je n'écarte pas complètement la possibilité de revenir en arrière pour éditer l'une ou l'autre chose... mais qui ne tente rien n'a rien, comme on dit... 

***

Hector regagna le petit couloir qu'ils venaient de quitter et se posta devant la porte qui menait au décor antique. Dans les hauteurs, l'ampoule rouge indiquait que ses pseudo-collègues interviewaient encore l'actrice, aussi profita-t-il de ce court instant de répit pour mettre un semblant d'ordre dans ses pensées.

Il ne savait pas encore exactement comment aborder Ariane mais il était convaincu que s'il la laissait retourner dans la salle de gala, il ne la récupérerait jamais. Or, elle était le seul lien possible avec Thésée qui, contrairement à ses congénères, ne regagnait jamais de chambre douillette pour s'y reposer. Il entrait dans son fameux labyrinthe le premier jour de tournage et n'en ressortait que victorieux ou, le plus souvent, les pieds devant.

En dehors de ses adversaires, Miss Serena Angelis constituait donc son seul contact avec l'humanité. Quelques brefs échanges clandestins, la promesse d'un futur plus tendre, un impact énorme, puisqu'elle était la première créature dotée de vie qu'il rencontrait après son éveil. Spécialiste de ces questions, Jeroen était convaincu que cette corporalité – un mélange de chaleur, de contact, associé à une voix, un parfum – provoquait une réaction alchimique au coeur même de l'organisme des EBA – il l'avait expliqué en des termes incompréhensibles – mais Hector en avait retenu que les vrais êtres vivants généraient un élan interne que leurs doubles virtuels ne faisaient qu'effleurer. Une réponse au besoin d'attachement, avait dit Jeroen. Le terme paraissait un peu servile, mais le Troyen saisissait l'émotion dissimulée sous son vocabulaire d'expert.

La lampe repassa au vert, puis la porte s'ouvrit sur un premier journaliste. Celui-ci leva les yeux au ciel en croisant le regard d'Hector puis articula un « je te souhaite bien du plaisir » silencieux avant de s'esquiver. Son collègue suivait, empêtré dans une litanie mêlant excuses, remerciements et promesses. Il adressa une grimace au Troyen, les épaules basses, et fila sans demander son reste. Ariane demeura campée dans l'embrasure de la porte et toisa Hector avec morgue, bien qu'en réalité, elle lui arrivât tout juste à la poitrine. Encore une qu'il aurait pu broyer d'une simple étreinte.

Même s'il avait de bonnes raisons de haïr ces comédiens qui s'enrichissaient dans l'arène sans pitié pour les siens, que ce désir de meurtre bourgeonne si vite dans son esprit déstabilisa le prince. Jamais il ne s'était perçu comme un homme violent ou prompt au massacre. Or il s'était emporté plus d'une fois dans les derniers jours, s'était vu tuer Max, Miles et Marco, comme s'il y avait une rupture narrative dans son histoire, un hiatus entre le souvenir de ce qu'il était et sa véritable nature. Ce qui faisait sens. Le héros raisonnable de l'Illiade n'aurait pas fait un bon gladiateur.

— Bon viens, alors, lâcha Ariane d'une voix traînante, l'arrachant à ses divagations.

Hector suivit, soulagé qu'elle prenne les choses en main. Une fois dans l'alcôve en carton pâte, elle prit place sur le siège qu'avait quitté l'insupportable Marco, drapa sa robe de manière à ce que ses jambes et son décolleté soient mis en valeur, mais sans trop en révéler, puis le vrilla de ses yeux noirs.

— Tu connais la liste ?

— La liste ?

— Des sujets interdits.

— Heu... Je suis seulement le caméraman de Wanda.

L'actrice parut interdite.

— With Fizz me veut ? T'es sûr ? J'ai pas genre... dix ans de trop et le mauvais genre ? Les minettes de With Fizz font pas trop dans la sororité, en général.

Les Héros de Rien (en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant