8. Relâchement

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Si son arrosage forcé soulagea Hector, il ne lui rendit pas la vue et sa respiration demeura laborieuse. Leur hôtesse les guida jusqu'à une petite chambre dont l'ameublement semblait constitué en tout et pour tout d'un grand lit sous une couverture étoilée. La jeune femme obligea le prince troyen à retirer ses vêtements souillés par le liquide suffoquant, puis l'aida à se glisser entre les draps. Il s'allongea sans protester. Elle lui posa une étoffe humide sur les yeux avant de s'esquiver. Arthur en profita pour observer la lampe posée sur la table basse, sans oser la toucher. Les lieux étaient encombrés d'artefacts étranges, copies imparfaites des objets usuels qu'on aurait dénichés dans son château. La mise en garde de l'étrangère lui revenait à l'esprit : gardez les yeux baissés ou vous deviendrez fous. Il aurait aimé les avoir gardé fermés depuis l'instant où elle lui avait secoué l'épaule, dans la tiédeur de ses appartements.

— Arthur.

Il rouvrit les paupières et fit un pas en arrière. Elle se tenait juste devant lui, un verre de cristal au breuvage bouillonnant dans la main droite, et un tube blanc et argenté dans la main gauche.

— Si tu bois ça, tu auras moins mal. Et ça, c'est un onguent à étendre sur le bleu.

— Le bleu ?

— La meurtrissure. Sur tes côtes. C'est superficiel, mais ça aidera la guérison.

Il garda les poings serrés le long du corps. Elle leva les yeux au ciel.

— Je m'en doutais. Je vais tout poser ici. Si tu changes d'avis...

Elle déposa les objets sur le dessus d'une armoire, puis recula dans le couloir.

— Je vais vous laisser dormir. Il est tard et... nous bavarderons demain. Je suis moulue. Bonne fin de nuit.

Puis sans attendre, elle referma la porte. Arthur rattrapa aussitôt la poignée et rouvrit. La fille qui n'était pas Morgane s'était déjà éloignée vers la pièce principale. Elle fronça les sourcils en le découvrant sur le seuil.

— Je ne vais pas vous enfermer, je ne suis pas stupide : je tiens à ma porte ! Et puis tu as promis, Arthur. Je compte sur toi. Va te coucher.

Penaud, le jeune roi battit en retraite dans la chambre. Hector gisait sur le dos, mains jointes sur le ventre. Son souffle régulier grinçait légèrement, mais il paraissait endormi. Arthur s'assit en bout de matelas et se frotta lentement le visage. La fatigue le rattrapait après ces heures folles mais l'idée de s'assoupir dans l'antre d'une ennemie agissait comme un aiguillon qui l'emplissait de fébrilité.

— Tu ferais mieux de te reposer, grogna Hector de sa voix éraillée par le poison.

Arthur lui jeta un coup d'oeil, mais le prince troyen n'avait pas bougé.

— Je peux veiller.

— Pourquoi ?

— Il n'y a qu'un seul lit.

Hector tâtonna à ses côtés.

— Qui m'a l'air assez large pour deux.

Arthur en était conscient mais répugnait à partager sa couche avec un étranger. La perspective lui apparaissait vaguement dangereuse. Immorale, aussi.

— De quoi as-tu peur ?

Arthur sursauta. Hector pouvait-il lire dans les pensées ?

— De rien. Je ne voulais... pas troubler votre convalescence.

— J'ai mal aux yeux, rien d'autre. Tu devrais profiter de ce répit. Et prendre ce qu'elle t'a apporté.

— Quoi ?

Les Héros de Rien (en cours)Where stories live. Discover now