29. Réconforté

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La petite pièce blanche n'abritait qu'un lit et une série de meubles rutilants aux fonctions incertaines. Tous pétillaient de lumières et de symboles, dans un brouhaha étouffé. Sifflements, soufflements, pépiement aigu d'oiseaux invisibles. Des serpents argentés, transparents, des fils épais, des cordages colorés, liaient le prince endormi à ces artefacts barbares, lui pénétrant le nez, la bouche et la chair des poignets.

Hector reposait sur le dos, nu jusqu'à la taille, des cercles blancs disposés sur la poitrine et le ventre, inerte et blafard. Ses cheveux lui collaient au front, ses joues creusées s'ornaient d'un poil toujours plus hirsute. Arthur aurait voulu tourner les talons et fuir pour s'épargner pareille vision, mais ils étaient frères d'armes, et peut-être plus que ça : il ne pouvait pas l'abandonner quand il était au plus mal, dans la laideur et l'effroi d'une agonie subite.

Kill switch, avait dit Leo.

Arthur ne savait pas exactement ce que voulait dire ce mot imprononçable. Il y voyait un sortilège abominable, capable de foudroyer un guerrier à distance, sans lui laisser la possibilité de se défendre, de riposter, le stratagème lâche du pleutre qui n'assume même pas la décadence qu'il inflige à autrui.

Hector était mort sans l'être, une terrible indignité, mais aussi, malgré tout, une chance. Sa chute n'était pas irrémédiable, il pouvait encore se relever.

Au travers du discours de Max, malgré le vide que ses paroles avaient ouvert dans l'âme d'Arthur, il y avait aussi eu des grains de lumière. Guenièvre n'existait pas. Andromaque pas davantage. Il n'y avait pas d'épouses, de cités à défendre, pas de devoir, pas de prophétie. Il n'y avait rien. Un rien atroce mais un rien qui s'était déjà amenuisé, en quelques jours, par quelques sourires, quelques mots, quelques caresses. Ils s'étaient menti sans le vouloir. Rien n'était vrai. Sauf dans cette étreinte. Il y avait eu là quelque chose d'immensément réel. Ou du moins Arthur voulait le croire, et s'y raccrocher. Le besoin viscéral de quelque chose de tangible, sous peine de s'effondrer.

La main semi-ouverte du Troyen – une EBA comme les autres, une coquille remplie de belles images, de chimères, de sentiments déplacés – semblait l'attendre, l'appeler même, et Arthur la prit dans la sienne. Il s'était attendu à ce qu'Hector soit froid comme la pierre, mais il était tiède. Sous sa peau, la vie continuait de bruire, comme un torrent.

— Où en sommes-nous ? demanda Max.

Sa soeur, Alexandrine, était restée dans la pièce lorsqu'ils étaient entrés, alors que le reste de son équipe s'éclipsait dans un froissement de tabliers et de murmures polis.

— Il est stabilisé, répondit-elle, d'une voix grave.

— Vous allez pouvoir le réveiller ? demanda Arthur.

— Pas facilement.

Ce n'était pas un non et le jeune homme y puisa un réconfort indicible.

— Il y a eu section de faisceaux nerveux très précis, sans doute au moyen d'une nanotechnologie implantée directement dans le tronc cérébral.

— Parle-lui dans un langage qu'il comprend.

— Tu n'as qu'à traduire.

Max contourna le corps endormi pour se placer à sa gauche. Arthur conserva la paume d'Hector contre la sienne, sans se soucier de ce que le sorcier en blanc pourrait en penser.

— Il a souffert d'une blessure très précise dans le cou.

Max plaça sa main contre sa nuque.

— Comme de minuscules coups de poignard, dans l'organe qui contrôle la plupart de ses muscles, et surtout sa capacité d'éveil.

Les Héros de Rien (en cours)Where stories live. Discover now