16. Préparatifs

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Arthur contint l'envie de casser quelque chose, entra dans la cuisine, dans la salle d'ablutions, se planta quelques secondes devant la porte d'Hector, puis retourna vers la salle de vie. Il gagna la fenêtre, observa la ville étrange qui s'étendait au-delà, les arbres et les tours, les moulins, les toits rutilants, les chariots qui défilaient en bas, le pointillé des gens qui marchaient vers des destinations connues d'eux seuls. Lors de leur arrivée, ils n'avaient grimpé que trois étages mais ils semblaient beaucoup plus haut perchés. Il pressa son visage contre la vitre froide puis saisit la poignée, qui s'inclina sous sa paume. Le vent frais s'engouffra dans la pièce, porteur d'odeurs indéfinissables, et Arthur fit un pas en avant, sur l'étroit balcon qui courait le long de la fenêtre. Un vertige le saisit comme il attrapait la rambarde de fer forgé des deux mains. Le sol semblait situé à des milliers de kilomètres, jamais il n'avait surplombé une contrée de la sorte, depuis une tour immense, dans une ville de cette taille. Camelot abritait un nombre respectable d'habitants, mais cet endroit devait en accueillir mille fois plus. Au moins. Impossible de se le représenter, en réalité. Les arbres isolés ici et là cédaient toujours le terrain à la pierre. Nulle forêt, aucun champ, pas de montagne. Une cité, et une cité encore, jusqu'à l'horizon.

Exister en ce monde paraissait impossible. Une absurdité. L'horreur.

Il recula avant de se perdre et manqua heurter Hector, qui s'était posté derrière lui.

— Je te demande pardon, annonça aussitôt le Troyen, les yeux baissés. Ce qui s'est produit n'est pas ta faute.

— Je suis peut-être maudit, remarqua Arthur.

— Même si tu l'étais, le coupable reste celui – ou celle – qui t'a lancé cette malédiction.

— Le résultat demeure. Je pourrais te causer davantage de torts...

— Peu importe. Je préfère tenter ma chance. Cette chance. Avec toi.

Ces paroles emplirent Arthur d'une chaleur inédite. Le Troyen aurait pu s'en tenir à la prudence, à la raison, à la profonde injustice de la situation, mais il avait choisi une voie plus dangereuse.

— Nous sommes frères d'armes, rappelle-toi. Les sorcières ne nous diviseront pas.

Arthur acquiesça, la gorge nouée. Le visage d'Hector se para d'une expression finaude.

— D'autant qu'elle peut nous mentir. Cassandre était une menteuse. Si cette Nina est son reflet dans son monde, elle a probablement conservé certains de ses travers, aussi innocente cherche-t-elle à paraître.

— Morgane était retorse, elle aussi.

— Au plus vite nous échappons à son emprise, au mieux.

Il se tut, chercha quelque chose du regard. Witch n'avait pas forcément accompagné sa maîtresse et pouvait peut-être communiquer avec elle, où qu'elle soit. Trouver un endroit à l'abri des yeux de la créature invisible ne serait pas chose aisée.

— Witch ? demanda Hector.

Rien. Aucun son ne résonna, aucune lumière ne pétilla.

— Elle ne répond qu'à sa maîtresse, murmura Arthur.

Hector échangea un regard sceptique avec le roi breton, puis se dirigea vers une armoire et saisit le vase qui s'y trouvait. Une fleur séchée y trônait, misérable, mais le récipient en lui-même paraissait de porcelaine ordinaire. Le Troyen le leva au-dessus du sol.

— Je me demande bien si ce truc casse, si je le lance par terre, énonça-t-il d'une voix forte.

Puis il amorça un mouvement. Des lumières rouges clignotèrent autour d'eux.

Les Héros de Rien (en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant