57. Labyrinth

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Ariane jeta un oeil derrière son épaule et dévisagea à nouveau Hector, avant de revenir à son aimé factice. Celui-ci ne constituerait pas une grande menace dans son état vaseux, mais le Troyen voulait espérer qu'il se rangerait derrière eux sans heurts.

— Cet homme est Héraclès, venu nous arracher au dédale, déclara l'actrice avec conviction.

Thésée fronça les sourcils. Hector grimaça. L'Athénien paraissait... peut-être vexé. Annoncer à un héros qu'il doit être secouru par un autre n'était peut-être pas la meilleure des idées, tout bien réfléchi. Chatouiller un ego sensible peut provoquer des désastres.

— Vous accompagner, du moins, intervint Hector. Cet endroit est une illusion, un piège tissé par Hadès. La force seule ne nous en libérera pas. Je suis venu t'avertir et te soutenir dans ta quête.

L'Athénien jeta un regard encore brumeux vers l'endroit où il avait déposé son matériel, désormais disparu. Là aussi, sans doute avait-ce été un mauvais calcul, car Hector le vit se figer, muscles tendus. Ariane avait toujours la main sur son avant-bras, elle le caressa du pouce.

— Fais-moi confiance, sussura-t-elle. Thésée.

Hector aurait aimé se souvenir plus précisément du mythe, de la relation exacte entre la fille du roi Minos et le jeune Athénien venu mourir dans son labyrinthe, mais la seule chose qui s'imposait à son esprit était que Thésée abandonnait assez vite sa concubine sur une plage, pour retourner à ses aventures. Un futur peu romantique, une emprise insuffisante, mais le Thésée de Légendes n'atteignait jamais ce stade du récit. Sans doute n'y avait-il rien, dans son crâne, de nature à fragiliser le lien indispensable à son contrôle.

— Bien sûr, Ariane, souffla le jeune héros.

À bien le regarder, il paraissait à peine plus âgé que Marco, alors qu'il avait moins d'une quinzaine de jours de vie, et déjà plusieurs morts à son actif.

— Aidez-moi, cousin.

Il tendit la main à Hector, qui la prit, et Thésée se releva. Il était fils de Poseïdon, Héraclès fils de Zeus. Jamais l'Athénien n'aurait accepté d'obéir à un prince quelconque, étranger, dont il n'avait jamais entendu parler. Hector lui-même devait se souvenir qu'il n'était pas en présence d'un des grands guerriers du passé, mais bien d'une EBA pareille à lui-même, un corps empli de chimères, qu'il faudrait manoeuvrer au coeur du torrent. Mais leur nouvelle recrue se tournait déjà vers Leo, restée en retrait, le glaive entre les paumes. Elle jeta un regard inquiet à Hector.

— La déesse Hécate a doté ton glaive d'un pouvoir divin pendant que tu dormais, improvisa le Troyen, in extremis.

D'un geste, il invita Leo à rendre l'arme à son propriétaire. Celle-ci, médusée par le manteau dont il venait de l'affubler, demeura figée dans le sable. Thésée, quant à lui, reflétait une surprise enchantée.

— Déesse, vous m'honorez.

Il glissa un genou en terre pour accepter cette bénédiction fabuleuse, Leo lui rendit l'arme, les mains tremblantes, Ariane renifla de dépit. Hector la surveillait toujours d'un oeil. À présent que l'Athénien était à nouveau armé, sa capacité de nuisance regagnait en force. Même si Thésée y réfléchirait à deux fois avant d'affronter Héraclès, Ariane conservait la mainmise sur son âme, une simple question d'ordre de passage.

Cette cruelle harpie qui le manipulait sans scrupules.

La honte l'envahit, un instant, car il perpétuait le mensonge, lui adjoignait d'autres voiles, d'autres brumes, enferrant un être ignorant dans d'atroces mirages. Ce n'était ni l'endroit, ni l'instant, de révéler la vérité à Thésée, mais cela ne rendait pas la situation plus douce.

Les Héros de Rien (en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant