Les Héros de Rien (en cours)

30. Indécis

Max et Alex dirigeaient un groupement semi-clandestin aux expressions et appellations multiples. Certaines de leurs activités étaient publiques, d'autres illégales, et l'endroit où Leo les avait emmenés reflétait cette subdivision.

Max avait participé à la mise au point des EBA, il ne cherchait pas à le cacher. Ses regrets se sublimaient dans son travail, qu'il effectuait dans l'ombre depuis que sa réputation avait été piétinée en public. Son but avoué était de faire interdire toute production et exploitation d'EBA. Une partie de son équipe militait dans la lumière, en tentant de faire modifier les lois, une autre agissait dans l'ombre, en s'attaquant directement au dernier bastion de l'indicible : Légendes. L'organisation explosait en multiples groupuscules, aux méthodes variées, qui communiquaient le moins possible, et très peu avec Max lui-même.

En parallèle, les jumeaux conservaient une activité biomédicale, qui leur servait avant tout de source de financement. De ce que comprenait Arthur, Alex continuait à arpenter les laboratoires et examiner les corps, tandis que Max avait abandonné son tablier pour toujours, révulsé par les expérimentations auxquelles il s'était adonné.

Petit à petit, le jeune roi assimilait toutes ces informations incroyables, et la facilité avec laquelle il y parvenait fascinait manifestement son hôte.

— Jeune cerveau, répétait-il, ravi, jeune cerveau.

Pour des raisons de sécurité, Arthur se retrouva cantonné à une zone relativement réduite, mais Max le laissa libre de circuler. Comme il le lui avait expliqué plus tôt, les EBA ne pouvaient en aucun cas quitter les limites circonscrites des studios de Légendes, le résultat d'un événement funeste survenu cinq ans plus tôt, quand un de leurs prédécesseurs s'était adonné à un massacre parmi la population. Max ne s'était pas étendu sur les circonstances, il avait parlé des effets secondaires de réaliser qu'on n'était pas ce qu'on croyait, avait félicité le jeune homme pour son stoïcisme, avant de s'évader dans d'autres sujets.

Arthur avait compris que sa présence en ces murs mettait Max et son équipe en danger de représailles. Il s'était senti reconnaissant, une émotion curieusement positive, alors que cet homme était responsable de son existence monstrueuse. Les remords excusaient-ils l'innommable ? Pouvait-on comploter avec les forces maléfiques puis revenir à la lumière ? Arthur mesurait l'inadéquation du cadre de référence qu'on lui avait imposé. Noir, blanc, bon, mauvais, tout cela ne fonctionnait que dans la superficialité d'un conte.

Au-delà de l'instant, de sa nature, du vide derrière lui, se posait la question des lendemains. Il n'était personne. Il était perdu.

Ses sentiments envers Nina étaient douloureux et incompréhensibles. Elle lui avait menti, mille fois, s'était jouée de lui, de ses élans, élans qui n'existaient pas, dans sa vision qui faisait de lui une chose utile, créée dans un but, à exploiter jusqu'à la mort. Elle avait changé, il l'avait fait changer, en se révélant davantage. Devait-il pardonner ? Elle l'avait arraché à l'abattoir auquel il était promis. Pourquoi lui ? Était-ce une question de principe, un devoir, ou y avait-il une affection réelle entre eux, les ferments d'une relation interdite ? Il se savait incapable de l'affronter.

Plus que tout, il n'arrivait pas à se détacher de la certitude qu'il était humain, malgré tout ce qu'il savait désormais, et tout le magma mensonger qui lui servait de conscience. Il brûlait de regagner cette chambre et de se fondre dans l'étreinte du prince troyen, quoi qu'il soit, pour retrouver cette abandon et cette lumière qui se passaient de toute notion de soi.

Max lui fournit des vêtements de rechange, lui expliqua le fonctionnement de la douche et lui donna une chambre dans laquelle Arthur ne resta pas plus d'une minute, peu désireux de se retrouver à nouveau prisonnier entre quatre murs. Le sorcier blanc l'installa alors devant un écran et les images qui s'y animèrent nourrirent Arthur pendant plusieurs heures.