2. Une rencontre en sous-sol

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La lumière chaleureuse qui émanait des murs de pierre brute guida Arthur. Son armure pesante cliquetait à chacun de ses pas et il se réjouit que Merlin ne lui ait pas demandé d'être discret. Il ne reconnaissait pas les lieux mais Camelot était truffée de passages et d'anciens couloirs dont il ne savait rien. Une vie entière n'aurait pas suffi à visiter tous les recoins de la forteresse et un roi n'avait guère le temps de jouer les explorateurs dans son propre château.

Il poursuivit sa route à pas lourds. Son plastron était maculé de terre et une douleur sourde rayonnait depuis son flanc droit. Tomber dans ce carcan de métal n'était pas sans risques, mais Merlin viendrait l'examiner dès qu'il en aurait le temps et le soignerait d'un filtre, d'un onguent ou d'une formule magique.

Il tenta de dérouiller ses épaules, mais sa nuque l'élançait. Il brûlait de desserrer les sangles qui l'emprisonnaient. Un serviteur viendrait récupérer les plaques plus tard. Il décida d'attendre la petite salle dont avait parlé Merlin, histoire de ne pas les semer.

La pièce en question s'ouvrit bientôt dans un mur, un rectangle nu, aux parois lisses, duquel s'écartaient trois couloirs pareillement éclairés. Arthur s'immobilisa et s'adossa un moment, pour reprendre son souffle. Il se demanda s'il s'était froissé quelque chose, car chaque inspiration le faisait souffrir. Il se débarrassa de ses gantelets puis porta les doigts à ses lèvres. Sa salive était heureusement claire, il ne saignait pas de l'intérieur.

Mains nues, il entreprit de se débarrasser de son armure. Ce n'était normalement pas son rôle, mais son écuyer, Girflet, devait l'attendre dans les hauteurs et il se sentait las.

Il se dégagea d'abord de son plastron, qui heurta le sol dans un fracas désagréable. Même s'il était seul, Arthur se sentit vaguement gêné d'être à la source de ce tintamarre. Il s'attaquait à son épaulière gauche lorsqu'un visage apparut dans l'embrasure du couloir qui arrivait à sa gauche, le figeant dans ses bottes.

L'inconnu parut tout aussi surpris. Arthur chercha son épée, ne trouva rien, demeura muet. L'étranger entra dans la pièce et lui présenta ses mains vides, sans doute en signe de paix.

Bien qu'il ait affronté de nombreux barbares, Arthur n'en avait jamais rencontré de semblable. L'homme était très légèrement vêtu, d'une cotte de cuir brun, de sandales lacées, de gants frustres. Un symbole complexe ornait sa poitrine, mais ses jambes, ses épaules et ses bras étaient nus. Plus que sa tenue, son apparence était inhabituelle. Il avait le teint hâlé comme les étrangers du sud, des cheveux très noirs, une carrure qui dépassait celle du jeune roi, pourtant de bonne taille.

Arthur se sentit menacé, bien que le nouveau venu ne paraisse en rien hostile. Son regard curieux le détaillait, comme pour absorber chaque parcelle de son anatomie. Le souverain carra les épaules et se redressa. Il regrettait soudain son plastron abandonné au sol.

— Qui êtes-vous ? tonna-t-il, de toute sa superbe.

Était-ce l'acolyte dont avait parlé Merlin ? Le vieil enchanteur employait d'ordinaire des adolescents fébriles, et non des colosses dénudés.

Contre toute attente, l'homme tomba à genoux et ploya la tête.

— Noble seigneur, bénissez-moi. Pour les combats à venir, pour le triomphe de ce qui est bon et juste.

Arthur s'exécuta sans même y réfléchir. Il franchit la distance qui le séparait de l'étranger, posa la main dans ses cheveux noirs, humides de sueur, et gonfla la poitrine.

— Quel est ton nom ?

— Hector, répondit l'homme d'une voix sourde.

Hector.

Les Héros de Rien (en cours)Where stories live. Discover now