13. Retraite

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Debout à la fenêtre, Hector lorgnait la cité en contrebas, bras croisés. Arthur s'était redressé sur deux oreillers et contemplait le verre posé sur l'armoire, à demi-plein. Quand Hector avait tiré le meuble devant la porte, une partie du liquide s'était renversé mais il en restait peut-être assez pour apaiser le supplice qui affligeait toujours sa carcasse. Ni le café ni le pain ne semblaient l'avoir ensorcelé, et le goût âcre des vomissures lui emplissait encore les joues.

Il chercha à se lever, contint une plainte, et Hector fit volte-face, un pli lui barrant le front. Arthur désigna le breuvage d'un doigt tremblant et le Troyen comprit dans l'instant. Il alla chercher la coupe puis la lui maintint contre les lèvres, en lui soutenant la nuque. Le roi but avec reconnaissance.

— Ce maléfice t'a secoué, murmura le prince étranger.

Arthur soupira.

— Je vais me remettre. Je peux déjà bouger, il y a du progrès.

— Oui. J'en suis soulagé.

Il paraissait sincère et cette marque d'amitié réchauffa le blessé. Pour l'heure, les deux sorcières n'avaient pas donné signe de vie. Elles n'avaient pas tenté de franchir leur barricade, pas non plus frappé à la porte ou vociféré des imprécations au travers de la cloison. Arthur était persuadé que l'esprit invisible nommé Witch aurait pu franchir les parois mais il ne s'était pas davantage manifesté. L'instant semblait à la trêve, et le jeune roi n'allait guère sans plaindre. Dans son état, il ne valait rien. Un fameux frère d'armes, en vérité. Sans son harnois, son épée, il ne pouvait lutter contre personne.

Hector avait repris son poste d'observation. Son profil d'aigle trahissait une intense concentration et ses prunelles se déplaçaient vivement, au gré de son intérêt. La tension dans son front et sa mâchoire conféraient un air sauvage et dangereux à ses traits nobles et Arthur se demanda s'il refléterait jamais ce genre de majesté farouche, lui qui était déjà roi depuis plusieurs années. Il ne doutait pas qu'Hector, quand il arborait cette expression, jouissait d'un respect immédiat de la part de ses soldats.

Ne sois pas jaloux, songea-t-il.

Admonestation inutile car il ne l'était pas, en vérité. Admiratif, plutôt. Admiratif et... conquis. Il aurait obéi à cet homme, sans aucune hésitation, sur le champ de bataille et ailleurs.

Le Troyen esquissa un sourire.

— Tu me surveilles, lâcha-t-il.

Arthur se détourna, pris sur le fait.

— Je... je me demandais ce que tu regardais avec une telle intensité.

Le tutoiement sonnait juste sur sa langue, enfin. Il avait maintenu une distance inutile entre eux, perturbé par son étrangeté. Désormais, il se savait similaire, égal, de ce presque inconnu.

— Je réfléchis...

Il s'approcha, s'assit sur le lit et se pencha sur Arthur. Sa proximité raidit le jeune roi mais il refusa de se dérober.

— Pardonne-moi pour cet artifice, mais je suis sûr qu'elles peuvent nous entendre, chuchota Hector dans le creux de son oreille.

Le souffle chaud du Troyen hérissa les cheveux sur la nuque du Breton. Sa langue si proche de sa tempe, son torse contre son épaule, Arthur se mordit les lèvres malgré lui. Il ne savait pas s'il était dégoûté ou désireux que les choses aillent plus loin. La couverture qu'il avait remontée sur sa poitrine formait comme une barrière désastreuse entre eux.

— Nous allons nous évader dès que tu te sentiras mieux. À la nuit. Plusieurs itinéraires sont accessibles.

— Pour aller où ? demanda Arthur, la voix rauque.

Les Héros de Rien (en cours)Where stories live. Discover now