chapitre 3 : La presqu'île d'Usingen

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Herenui

Le soir du quatrième jour tombait. Herenui discutait avec Raurii et Manava. Si elle se referait aux bases de géographie qu'elle avait, elle savait qu'il n'y avait pas d'autres îles ou terres autre que le Grand Continent à proximité de l'archipel des Démons. Ils avaient sûrement fait route vers la presqu'ile d'Usingen, du nom de la ville portuaire et marchande la plus au sud de cette avancée de terre. C'était la plaque tournante du commerce vers sa terre natale, une cité stratégique pour laquelle deux grandes nations s'étaient longuement affrontées.

 L'empire d'Ebenen, à l'est, et le royaume de Maenie à l'ouest. Le premier avait finalement réussi repousser le second assez loin de cette position cruciale, et le vaincu avait consenti à contre cœur de cesser les hostilités. Bien que des tensions persistaient aux frontières, la situation était plutôt stable depuis un siècle et demi. Cependant, elle ne savait pas encore qu'elle était leur destination.

L'évocation de ces notions de géographie éveilla un peu de nostalgie dans l'esprit de la jeune guerrière. Elle, qui n'envisageait pas de quitter ses îles adorées, avait trouvé toutes ces leçons ennuyeuse à souhait. Mais Hinevara avait été intransigeante. Elle estimait qu'un bon assassin se devait d'avoir un maximum de connaissances. Elle fouilla sa mémoire à la recherche de ce qu'avait pu lui apprendre sa préceptrice. Ces deux puissances étaient les partenaires commerciaux principaux des îles tropicales.

 Le royaume  Maenien s'étendait au nord-ouest d'Usingen

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Le royaume Maenien s'étendait au nord-ouest d'Usingen. Son territoire n'était pas le plus vaste mais sa grande plaine fertile, sa large façade océanique et les deux massifs montagneux bordants ses frontières en faisaient une région prospère. Ses guildes de commerces et d'artisans étaient très réputées, et Maeno, la capitale, était une ville à l'architecture et au raffinement dont peu d'autres métropoles pouvaient se targuer. Le roi, Alfonso 1er, siégeait sur le trône depuis 20ans. Il avait continué l'œuvre de ses prédécesseurs, s'entourant des plus grands marchands et artistes du pays. Il s'était efforcé de garder des relations pacifiques avec ses voisins. En proposant de nombreux échanges de ressources, il avait réussi à stabiliser les frontières.

L'empire lui, se trouvait au nord-est de la presqu'île. La famille impériale était issue d'une tribu montagnarde, qui, peu à peu, avait conquis les quatre grandes plaines adjacentes à leurs montagnes. La prouesse de ce peuple avait impressionné Herenui. Elle s'était demandé quels traits majestueux le chef de ces guerriers pouvait avoir, mais la diversité physique des continentaux avait rendu la tâche trop ardue à son goût. La capitale, Wadern, était la base historique du clan, et se situait donc au plein cœur des montagnes. Le pays était divisé en cinq provinces. Une pour chaque plaine et une pour la capitale. La tradition militaire de ce pays était forte. Ses armureries étaient à la pointe de la technologie martiale. Elle comptait dans ses rangs de grands généraux, qui guerroyaient régulièrement avec les tribus sauvages de la grande chaine montagneuse de l'est.

Elle se souvint que Hinevara avait également évoqué une grande migration d'un peuple venu du lointain orient six-cent ou sept-cent ans auparavant. Ils avaient traversé l'actuel empire avant d'investir la région d'Usingen, jusqu'alors restée une étendue de végétation vierge. L'échange de culture et de savoir-faire entre les nouveaux arrivants et les pays voisins avait permis une cohabitation pacifique. Mais l'ambition des deux grands pays força les habitants à choisir un camp, provoquant la scission des Hokori no hito (peuple fier, comme ils se surnommaient), chaque ville voulant rejoindre la nation avec laquelle ils avaient le plus de liens. Herenui se rappela aussi que l'apparence physique des orientaux était différente des autres continentaux qu'elle avait croisé. Ils avaient les cheveux noirs et raides, les yeux foncés et bridés et étaient de taille légèrement inférieure aux autres peuples de la région.

Elle fut tirée de sa spéculation géographique et de sa nostalgie par l'arrivée du repas. Pendant qu'elle mangeait, elle écouta distraitement les discussions des autres captives. Une bonne partie d'entre elles refusaient d'attendre leur sort sans rien faire. De nombreuses femmes voulaient venger leurs maris ou leurs enfants. Elles émirent l'hypothèse de se rebeller lorsque les geôliers descendraient servir un repas où allumer les lampes. L'approbation commença à gagner les rangs. C'est le moment que choisit l'apprentie mercenaire pour se lever et prendre la parole.

-« Votre action ne nous mènerait nulle part » annonça-t-elle «  Nous sommes sur un bateau rempli d'hommes armés et entrainés. En prendre le contrôle tiendrait du miracle.» Elle toisa l'assistance du regard avant de continuer « Et même avec ce miracle, nous serions cernées par six navires ennemis. De plus, je pense qu'aucune d'entre nous ne sait faire avancer un tel bâtiment. »

-« Et que proposes-tu alors ? Tu préfères finir esclave de ces pirates ? Etre une moins que rien toute ta vie ? N'as-tu pas de dignité ? » L'invectiva une des meneuses.

-«  Je préfère vivre pour avoir une chance de m'en sortir. » répondit aussitôt Herenui. « Si vous mourrez, vous ne pourrez jamais revoir votre famille. Alors que si vous savez être patientes, vous aurez peut-être l'opportunité de vous échapper. Votre plan est stupide et suicidaire, et vous nous condamnerez toutes si vous passez à l'acte. »

L'autre se leva et la défia du regard. La jeune fille ne baissa pas les yeux et elles restèrent quelques secondes face à face jusqu'à ce que Manava, la doyenne, n'interviennent :

-« Herenui a raison. Il ne sert à rien d'être impulsif. Nous ne savons pas où nous sommes, ni qui sont nos ravisseurs. Trop de paramètres nous sont inconnus et il ne servirait à rien de foncer tête baissée sur l'ennemi. Quand nous en aurons appris plus, il sera plus facile de faire un plan qui pourra vraiment nous ramener chez nous ».

Des murmures s'élevèrent de l'assemblée , après ce débat houleux qui avait capté l'attention de toute les prisonnières. L'ardeur des plus téméraires retomba et les femmes commencèrent à s'endormir en petit groupes. 




L'aventure d'Herenui [1ere version/incomplet]Where stories live. Discover now