Chapitre 4 : Capitaine Fernando

737 128 27
                                    


Fernando

Le capitaine avait donné l'ordre d'attaquer au moment où le soleil disparaissait à l'horizon. Cette fois le but n'était pas tant de ramener des esclaves, mais de récupérer un maximum de ressources. Les Hokoris avaient apporté avec eux de nombreuses céréales très faciles à stocker et le climat favorable de la presqu'ile leur avait permis de produire des quantités de nourriture assez importantes. Fernando voulait donc amasser un maximum de victuailles pour les stocker à son camp de base. Le village qu'il avait pris pour cible était un port de la côte est, appartenant cependant à l'empire Ebenenois, car le chef de la flotte était originaire du royaume Maenien et la couronne faisait régulièrement appel à ses services. Piller une ville de son employeur serait donc une idée stupide, tandis que mettre à feu et à sang une de son ancien ennemi serait au pire passé sous silence, au mieux récompensé par quelques compliments ou présents discrets.

Il comptait repartir avant demain midi. Ses soldats savaient être efficaces lors de tels raids. Le va et vient des barques remplies de sacs de marchandises était déjà en cours. De temps en temps, quelques prisonniers étaient amenés à bord, triés et enfermés dans les cales où se trouvaient déjà les Démons. Le commandant savait qu'il n'en tirerait pas le même prix, mais avoir différents profils d'esclaves ne pouvait pas nuire à ses affaires. Il pourrait ainsi inclure une clientèle plus modeste dans ses transactions. Maeno était la référence en termes de marché d'esclave. Le royaume fournissait les différents empires qui le bordaient. Les meilleures pièces étaient achetées par de hauts dignataires, locaux ou étrangers. Le reste servait de main d'œuvre dans les villes, aux champs ou dans certaines guildes et autres compagnies. Tout semblait se dérouler pour le mieux, jusqu'à ce qu'il entende des cris et de l'agitation dans la cale où se trouvait les captives. Il se dirigea prestement vers l'escalier qu'il descendit quatre à quatre.

Herenui

Herenui fut tirée de son sommeil par l'ouverture de la trappe de la cale. Les geôliers descendirent et allumèrent les lampes à huile. Quelques minutes plus tard, plusieurs prisonnières firent leur entrée, escortées par des soldats. Elles étaient une quinzaine, de tout âge. Elles descendirent l'escalier et commencèrent à rejoindre les démones. Elles étaient hagardes, abasourdies par la soudaineté de l'attaque, et ne réalisaient pas ce qui leur arrivait.

D'un coup, la cadette des nouvelles venues se retourna et tenta de remonter par l'escalier. Un homme l'agrippa par le bras mais elle le mordit violemment. De surprise, il lâcha la fillette et poussa un juron. Malheureusement un autre pirate arrivait par le haut et lui administra une claque qui la fit tomber des escaliers. Elle s'écrasa à côté d'Herenui dans un  cri de douleur. Elle semblait avoir du mal à reprendre ses esprits, et le premier gardien qu'elle avait semé se rapprochait à grands pas, son visage déformé par la douleur et la rage, le bras gauche sanguinolent. Il assena un coup de pied qui fit s'envoler l'enfant, qui lâcha un hoquet de surprise avant de retomber mollement. Il s'avanca vers sa victime, dégaina son épée et se prépara à frapper.

C'est le moment que choisit Herenui pour bondir. Elle se jeta de toutes ses forces sur l'homme, pour le propulser vers les escaliers. Malgré sa blessure a la cuisse, elle parvint à déséquilibrer sa cible, dont la tête cogna violemment le côté des marches. Le soldat s'effondra et resta inanimé. La jeune guerrière se saisit prestement de l'arme qu'il venait de lâcher et se prépara à affronter les trois autres gardes. Ceux-ci se précipitèrent vers elle mais ne savaient pas quelle attitude adopter. La jeune fille qui se tenait en face d'eux faisait partie des esclaves de valeur. S'ils la tuaient où la blessaient trop grièvement, le capitaine serait furieux. Et tous les marins savaient qu'il valait mieux éviter que cela arrive. Bon nombre de leurs connaissances trop peu consciencieuses avait subi les foudres de Fernando. Cependant, ils ne pouvaient pas laisser cet acte de rébellion impuni, au risque de faire croire aux autres prisonnières qu'elles avaient une chance. Ils engagèrent donc le combat en se retenant, pour tenter de désarmer la jeune fille visiblement blessée.

Il n'en fallait pas plus à Herenui pour trouver des failles. Ses trois ennemis, qui pensaient leur cible diminuée, furent dépassés par sa technique et sa vivacité. Elle toucha le premier au bras, puis le désarma. Elle transperça ensuite la jambe droite du deuxième qui s'effondra sous le coup de la douleur et s'attaqua au troisième. Un coup de pied dans l'entre jambe puis de pommeau à la tête mis ce dernier hors d'état de nuire. Elle jeta un regard vers la trappe. Le scénario qu'elle appréhendait était malheureusement en train de se dérouler. D'autres gardes, intrigués par le bruit de l'affrontement, descendaient en toute hâte. Inconsciemment, la guerrière se déplaça vers la fillette qui gisait toujours par terre et se mis en position. Le combat allait reprendre lorsqu'une voix retentit :

-« Il suffit ! »

Tous les belligérants levèrent la tête. Un homme en costume, portant un tricorne orné d'une plume, fit son apparition. La démone n'avait pas compris les paroles prononcées par l'inconnu, mais elles avaient claqué comme un coup de fouet dans l'air. Elle en conclut qu'il leur avait intimé de s'arrêter et qu'il s'agissait sûrement de leur chef.

-« Que se passe-t-il donc ici ? » tonna-t-il. « Quelqu'un aurait il l'amabilité de m'expliquer la raison de tout ce boucan ? »

Un des trois gardes qu'elle avait blessé lui expliqua la situation. L'homme tourna sa tête vers elle. Elle soutint son regard en signe de défi. Un sourire ravi étira ses lèvres. Il la quitta un instant des yeux pour observer la fille derrière elle puis il s'adressa à Herenui :

-« Je vois que tu es une combattante très douée ! Cependant tu sembles ne prendre part qu'à des assauts toujours perdus d'avance... Pourquoi risquer ta vie à sauver cette inconnue ? »

Devant la mine perplexe de son interlocutrice, Fernando se rappela que tous les deux ne parlaient pas le même langage. Il fit un geste de la main en direction de l'apprentie et ordonna qu'on aille lui chercher son interprète. Ce dernier arriva en toute hâte et traduisit la question du capitaine.

-« Parce que votre homme allait la tuer alors qu'elle avait déjà eu son compte. » répondit-elle « Ce lourdaud mérite ce qui lui est arrivé »

Cette réplique fit sourire l'homme au chapeau. Il réfléchit quelques secondes et reprit :

-« Normalement, je fais passer les esclaves désobéissants par-dessus bord. Mais ta bravoure et ton talent m'ont mis dans de bonnes dispositions. Je n'ai pas non plus envie de perdre plus d'hommes que nécessaires, ni d'abîmer un de mes précieux démons. J'ai donc un marché pour toi. Jette ton arme et je t'épargnerais toi et ta protégée. C'est la seule option qui te laissera en vie. Qu'en penses-tu? »

La jeune fille écouta le traducteur reformuler la proposition et,après quelques secondes jeta son arme. Elle n'avait aucune garantie qu'il tiendrait parole, mais dans tous les cas, c'était la meilleure solution. De façon assez surprenante, les soldats évacuèrent leurs blessés et quittèrent un à un la cale. Le dernier à partir fut le capitaine, un sourire ravi aux lèvres, ce qui intrigua énormément Herenui. Elle n'eut pas le temps de trop y réfléchir, Raurii et Manava se précipitant sur elle une fois la trappe refermée. 



L'aventure d'Herenui [1ere version/incomplet]Where stories live. Discover now