L'aventure d'Herenui [1ere version/incomplet]

Chapitre 47: Soufflon

Dans son bureau, le capitaine Möves fulminait. Cela faisait maintenant huit heures que la situation avait commencé à dégénérer sur la Grand Place. Inévitablement, l'agitation s'était propagée dans d'autres quartiers de la ville, jetant cette dernière dans le trouble.

Ce qui ulcérait le plus l'officier, c'était la gestion désastreuse de l'incident. Ce dernier s'était produit alors que ni lui ni Shriver n'étaient au fort car ils supervisaient une manœuvre de cavalerie dans le plateau qui entourait la ville de Wertach et ils n'avaient été mis au courant de la situation que trop tard. Le temps qu'ils rentrent au fort, l'ordre d'aller disperser la manifestation par la force avait déjà été donné.

Le capitaine avait été sidéré par le manque de clairvoyance de ses subordonnés et en particulier de l'attitude irresponsable de Utz Weigand, le numéro trois du fort: Weigand était un vieil officier qui avait mal supporté de ne jamais être nommé responsable en chef, le général Wiesemann et ses prédécesseurs ayant jugé qu'il n'avait pas l'étoffe nécessaire pour occuper ce poste. Cependant, Weigand avait réussi à sympathiser avec de nombreux soldats et sa popularité avait obligé Möves à lui accorder un rang élevé dans la hiérarchie du fort. Mais jamais le capitaine n'aurait pensé que Weigand puisse à ce point se tromper sur une décision aussi cruciale.

Après avoir arrangé la situation du mieux qu'il pouvait, Möves avait donc convoqué la cible de ses reproches ainsi que Shriver et Herenui. Assis dans son grand fauteuil, il observait un point fixe sur sa table, tandis que Weigand et la démone attendaient debout, bien droits, qu'il prenne la parole. Un peu plus loin, Shriver observait la scène, confortablement installé près du feu.

Enfin le capitaine sortit de sa torpeur et prit la parole:

-"Utz..." commença-t-il en fixant son interlocuteur, laissant la suite de sa phrase en suspend quelques secondes "J'ai beau chercher une idée qui pourrait expliquer votre choix, je n'en trouve aucune. A quel moment avez-vous pu penser que, dans le contexte actuel, envoyer des hommes armés pouvait être la solution? Cela fait plusieurs mois que nous savons tous à quel point la situation est sur le point de s'embraser et vous, vous fournissez l'étincelle dont les agitateurs avaient besoin. Bon sang mais qu'avez-vous dans la tête ?"

-" Je ne vous permets pas de me parler comme ça, Siegfried! J'ai fait le nécessaire pour tenter de sauver des hommes de notre garnison lâchement attaqués. Vous auriez peut-être préféré que je les laisse se faire lapider par la foule?"

-"Hé bien oui, justement!" Répondit sèchement Möves "En tant qu'officier, vous êtes censé comprendre qu'on n'échange pas la vie de quelques soldats contre une cité toute entière! Les agitateurs vous ont tendu un piège et vous avez couru droit dedans! Regardez où nous en sommes: le fort est assiégé par des habitants en colère et nous avons plusieurs patrouilles qui ont été attaquées un peu partout dans la ville."

-"Quel manque total d'empathie!" répliqua Weigand "Ces hommes vous sont entièrement dévoués et vous n'esquisseriez pas le moindre geste pour eux? Nous sommes censés nous serrer les coudes dans des situations comme celles-ci et vous vous les abandonnez."

-"Je n'ai aucune obligation envers mes soldats si ce n'est de les mener à la victoire. Je suis un officier de l'Empire, mon but principal est la protection de mon pays et de son peuple. Wertach est une position essentielle dans la guerre contre les Gauts et c'est mon devoir de tout faire pour en garder le contrôle. Vos actions et vos idéaux me font regretter mon choix de vous avoir donné tant de responsabilités." Asséna Möves.

A ces mots, Utz vira au cramoisi et abattit son poing sur le bureau de son supérieur.

-"Je n'ai que faire de vos reproches, vous n'avez pas non plus réussi à apaiser les tensions et c'est votre inefficacité qui a conduit à cette situation. Cela fait déjà plusieurs mois qu'il n'y a aucun résultat dans vos investigations et votre "renfort" "fit-il en désignant Herenui du doigt "ne semble pas à la hauteur. D'ailleurs, je serais bien content d'apprendre où votre démone se trouvait cet après-midi."