Chapitre 10 : règlement de comptes

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Herenui

Deux mois et demi avaient passé depuis sa capture. Et Herenui affrontait pour la première fois des températures aussi basses. . Dans ses îles natales, bien qu'il put faire très humide, il faisait aussi très bon. Le calendrier était rythmé par la saison sèche et la saison humide. D'après ce que lui avait expliqué Natsuko, ils étaient en « novembre », le onzième mois de l'année, et il allait faire de plus en plus froid. Elle avait déjà mené à bien une dizaine de missions depuis qu'elle était arrivée. Fernando avait de l'ambition et elle le sentait. Au fur et à mesure des prouesses de son esclave, il recevait de nombreuses demandes et acceptait les plus rentables. Mais plus le profit était important, plus les missions étaient dangereuses. Les deux dernières avaient forcé Herenui à employer tous ses talents, bien qu'elle ne fut pas inquiétée plus que ça. Assassiner des officiers ou des nobles trop ambitieux n'était pas à la portée de tout le monde et sa réputation grimpait en flèche. Cependant, la démone sentait qu'elle approchait de la limite de sa zone de confort. Dans la guilde, Hinevara corrigeait ses erreurs après les missions et lui prodiguait de nombreux conseils. Mais maintenant elle n'avait plus personne pour l'aider, et le moindre faux pas risquait de lui coûter la vie. Elle ne devait plus compter que sur elle-même et c'est sur ce constat qu'elle se préparait pour ce soir.

La mission était différente des autres. Ce n'était pas une requête. C'était un règlement de compte. Fernando proposait dans ses services l'escorte de convois avec des mercenaires, pour dissuader les bandits de grand chemin de s'en prendre aux marchandises de ses clients. Mais récemment, un groupe aux alentours de la capitale s'était montré assez téméraire pour tenter sa chance. Et réussir, plusieurs fois, cela malgré les avertissements de Fernando. Ceci avait eu le don d'énerver ce dernier, qui avait donc envoyé des pisteurs repérer les brigands. Ces derniers avaient réussi à les trouver et à ramener des informations importantes sur leurs ennemis: leur nombre, l'organisation de leur campement et surtout l'identité de leur chef. Le marchand maenien avait aussitôt préparé un plan d'attaque; mobilisant un grand nombre d'hommes. Ils s'étaient mis en route dans la matinée et se préparaient maintenant à entrer dans le bois où se terraient les coupe-jarret. La nuit tombait tôt à cette époque de l'année, ce qui arrangeait la démone et ses alliés, qui progressaient aussi silencieusement que possible.

Ils arrivèrent à l'entrée du camp, où plusieurs veilleurs effectuaient leur quart à différents points stratégiques. La hutte de leur chef se trouvait au milieu, pour plus de sécurité, et c'était l'objectif des assaillants. Fernando espérait avoir un petit "tête à tête", histoire de montrer quelle était la hiérarchie dans le coin. Les assaillants formèrent plusieurs groupes et encerclèrent la base. Quelques mercenaires et Herenui furent désignés pour aller subrepticement éliminer les hommes en faction, se réchauffant près des feux de camp. Herenui avançait en silence avec deux alliés, se préparant à sauter sur les deux cibles qui discutaient devant elle. Elle accrocha le regard de ses compagnons pour capter leur attention et leur fit signe de se préparer. Ils acquiescèrent et Herenui allait bondir lorsqu'un cri de douleur retentit à un autre poste de garde, aussitôt suivi par des cris d'alerte. La mission furtive avait échouée, on passait donc au plan B, l'attaque en force, qui serait forcément plus couteuse en hommes. Mais Fernando était prêt à ce sacrifice. Il pourrait retrouver des mercenaires, mais plus difficilement la confiance de ses partenaires en affaires s'il ne réglait pas sérieusement ce problème. C'est donc toute la troupe du marchand qui se lança au son du cor. En face d'eux, les brigands s'étaient en majorité tous levés et avaient saisi leurs armes. Les attaquants étaient plus nombreux, mais les défenseurs connaissaient mieux le terrain, et surtout ils avaient un avantage que leurs adversaires ignoraient.

Herenui n'avait pas perdu de temps au moment où l'alerte avait été donnée. Elle avait bondit, tuant une de ses deux cibles pendant que ses alliés s'occupaient de l'autre. Elle commença à avancer dans le camp avec ses deux camarades, tuant les ennemis qui sortaient de leurs tentes, un peu déboussolés. Il n'y avait rien d'honorable dans ces combats. Certains n'étaient même pas encore armés. Mais c'était la tâche d'Herenui. On lui avait appris à ne pas avoir d'état d'âme. C'était la loi du plus fort. La survie par la puissance ou par l'ingéniosité. La moindre erreur ou inattention et vous disparaissiez à jamais. Après avoir rapidement progressé dans la base ennemie, le rythme de la jeune guerrière commençait à baisser. Ses adversaires étaient maintenant tous réveillés et l'attendaient de pied ferme. Elle regarda derrière elle, pensant voir venir des renforts, mais il n'en fut rien. Elle tenta de comprendre ce qui se passait et elle sentit le stress monter en elle lorsqu'elle aperçut la raison de leur retard.

Tout autour du camp, des fossés avaient été creusés, des branches de bois taillées en pointe, plantées et le tout avait recouvert de feuilles et branchages les dissimulant. Une partie des troupes de soutien s'était empalée dans ce piège, basique mais efficace, tandis que les autres cherchaient des passages sûrs. Herenui et son groupe avait eu une chance inouïe de ne pas tomber dedans auparavant. Les précieuses secondes qui s'écoulaient mettaient Herenui dans une situation délicate. Entourée par l'ennemi, elle battit tant bien que mal en retraite. Alors qu'elle était aux prises avec deux hommes, elle remarqua qu'ils n'essayaient plus de l'encercler, ne dépassant pas une certaine limite. Elle comprit instantanément. Si elle reculait encore, elle tomberait dans un fossé. Elle tenta d'avertir ses deux partenaires, mais déjà un premier tombait à la renverse, révélant le piège, et fut transpercé. L'opposant de la démone frappait de toutes ses forces pour tenter de la faire basculer à son tour. Herenui parait du mieux qu'elle pouvait, mais un coup d'épée qu'elle bloqua fit glisser son pied gauche. Elle commença à perdre l'équilibre, ne trouvant pas d'appui sur lequel se stabiliser. Mais elle ne paniqua pas. Avec un mélange de sang froid et d'instinct, elle s'accroupit et planta ses poignards dans le sol, arrêtant sa chute. Elle s'immobilisa une fraction de seconde, et grâce à ses nouveaux appuis, bondit tête la première vers son adversaire. Ce dernier, surpris par l'enchainement de la jeune fille, ne put se défendre, et se retrouva plaqué au sol, avant d'être éliminé par l'assassine, qui se releva prestement, évitant de nouvelles attaques.

A son grand soulagement, ses alliés arrivèrent enfin, lui permettant de souffler quelques instants. Les brigands se rendirent lorsqu'ils virent qu'ils ne pouvaient pas gagner et le tintement des lames s'arrêta progressivement. On rassembla les vaincus, qu'on désarma, tandis que le chef était amené dans sa tente, où Fernando le rejoint. Certains hommes s'affairaient autour des blessés que l'ont pouvait encore sauver. Le bilan était lourd des deux cotés. Une cinquantaine de mercenaires étaient mort, contre une trentaine pour les coupe-jarrets. L'opération était donc un succès mitigé pour la clique du marchand maenien, mais ce dernier saurait en tirer un maximum de bénéfice, elle en était sûre.

Dans la hutte, Fernando réfléchissait à la soirée. Il expliqua à son "hôte" la raison de sa présence. Le pauvre homme était dans un piteux état, mais il avait osé ignorer les avertissements de plus fort que lui et il en récoltait les conséquences cette nuit. L'entrevue dura une heure, rythmée par des cris de souffrance. Fernando sortit de la tente en premier, puis ses deux gardes du corps apparurent, portant la dépouille du chef ennemi, qu'ils déposèrent avec d'autres cadavres sans ménagement. Les brigands regardèrent horrifiés leur leader, inerte. Puis quelques instants plus tard, le marchand pris la parole:

-"Vous avez été guidés jusqu'à présent par un imbécile, qui ne connaissait pas sa place. Je sais que nombre de vos amis sont morts ce soir, et ce n'est pas ma faute, mais la sienne. En guise de ma bonne foi, je vous offre à tous un toit si vous décidez de venir grossir mes rangs. Si vous voulez rester ici, pas de problèmes, mais ne touchez plus jamais à ce qui m'appartient." dit-il d'un ton menaçant

Sur ces mots, il tourna les talons et rassembla son groupe. Les mercenaires pillèrent le camp, allumèrent des bûchers funéraires pour leurs camarades et s'en furent vers les charrettes qui les attendaient à l'orée de la foret. Une grande partie des brigands ne tarda pas à les suivre, prêtant allégeance à Fernando. Encore une fois, il avait tourné la situation à son avantage. Avec ces nouveaux arrivants, il compensait ses pertes, et il avait réglé pour un bon moment ce problème de banditisme qui nuisait à ses affaires. Il soupçonnait des concurrents de financer de tels groupes pour lui nuire mais l'interrogatoire du leader un peu plus tôt n'avait rien donné. Il s'installa dans carriole de tête et le convoi démarra. 








L'aventure d'Herenui [1ere version/incomplet]Where stories live. Discover now