Chapitre 41: L'entrepôt

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Cela faisait un mois et demi que le prince était venu à l'orphelinat, et surtout deux mois que l'expédition de l'instructeur Fabeck et de ses élèves était rentrée, dans une ambiance beaucoup moins joviale qu'à l'aller.

La bataille du fort de Leich avait laissé des traces visibles sur la plupart des futurs officiers, déjà plus chanceux que cinq de leurs camarades qui n'avaient pas survécu. Comparé aux pertes des troupes de la citadelle, leur ratio de victimes était miraculeux mais cette statistique ne pouvait réjouir les cœurs meurtris par la perte de plusieurs de leurs amis. Même Erika, d'ordinaire joviale, n'avait pas essayé de détendre l'atmosphère, sûrement elle aussi très peinée.

Les leçons avaient d'ailleurs été suspendues jusqu'au début du mois de septembre pour que tout le monde puisse se remettre des événements et récupérer de blessures plus ou moins graves. Herenui se rendait cependant tous les après midi à l'académie pour des cours particuliers avec Fabeck, après avoir approfondi son ebenenien avec Alfrid dans la matinée.

La démone se réjouissait inconsciemment de ne pas avoir à rester toute la journée à l'orphelinat à effectuer des taches domestiques. Ce n'est pas que l'idée de nettoyer les écuries ou faire la lessive la rebutait, mais elle trouvait l'escrime et les sciences militaires beaucoup plus intrigantes, bien qu'elle ne l'avouerait jamais de vive voix. Depuis son enfance à la guilde, elle avait appris à ne pas exprimer son opinion et à suivre les ordres et sa vision des choses n'était pas prête de changer.

De temps à autres, Fabeck l'envoyait porter un message à tel ou tel officier, lui-même ayant la paresse de se déplacer. Les destinataires étaient toujours surpris de voir Herenui leur transmettre les lettres de l'instructeur et ne se privaient pas de faire remarquer à la démone le dégoût qu'elle leur inspirait. La jeune guerrière était habituée depuis de longs mois à ce genre de réactions et bien que cela l'agaça, elle suivait à la lettre l'ordre de Markus de ne pas ternir l'image de Wiesemann.

Ce jour là, Herenui se trouvait à l'entrepôt militaire pour fournir à l'intendant Ludwig, une liste de matériel dont Fabeck avait besoin. Heribert Ludwig était un homme trapu, un peu petit et d'humeur toujours amicale, un des rares qui accueillait la démone avec un sourire poli, osant même lui faire la conversation bien que l'adolescente ne s'était jamais montrée bien loquace lors de ses deux précédentes visites. Il avait essayé de lui demander comment elle s'était retrouvée dans l'armée ebenenienne mais il n'avait obtenu qu'une réponse évasive lâchée du bout des lèvres.

Alors que l'intendant étudiait le parchemin que lui avait remis Herenui, quatre hommes entrèrent dans le grand bâtiment et s'approchèrent du comptoir.

-"Salut Heribert" fit l'un d'entre eux "On vient te chercher quelques tonneaux pour notre division, on est à sec!" Ponctua-t-il d'un clin d'œil

-"Encore?" s'étonna le gestionnaire des ressources "Je vous ai déjà fait livrer la semaine passée. Vous savez que vous avez un nombre limité de fûts à disposition et que pour le reste il faudra payer n'est ce pas ? »

-« oh allez, tu sais ce que c'est la soif ! » répondit l'homme en rigolant, tentant d'éviter de répondre à la question d'Heribert.

-« Je sais aussi quel est mon métier » répondit du tac au tac ce dernier « bref, je vais voir ce que j'ai en stock, mais n'oubliez pas que je note tout » glissa-t-il avant de s'enfoncer dans l'immense réserve

Le manque d'enthousiasme de l'intendant avait refroidi celui des quatre soldats qui semblaient maintenant de mauvaise humeur. Discrètement, Herenui les détailla pendant qu'ils parlaient à voix basse. Ils devaient tous avoir une trentaine ou quarantaine d'années. L'homme qui avait pris la parole et qui était sûrement le chef de la bande devait faire dans le mètre quatre-vingt. Il semblait avoir abusé régulièrement d'alcool et de charcuterie au vu de sa bedaine et la démone se demandait comment il pouvait survivre sur le champ de bataille avec une telle corpulence. Le soldat et ses compagnons devaient sûrement appartenir à la garde de la ville, garnison plutôt tranquille comparée à celles stationnées sur la ligne de front.

L'aventure d'Herenui [1ere version/incomplet]Where stories live. Discover now