Chapitre 26: L'érudit

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Une semaine après son entrée à l'académie, Herenui était de plus en plus perturbée par ses émotions. Conséquence directe de ce problème, la démone s'était renfermée sur elle-même. Elle était devenue plus distante avec les enfants et Natsuko, espérant revenir à ce qu'elle était avant. Si elle avait pensé à eux durant le combat, c'est donc qu'ils étaient devenus son point faible, elle devait ne plus se préoccuper d'eux.

Son attitude inquiétait Mathilda, qui n'avait pas mis longtemps à repérer que quelque chose avait changé chez la démone. Vroni et Adrian étaient d'ailleurs venus la voir, tout tristes de ne plus bénéficier des petites attentions d'Herenui, puis Natsuko lui avait confié son malaise devant la distance que prenait son amie envers elle. La directrice décida donc de faire part de son ressenti à Kasner.

-"Pourriez-vous aller lui parler Alfrid?" Demanda-t-elle "Vous êtes le seul à connaître sa langue natale. Cela l'amènera peut-être à se confier à vous."

-"Hum, Je ne suis pas sûr d'être le mieux placé pour ça" répondit-il, hésitant "Je ne suis ni guerrier, ni assassin... mais je vais quand même essayer" rajouta-t-il en voyant le regard suppliant de la directrice.

L'érudit réfléchit toute la journée à ce qu'il pourrait dire à la jeune fille. Elle ne parlait jamais d'elle, elle ne se plaignait jamais. Fallait-il vraiment intervenir? Les démons étaient des gens assez fiers, ils ne racontaient jamais leurs problèmes à des inconnus, seulement à une ou deux personnes de confiance, des mentors. Il avait discuté de ça avec un marchand de la tribu insulaire, chez qui il avait passé deux années pour apprendre la langue, connaître les coutumes du peuple et servir de traducteur. Était-il une personne à qui Herenui accepterait de se confier? Il pensa que le général ou Markus auraient peut-être plus de chances que lui, mais malheureusement ils n'étaient pas là.

En fin d'après midi, il s'installa dans le jardin entre l'orphelinat et le bâtiment des officiers. Il profitait des rayons que le soleil dardait et du parfum des fleurs en attendant que la guerrière rentre de l'académie. Quand enfin elle arriva, accompagnée de Natsuko, il les apostropha, leur demandant de le rejoindre. Il s'enquit poliment du déroulement de leur journée et après plusieurs minutes, annonça vouloir parler en tête à tête avec la démone. Natsuko s'en fut sans poser de question et le vieil homme se retrouva seul avec Herenui.

Ils restèrent silencieux quelques instants, le temps que la hokorie s'éloigne, puis Alfrid planta ses yeux gris dans ceux rubis de la démone. Cette dernière ne détourna pas le regard, mais l'érudit ne parvint pas à trouver la moindre trace de ce qu'elle pouvait éprouver. Après une grande inspiration, il prit la parole:

-"Madame Weidinger a remarqué que ton comportement avait changé depuis ton entrée à l'école militaire. Tu n'aides plus autant les enfants que les mois précédents, tu sembles moins parler à Natsuko alors que si elle est là, c'est pour t'aider. S'est-il passé quelque chose à l'académie?"

Herenui resta impassible, se contentant de le regarder. Pendant plusieurs minutes, Alfrid sonda ses yeux. Il ne savait pas pourquoi il continuait à la fixer, mais il sentait que c'était nécessaire, que quelque chose se passait dans la tête de la démone. Puis soudain la mâchoire de l'adolescente se crispa avant de se relâcher, premier signe visible de son intense réflexion. L'homme s'engouffra dans la brèche, reprenant la parole.

-"Je sais que tu es loin de chez toi et que tu es sûrement déstabilisée par tout ce changement, mais il y a des personnes qui sont prêtes à t'aider. Natsuko, le général, Markus, la directrice ou moi, nous sommes là pour toi. Parle nous." Rajouta-t-il en démon

Cette dernière phrase dans sa langue maternelle fit mouche. Herenui baissa le regard, semblant chercher ses mots, s'agitant nerveusement. Alfrid l'invita à s'asseoir sur le banc, à coté de lui, ce qu'elle fit. A nouveau le silence se fit, mais le sage savait qu'il avait réussi, alors il attendait patiemment qu'Herenui prenne la parole. Lorsque la guerrière se lança enfin, c'est un torrent de mots qu'elle déversa, comme si le barrage d'indifférence et de rigueur qu'elle avait construit depuis des années rompait.

Elle évoqua l'incident lors de l'entraînement la semaine précédente et les émotions que cela avait réveillé en elle. Elle détailla sa vie sur les îles, répondant aux quelques questions de son interlocuteur, expliquant comment elle avait grandi et pourquoi cela n'était pas compatible avec la vie qu'elle avait commencé à l'orphelinat. Elle ne pouvait pas se permettre d'être entravée par des émotions superflues. Si elle ne se concentrait pas sur l'essentiel, elle n'aurait aucune chance de rentre chez elle.

Alfrid écouta attentivement ce que son élève avait à dire, et quand enfin elle termina, il s'accorda quelques secondes de réflexion avant de commencer sa réponse.

-"Tu sais," dit-il "j'ai rencontré dans ma vie de nombreuses personnes qui se sont isolées de tous pour parvenir à leur objectif et au final, ça ne leur à rien apporté. Je pense que nous avons tous besoin d'une ou plusieurs personnes à nos côtés, pour nous soutenir. Regarde, ta préceptrice avait un compagnon et sûrement des amis à la guilde et pourtant, c'était une des meilleures non?

La démone acquiesça et l'érudit reprit

" Les hommes et les femmes les plus puissants qu'il m'ait été donné de voir ne se battaient pas pour eux mais pour les autres. L'affection peut faire faire de grandes choses aux gens, les transcender. C'est aussi parfois un point faible: nombreux sont ceux qui ont été pétrifiés par la peur de perdre un être cher. Nombreux aussi sont ceux que l'amour a aveuglé. Mais les plus grands rois et les plus grands guerriers ont su faire de cette faiblesse une force incommensurable."

Il fit une pause pour permettre à la démone de comprendre et d'analyser ce qu'il avait dit.

"Alors ne te ferme pas aux autres, à ceux qui tiennent à toi. Je suis sûr que ça ne changera pas ta détermination sur le champ de bataille, quand il faudra vraiment survivre. Je pense même qu'ils seront une source de motivation pour toi. Pour en revenir à ce qu'il s'est passé dans l'arène, tu as juste fait preuve d'humanité, face à un adversaire à terre dans un duel d'entrainement. Tu t'es faite aux règles de la société ebenenienne, tout comme tu commences à te faire à l'affection de ceux qui t'entourent. Tu as peur du changement, mais tous les hommes changent, avec les rencontres ou les épreuves qu'ils subissent. Tu gardes en toi une part de l'Herenui de la guilde, mais tu dois aussi laisser un place à l'Herenui actuelle, ne pas craindre ce que tu deviens."

Ils restèrent silencieux pendant encore quelques minutes lorsque la cloche du repas sonna. Alfrid se leva fit quelques pas avant de se tourner vers la démone.

-"Viens," dit-il "je suis sûr que les enfants t'attendent avec impatience"

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chapitre un peu galère à écrire, faites moi part de vos retours car je ne sais absolument pas l'impression que vous allez en avoir

L'aventure d'Herenui [1ere version/incomplet]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora