Chapitre 6 : la fin de la traversée

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Le cinquième jour de traversée était aussi calme que les autres, si l'on exceptait les évènements de la veille. Après leur petit déjeuner, certaines femmes étaient parties s'occuper des enfants, d'autres discutaient et quelques une faisaient leur toilette dans un coin avec les quelques tonneaux d'eau mis à disposition. Herenui, elle, faisait quelques exercices, suivie comme son ombre par Natsuko. Son corps n'était pas remis de la bataille de Cy'erith, et l'incident d'hier n'avait pas aidé la guérison. Mais elle se faisait un devoir de s'entrainer du mieux qu'elle put. Ses muscles finements dessinés avaient été acquis après plusieurs années de dur labeur, et la guerrière ne voulait pas voir les fruits de tant d'efforts disparaitre en quelques jours de désœuvrement. Une fois qu'elle eut terminé, elle partit se passer un coup d'eau sur le visage et rejoignit Raurii et Manava. Elles échangèrent quelques banalités puis commencèrent à parler plus sérieusement. Toutes les prisonnières savaient que chaque minute qui passait les rapprochait de leur vie d'esclave. La seule inconnue était leur destination.

-« Je pense que nous nous dirigeons vers Maeno » déclara Raurii

-« D'où te vient cette certitude ? » questionna sa mère

- « Je n'en suis pas sûre. Mais je pense que l'homme qui est apparu hier était leur capitaine. Et son costume était de style maénien. J'ai déjà vu de nombreux marchands de leur pays porter ce genre de collerette. »

Les trois démones se perdirent dans leurs pensées. Le silence fut rompu par la voix hésitante de la petite orientale.

-« Maeno ? » dit-elle. Puis elle se désigna et dit « Ebenen »

Les îliennes réalisèrent au bout de quelques secondes que la fillette essayait de leur communiquer sa nationalité. Elles acquiescèrent en signe de compréhension et l'invitèrent à continuer. Natsuko se mit à mimer un chapeau sur sa tête, imitant ainsi le chef de la flotte, fit semblant de parler et prononça à nouveau le nom de Maeno. Ceci confirma donc l'intuition de Raurii. Avec un peu d'eau, l'hokorie dessina une carte sommaire de la presqu'ile, situant Usingen, la frontière entre le royaume et l'empire, ainsi que son village. A force de geste, elle expliqua qu'elle parlait la langue de son ethnie, et qu'elle comprenait celle des deux autres nations. Elle avait donc clairement identifié le pays d'origine des pillards et raconta avoir entendu les gardes évoquer leur arrivée à la capitale d'ici deux jours si les conditions étaient favorables. Ces révélations éclaircirent donc la situation dans laquelle les futures esclaves se trouvaient. Cependant, elles mettaient aussi une notion de temps sur leur avenir jusque-là en suspens, et l'ambiance de la cale devint vite morose. Le reste de l'après-midi s'écoula doucement, le navire continuant inexorablement son avancée.

Le sixième jour fut rythmé par les crises de larmes de certaines détenues, à bout de nerfs, que les autres tentèrent de consoler, mais l'on sentait qu'elles-mêmes ne croyaient pas leurs propres paroles. La dernière nuit du voyage tomba faisant sombrer les femmes dans un sommeil agité.

Elles furent réveillées par la lumière du soleil qui entra d'un coup dans la cale. Les gardes avaient ouvert la trappe et descendaient. Ils les firent se regrouper puis ils amenèrent des chaines et commencèrent à entraver les captives. Une grande partie d'entre elles était en pleurs. Ces fers marquaient le début de leur vie servile et la fin de leurs espoirs. Elles s'avancèrent une à une et durent patienter au pied des escaliers. 

Quand ce fut au tour d'Herenui, sa gorge se noua. Le contact froid du métal sur ses chevilles et ses poignets la fit frissonner. Elle rejoignit Manava et sa fille. Cette dernière lui prit les mains et lui murmura :

-« Soit forte ! S'il y en a une qui a le plus de chances de s'en sortir, c'est bien toi. Tu es dynamique, intelligente et pleine de ressources. Alors ne perds pas espoir. »

Devant ce témoignage de gentillesse impromptu, les larmes commencèrent à monter aux yeux de la jeune fille mais elle parvint à les contenir.

-« Je sais que l'on se reverra » répondit elle « Il est de toute façon trop tôt pour se dire au revoir ! Nous n'avons pas encore été vendues ! Avec un peu de chance nous ne serons même pas séparées ! »

L'optimisme de la jeune fille fit sourire Raurii. Elle aurait aimé pouvoir être aussi confiante qu'elle mais préféra ne pas la contredire pour la ménager. L'apprentie, bien que mature pour son âge, ne comprenait sûrement pas encore la dureté du monde qui les attendait. Leur appartenance à la tribu des démons leur assurerait sûrement un maitre fortuné, ainsi elles éviteraient le travail dans les champs. Mais était-ce pour le mieux ? Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir d'avantage, les gardes commençant à faire avancer les captives dans l'escalier. La tâche se révélait ardue à cause des chaines mais toutes parvinrent sur le pont. Le soleil les aveugla et elles mirent du temps à s'habituer à la luminosité. Elles découvrirent alors une ville somptueuse. De hautes tours imposantes, des dômes majestueux et des bâtiments aux lignes aériennes s'étendaient à perte de vue. Herenui resta immobile quelques secondes, hypnotisée par ce spectacle, mais le convoi reprit rapidement son cours. Déjà, les premières prisonnières s'engageaient sur la passerelle, sous le regard curieux des passants. Alors que la jeune îlienne allait passer à son tour, une poigne rigoureuse la tira en arrière, lui arrachant un cri de surprise. 



L'aventure d'Herenui [1ere version/incomplet]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant