chapitre 13: la nuit au palais

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Elle savait qu'elle avait été repérée et elle s'en voulait. Elle n'avait pas remarqué que le commandant de la garde avait scruté la place. Et lorsqu'il avait donné la position de la démone, il était trop tard. Elle avait alors essayé d'agir de la manière la plus naturelle possible comme le lui avait enseigné Hinerava, avant de partir du marché. Elle retrouva Fernando au point de rassemblement convenu. Il semblait nerveux. Il avait sûrement été repéré aussi. Il faudrait donc laisser passer un jour avant de pouvoir tenter quoi que ce soit.

Ils rentrèrent à l'auberge et déjeunèrent avec les autres. Durant l'après-midi, Herenui monta dans sa chambre, réfléchissant à diverses stratégies, pendant que Natsuko faisait quelques exercices. Alors que la hokorie commençait à tourner en rond, trois coups furent frappés à la porte. La jeune fille courut prestement ouvrir et Fernando et le traducteur entrèrent. Le marchand s'était absenté pour tenter une nouvelle approche pour la mission. Il annonça avoir rencontré un des dirigeants de la ville, avec qui il avait pris contact la veille en arrivant.

L'homme était concerné par l'affaire de corruption et son siège était compromis. Bien que réticent au début, il avait accepté d'aider le maenien, qui avait su se montrer très persuasif, pour essayer de sauver sa place. Il leur avait donc rédigé un laisser-passer pour qu'ils puissent s'introduire dans le palais. Demain dans l'après-midi, Herenui, Fernando et le traducteur s'introduiraient donc par la grande porte. Le scénario qu'ils utiliseraient n'était pas trop éloigné de la réalité : Le marchand viendrait soi-disant livrer une esclave, aidé de son traducteur, à son ami conseiller de la ville. Les deux hommes repartiraient donc en laissant la démone dans le château où elle se cacherait jusqu'au soir. Une fois le plan expliqué, il indiqua à l'assassine où se trouvait la chambre du général, détail que lui avait également fourni le fonctionnaire. Il compléta la carte de l'aile où l'officier résidait, ainsi que les heures de ronde des gardes. Sur ces informations, la cloche du repas retentit et tous les résidents descendirent prendre leur dîner. Herenui et Natsuko engloutirent rapidement le leur et rejoignirent leur chambre. Elles n'avaient pas leur place en bas, parmi tous ces maeniens bourrus dont elles ne parlaient pas ou peu la langue. Tandis que la hokorie s'installait dans son lit, son amie s'installa au bureau et analysa les nouvelles données qu'elle avait reçues. Si elle le pouvait, elle frapperait le premier soir. S'attarder dans l'antre de l'ennemi était risqué, il fallait donc profiter de l'avantage qui leur était donné. Une fois le meilleur itinéraire trouvé, elle décida d'aller se coucher. La journée à venir s'annonçait longue et stressante, elle devait être en pleine forme pour l'affronter.

Herenui se réveilla vers huit heures. Elle étudia à nouveau les plans du château en attendant que Natsuko finisse sa nuit. Lorsque cette dernière ouvrit les yeux, elles prirent leur petit déjeuner avant de faire quelques étirements. La démone vérifia son équipement. Elle affûta ses lames, remplit une fiole de poison, et prépara quelques fléchettes avec sa sarbacane. Cette fois elle ne pourrait plus prendre le temps d'épargner ses adversaires si la situation devenait difficile. Elle s'en prenait à un général, et chaque seconde serait précieuse.

Les trois complices se mirent en route dans l'après-midi. Les sentinelles vérifièrent le laisser-passer et firent entrer les nouveaux venus à l'intérieur du bastion. Fernando attacha les chevaux et ils se dirigèrent vers l'entrée du palais. Ils avancèrent résolument dans les couloirs. L'apparence de la démone intriguait les habitants du palais. Beaucoup avaient entendu parler de ce peuple à l'apparence intimidante, mais peu avaient pu voir un représentant de leurs propres yeux. L'assassine, qui était habituée à se dissimuler et à passer inaperçue, était mal à l'aise. Être le centre d'attention de la foule la rendait nerveuse, mais c'était leur meilleure chance de se rapprocher de la cible. Ils se dirigèrent vers le bureau de leur allié où ce dernier les accueillit. Les trois hommes discutèrent des derniers détails du plan : les deux maeniens repartiraient les premiers, renforçant leurs alibis auprès des gardes. Le soir venu, le conseiller rentrerait, lui aussi, chez lui et laisserait Herenui dans la pièce. Il lui fournirait les clefs qu'il possédait, pour faciliter la progression de l'assassine.

La fin de journée fut des plus ennuyeuses pour la démone. Pour passer le temps, elle regardait les allées et venues des occupants du fort par la fenêtre. La plupart marchaient d'un pas pressé, la tête rentrée dans les épaules, pour échapper au froid mordant qui balayait la ville. Elle jetait de temps en temps des regards à l'homme présent la pièce. Il était mal à l'aise. La jeune fille l'intimidait. Elle lui sourit d'un air moqueur, pour observer sa réaction: et savoura le petit glapissement qu'il émit lorsqu'il croisa son regard. Les continentaux étaient tous des froussards!

La nuit commença à tomber. Les gardes allumèrent des braseros et l'activité de la cour diminua. Dans la pièce, le fonctionnaire rassembla ses affaires et se prépara à partir. Il se leva, désigna les lampes en prononçant des mots que l'étrangère ne comprit pas et tira les rideaux. Il quitta la pièce et Herenui passa discrètement la tête entre le tissu et les carreaux pour le voir passer et s'assurer qu'il était bien parti.

Elle déballa ensuite le sac de toile qui contenait ses effets de tueuse ainsi que quelques vivres. Elle changea ses vêtements et prit une bouchée de viande séchée. Mâcher la relaxait. La pression s'était petit à petit accumulée pendant qu'elle était coincée dans cet endroit qui lui était inconnu. Pouvoir se retrouver un peu seule lui faisait le plus grand bien. Son regard se posa sur ses lames et elle fit machinalement quelques exercices mentaux en repensant aux leçons que lui donnait Hinevara. Elle patienta deux heures puis prépara ses fléchettes. Les cloches de la ville retentirent pour annoncer vingt-trois heures. Elle devait encore attendre. À cette heure-ci, le général devait sûrement être éveillé.

Minuit sonna enfin et Herenui s'engagea dans le couloir désert. L'aile de l'administration où elle se trouvait n'avait aucun résident, elle n'était donc pas gardée, si ce n'est à son entrée principale. Elle sortit par une fenêtre à l'arrière du bâtiment, pour contourner la partie centrale du palais, où les servants s'activaient encore pour débarrasser le repas et nettoyer les cuisines. Le ciel était couvert et menaçant et seule la lumière émanant des différentes salles encore occupées éclairait faiblement son chemin.

Après quelques minutes elle arriva du côté où étaient logés les hauts dignitaires du palais. Elle observa un instant la façade. Elle repéra l'ensemble des pièces normalement inoccupées par lesquelles elle commencerait son ascension. Puis elle devrait grimper à la fenêtre de la chambre au-dessus, qui, elle, était occupée, avant de se déplacer vers la gauche pour sauter sur le balcon de l'appartement de sa cible. Elle scruta attentivement le parcours qu'elle souhaitait emprunter, à la recherche du moindre signe prouvant que des personnes étaient encore levées. Si c'était le cas, elles risquaient de compromettre sa mission. La voie semblait libre. Herenui se prépara, régulant sa respiration pour être la plus calme possible.

Après quelques secondes, elle entama sa montée, s'agrippant aux prises qui s'offraient à sa main. Tout en restant vigilante, elle sauta sur la balustrade et s'approcha à pas de velours de la baie vitrée. Elle jeta un regard dans la pièce. Dans l'obscurité, elle repéra le lit, mais ne parvint pas à discerner correctement le corps de sa cible. Cependant, il ne semblait pas bouger, ce qui permit à la démone de conclure qu'il s'était endormi. Sans un bruit, elle tira une de ses lames et l'approcha du carreau le plus proche de la poignée. De plusieurs gestes précis, elle découpa les baguettes de bois qui le retenaient, puis, à l'aide de la pointe de son couteau, elle fit tomber le morceau de verre vers elle et l'attrapa. Elle le posa délicatement au sol, passa la main par l'ouverture et fit pivoter le plus silencieusement possible la poignée. La porte s'ouvrit et Herenui s'introduisit dans l'appartement. Elle avançait vers le lit lorsqu'un détail la frappa: il était vide! 

L'aventure d'Herenui [1ere version/incomplet]Where stories live. Discover now