Chapitre 4.1 : le Contrat

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Chloé ouvrit les yeux. La lune avait glissé un rayon entre les rideaux agités par le vent. Pourquoi s'était-elle réveillée au beau milieu de la nuit ? La fenêtre était-elle ouverte ? Elle découvrit bien vite la réponse à sa question : une créature virevoltait au-dessus de sa tête.

Dans la semi-obscurité, elle appréhendait mal sa silhouette ; seuls ses yeux rouge vif flamboyaient et lui donnaient des airs de petit diable. Au gré de ses allers-retours, elle devina un corps petit et trapu, ainsi que deux longues ailes de chauve-souris dont le battement projetait sur son visage une odeur musquée, animale. Sous la lumière sélène, l'on eût dit une gargouille arrachée à quelque cathédrale... une vision que personne ne s'attendait à trouver à son réveil ! Si toutefois elle ne dormait pas encore...

Le courant d'air froid lui assura de la réalité de sa vision. Elle sursauta, saisie par la conscience de cette intrusion dans sa chambre. La bête n'apprécia pas d'avoir été démasquée et en un éclair, fila vers la fenêtre. Les rideaux se soulevèrent sur son passage et elle disparut dans la nuit.

L'esprit encore engourdi à la fois de sommeil et de surprise, Chloé mit plusieurs minutes à s'éclaircir les idées. Le vent visitait la pièce, effleurait chaque objet, chatouillait sa nuque. Les bras recouverts de chair de poule, elle quitta son lit pour fermer la fenêtre. Tandis qu'elle repoussait les battants, elle s'attarda sur le mur de briques qui lui faisait face, triste et uniforme, au pied duquel une rue étroite menait à l'artère principale. Dans ce quartier, situé non loin du bar, les ruelles de ce type foisonnaient. Elle avait d'ailleurs été retrouvée dans l'une d'elle.

Usant de ses pouvoirs pour percer l'obscurité, Chloé ne repéra pas son visiteur nocturne. À en juger par la vitesse avec laquelle elle s'était enfuie, la créature se trouvait déjà loin. Perturbée, elle tira les rideaux et relâcha un souffle qu'elle retenait depuis trop longtemps. Jamais autant de phénomènes étranges ne s'étaient produits dans sa vie. Pourquoi maintenant ?

Tout avait commencé avec l'apparition de cet homme au chapeau. Fugace, il s'était manifesté plusieurs fois avant que Jorda ne vînt troubler son quotidien. Depuis, tout s'enchaînait. Belga, et maintenant cette créature... Quelque chose, quelqu'un, quelque part, semblait avoir réalisé qu'elle n'était pas morte trois ans plus tôt, et vouloir lui faire regretter d'avoir gardé profil bas depuis. Que signifiait cette succession de visites, étranges ou hostiles ? Qu'avait-elle réveillé ?

Elle concentra ses pensées sur la gargouille aux yeux de feu. Qu'était-elle, que lui avait-elle fait ? D'ordinaire, le simple fait de s'interroger sur un sujet lui en donnait la réponse ; cette fois pourtant, elle ressentit un blocage.

Donc, cette créature faisait partie de son passé.

Elle fouilla aux tréfonds de sa mémoire dans l'espoir d'en apprendre davantage, mais seules quelques bribes d'informations lui parvinrent : une Gronda, un partisan des Avlas, la plus grande confrérie de l'obscur. Elle ragea contre son amnésie qui lui dérobait peut-être des informations vitales. Incapable d'en découvrir plus, elle se sentait vulnérable, exposée. Seule. Puis la lumière bleuâtre qu'émettait son coffret à bijoux détourna son attention de manière aussi soudaine qu'invraisemblable. Elle en sortit le pendentif et le contempla. La lumière bleue qui en irradiait dissipa peu à peu son angoisse, apaisa ses craintes. Elle profita du maigre réconfort que lui offrait la pierre et chercha à découvrir son origine, mais ce fut un nouvel échec. Au lieu de réponses, elle n'obtint qu'une chaleur bienvenue et une terrible envie de s'endormir. Toutes ses peurs, toutes ses interrogations s'affaiblirent, mises en sourdine par le pouvoir latent du pendentif bleu. Dans un effort, elle se dégagea de son emprise et retourna à son lit.

Les choses avaient tellement changé, ces derniers jours ! Chloé ne savait plus que penser de ses pouvoirs. Elle ne les avait jamais perçus comme un souci, bien au contraire ; ils lui avaient toujours simplifié la vie. À présent qu'ils lui attiraient des problèmes, devait-elle s'en débarrasser ? Comment ? Était-ce seulement possible ?

Le Démon (L'Hybride, livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant