Chapitre 10.4 : Face à Face

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Tous les deux assis à la table d'un petit restaurant du centre-ville, elle l'observait lire la carte avec amusement. L'humoriste du P'tit Clarme tirait sur sa bouche comme pour se donner de grands airs, et poussait un gloussement de joie à la vue de n'importe quel plat comme si ç'avait été un grand festin.

— Arrête de faire le guignol, grommela-t-elle. Tout le monde nous regarde.

— N'est-ce pas pour cela que vous me payez, chère patronne ?

Elle secoua la tête de dépit.

— Tu n'es pas sur scène.

— Un artiste est perpétuellement sur scène. Le sujet de mon prochain sketch peut se trouver n'importe où...

Il tourna la tête en direction du serveur qui se faufilait entre les tables et le désigna du menton.

— Ce jeune serveur harassé par les commandes urgentes de clients exigeants, ou... cette femme là-bas qui dévore son fiancé des yeux en espérant trouver une bague dans sa flûte de champagne... À moins que nous ne leur préférions ce couple de retraités en train de se disputer de l'autre côté de la rue !

Un grand sourire juvénile éclaira son visage au moment où la grand-mère frappa son présumé mari du lourd sac qu'elle tenait à la main. Chloé, qui venait tout juste de les remarquer, ne put retenir son rire devant ce pauvre homme qui parait au mieux les coups de sa femme. La situation, plutôt cocasse, ne se présentait pas tous les jours.

— Je suis sûr que tu penches pour papy battu.

— Mais le pauvre !

Ils rirent et le repas se poursuivit ainsi, ponctué des remarques parfois trop justes mais toujours décalées de Jérôme sur le monde qui l'entourait.

Pour eux qui n'avaient jamais vraiment eu l'occasion de faire plus ample connaissance, ce repas fut le moment idéal. Bien qu'elle s'en doutât depuis le premier jour de leur rencontre, il devint tout à fait clair que Jérôme en pinçait pour elle... or il n'était rien de plus qu'un ami à ses yeux. Un ami avec lequel elle s'amusait beaucoup, même si elle refusait de le lui avouer pour le moment.

— Je voulais te demander...

— Oui ?

— Comment as-tu réussi à faire venir tant de gens au bar ?

— C'est mon charme irrésistible...

Un sourcil négligemment froncé, il passa langoureusement la main dans ses trop courts cheveux, ajoutant au ridicule de son geste.

— Tu plais beaucoup aux hommes dans ce cas.

Elle porta le verre à ses lèvres, tout en observant l'effet de sa répartie. Mais la mine déconfite de l'humoriste ne dura qu'une seconde.

— Je n'y peux rien si mon charme est universel.

Elle manqua de s'étrangler puis reposa son verre.

Un large sourire sur le visage, il termina péniblement le morceau de fromage qui l'attendait dans son assiette.

— Sérieusement. Tu dois bien faire quelque chose pour que tous ces gens viennent !

— Je ne fais rien de particulier. J'en parle autour de moi. C'est tout.

— Le bar n'a jamais accueilli autant de monde. Pas en trois ans !

— Je dois connaître les bonnes personnes !

Il se leva.

— Si tu veux bien m'excuser... le devoir m'appelle.

Le Démon (L'Hybride, livre 1)Where stories live. Discover now