Le Démon (L'Hybride, livre 1)

Chapitre 19.2 : les Boîtes d'Ébène

Sur le point de retraverser la route pour récupérer la moto, une silhouette chancelante approcha d'eux.

— Clara !

Elle reconnut aussitôt Jorda et se précipita sur elle lorsque la jeune femme s'effondra sur le trottoir. Jérôme les rejoignit et remarqua le premier la blessure à son flanc qu'elle pressait de ses deux mains.

— Elle est blessée, murmura-t-il.

Malgré la pénombre, Chloé distingua clairement le sang s'effiler entre ses doigts et glisser le long de sa jambe.

— Darmack... Darmack... il...

— Darmack peut attendre. Calme-toi.

Chloé s'agenouilla auprès d'elle et souleva sa main avec délicatesse. Comme une machine bien rôdée, l'Ange réagit aussitôt et ses pouvoirs s'éveillèrent. Ils se propagèrent dans le corps de Chloé, se canalisèrent le long de son bras. Quelques filaments de lumière s'établirent entre la paume de sa main et la blessure de Jorda, qui se referma rapidement.

Étourdie par l'effort, Chloé se laissa lourdement tomber sur le sol. Jorda contemplait sa blessure bouche bée, à l'instar de Jérôme qui observait la scène à distance respectable.

— Clara, déclara-t-elle alors. Darmack a pris possession de la Boîte d'Ébène.

— La boîte de... quoi ?

— La « Boîte des Quatre A », il m'a dit ! expliqua Jorda, dont le ton commençait à s'affoler. Il veut te prendre tes pouvoirs !

Elle aurait dû se douter qu'il tenterait quelque chose dans ce genre, un moyen détourné pour la mettre en position de faiblesse. Sans doute espérait-il la tuer définitivement en la privant de sa magie. Sur ce point, il n'avait peut-être pas tort.

Elle se remémora les petites boîtes en bois ouvragées que les Quatre A avaient ouvertes lorsqu'elle s'était rendue à la Convocation. Les boîtes. Il en existait au moins deux. Elle en fit part à Jorda.

— Alors tu dois trouver l'autre !

Rétablie, Chloé se leva et aida Jorda à faire de même.

— C'est bien ce que je compte faire.

D'instinct, Chloé se projeta au Temple. Il lui fallait mettre la main sur l'un des Quatre A, l'un des gardiens de ces boîtes.

Les couloirs sombres et les torches toujours aussi sélectives sur la zone qu'elles éclairaient ne l'aidèrent pas à se repérer. Lorsqu'elle y était venue la première fois, leur couleur passait par tout le spectre connu, mais cette fois, les flammes brûlaient d'un rouge sang. La teinte donnait à la pièce une atmosphère glaçante, et lui rappelait ce jour où le Démon l'avait possédée. Alors qu'une aura de mystère émanait de l'endroit lors de sa dernière visite, cette fois l'inquiétude et la peur régnaient en maître.

Guidée par son instinct ou peut-être par une puissance supérieure, elle s'engagea dans le long couloir et parvint aux deux immenses battants de bois. La porte n'était pas fermée, aussi pénétra-t-elle avec prudence dans la pièce.

Tout y était à sa place. La lourde table de bronze, les six chaises alignées de part et d'autre. Le majestueux siège en bout de table... et quelques pas plus loin, les Quatre A.

Leurs quatre petites silhouettes psalmodiaient un chant dans un langage incompréhensible mais qui, pourtant, sonnait à ses oreilles comme un air familier. D'un même mouvement, ils s'arrêtèrent et se tournèrent vers elle. Après quelques secondes de contemplation mutuelle, trois reprirent leur chant et le dernier s'engagea dans sa direction et l'entraîna à l'extérieur.