Chapitre 18.1 : Se battre

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L'eau se précipite au-dessus de sa tête en un torrent sale et puissant.

Dans sa course, il emporte tout, branches mortes et feuillages qui la heurtent, l'égratignent et donne à l'eau ce goût terreux.

Sa main tendue ne lui permet plus d'atteindre la surface.

La lumière s'estompe.

Une main... Une main se tend vers elle...

... impossible de l'attraper...

L'air lui manque...

À son réveil, Chloé souffrait le martyre. La douleur provoquée par ses visions, chaque fois plus intense, lui coupait le souffle et endolorissait ses muscles. Le bon sens – et l'Ange – lui hurlaient de mettre un terme aux incursions de Darmack, mais les flashs qu'elle entrevoyait la poussaient à toujours reporter ce moment.

Elle aspirait à découvrir d'autres visages, à entendre des noms... le sien, peut-être ? Le visage de sa mère lui apparaissait en dégradé d'ombres, celui de son père demeurait dans les limbes de ses souvenirs. Son souvenir le plus net se portait sur son frère, même s'il n'était pour l'instant qu'une voix, une silhouette dans l'obscurité. Elle ne le voyait jamais distinctement. Elle aurait pourtant tant voulu se rappeler les traits de son visage. Était-il brun comme elle ? Avait-il les yeux verts ? elle se rappelait uniquement sa petite voix de jeune garçon. Quelle différence d'âge partageaient-ils ? Et quel âge avait-il quand elle s'était retrouvée à l'orphelinat ? Quel âge avait-elle... ?

Elle voulut se relever, mais la douleur la maintint alitée, et elle contempla le plafond à nouveau.

« Tu devrais cesser cette mascarade. »

Elle ignora l'Ange et ferma les yeux.

Le souvenir du Fossoyeur en profita pour revenir au devant de la scène, rappelant avec lui la terreur qu'il lui avait inspirée. Avec quelle facilité l'avait-il plaquée au mur, soulevée, étranglée... elle n'avait rien vu venir, rien anticipé. Elle, qui d'ordinaire pouvait sentir la présence des autres, plus encore celle des sorciers... elle n'avait rien pu faire.

Elle sonda l'Ange en quête de réponses et de sa présence rassurante, mais il refusa de lui en dire plus et s'obstina dans un mutisme boudeur. Ces êtres, quels qu'ils fussent, éveillaient en lui une douleur sourde. Chloé aurait voulu comprendre l'origine de ce sentiment mais contrairement à lui, elle ne trouvait pas les mots pour apaiser, soulager... Une situation qui mettait en évidence l'imperfection de leur relation. Elle détestait sentir qu'il lui dissimulait des informations. Il lui avait promis une certaine forme d'osmose au fil du temps... mais de toute évidence, lui-même ne paraissait pas prêt à l'accepter sans concession... l'inverse étant également vrai. Leurs chamailleries allaient-elles devenir son lot quotidien ?

Quand la douleur devint supportable, elle se rendit dans sa salle de bain pour une douche bienvenue... et se découvrit une appréhension à voir cette eau couler du pommeau. Hydrophobe, lui avait dit Jorda... elle en comprenait mieux la raison. Dans ses jeunes années, Chloé avait failli se noyer. Pour la première fois depuis trois ans, elle n'apprécia pas totalement de sentir l'eau couler sur son corps.

Idiote, songeait-elle. Ce n'est pas ici que tu vas te noyer.

Et pourtant, avant même de le réaliser, elle surprit le niveau de l'eau monter jusqu'à sa poitrine. Paniquée, elle voulut ouvrir les portes mais celles-ci refusèrent de s'ouvrir.

Le rire de Darmack résonna à nouveau.

Chloé hurla, le maudit, frappa les vitres de la cabine tandis que le niveau atteignait désormais son cou, força l'ouverture mais dans l'affolement, ne songea même pas à utiliser ses pouvoirs. En la forçant à affronter sa phobie, Darmack la replaçait psychologiquement dans la même position que lorsqu'elle était enfant.

Le Démon (L'Hybride, livre 1)Where stories live. Discover now