Chapitre 5.1 : l'Héritage

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La lettre du notaire laissait Chloé perplexe. Elle apparaissait sur le testament de Georges. Depuis qu'elle était rentrée du restaurant et avait ouvert son courrier, les mots n'avaient pas changé. La lettre ne donnait aucune autre information qu'un lieu et une heure de rendez-vous. Pourtant, Chloé ne cessait de la relire, encore et encore, frustrée. Elle ignorait que Georges avait fait un testament... mais pour quelle raison lui en aurait-il parlé ?

Elle soupira et s'obligea à poser la lettre sur la console, à côté d'une photo encadrée où ils posaient tous les deux, souriants. Elle se rappelait de ce jour où, Gilles, l'ancien barman, avait décidé de tester son nouvel appareil photo. Il avait immortalisé chaque recoin du bar ainsi que toutes les personnes qui y travaillaient. Chacun avait eu droit à son tirage, et elle avait gardé cette photo de Georges et elle, bras-dessus bras-dessous, devant l'enseigne du bar.

Georges ! Il lui manquait déjà tant... À peine quelques jours s'étaient écoulés. Le premier soir, elle s'était trouvée démunie à la fin de la journée. Par habitude, elle avait commencé à préparer ses affaires, avant de réaliser la futilité de son geste : le bar n'ouvrirait pas. Peut-être n'ouvrirait-il plus jamais... La question serait sans doute réglée le lendemain. S'il avait établi un testament, il était à coup sûr question du bar, son bien le plus précieux et dans lequel il avait mis toute son âme.

La sonnerie du téléphone mit fin à ses réflexions et, le cœur lourd, elle décrocha.

C'est Éric. Comment tu te sens ?

— Ça pourrait aller mieux, répondit-elle après un instant.

— Je me demandais si tu avais des nouvelles, pour le bar ? Quelqu'un t'a contactée ou...

— Un notaire. J'ai rendez-vous demain. J'y apprendrai sûrement quelque-chose.

Tu me tiendras au courant ?

— Oui... oui, bien sûr.

Elle entendit une voix lointaine à travers le combiné.

— Euh... Désolé, je dois te laisser. Le devoir m'appelle ! Fais attention à toi.

— Merci. Bonne soirée.

Un sourire effleura ses lèvres.

Éric s'avérait être un ami hors du commun. Elle se sentait terriblement redevable envers lui pour tout ce qu'il avait fait depuis la mort de Georges. Il s'était chargé de tout : prévenir la police, préparer l'enterrement, prendre contact avec ses proches... même la réconforter ! En vérité, il avait tout fait, absolument tout, tandis qu'elle se terrait dans son coin comme un animal blessé. Et au milieu de cela, il trouvait encore le temps de prendre de ses nouvelles. Ce gamin était vraiment quelqu'un de bien.

À côté du téléphone, le petit pendentif bleu brillait. Elle l'y avait déposé le matin même, après avoir enfin compris que son contact ou sa proximité lui permettaient de revoir son passé ou ce qu'elle pensait l'être. Il ne s'agissait pas de souvenirs à proprement parler ; elle revivait la scène telle qu'elle s'était passée. Elle réinvestissait son corps et, d'une certaine manière, voyageait dans le temps, incapable d'intervenir ou de changer le cours des choses. Depuis qu'elle avait compris ce phénomène, elle ne se débattait plus avec son double d'alors et se résignait à sa place de spectatrice. Certaines situations, inconvenantes ou déplacées, lui donnaient l'impression de violer l'intimité d'une étrangère, mais malgré tout, elle brûlait d'en découvrir plus.

Revoir Nicolas et partager avec lui ces moments oubliés lui permettait de retrouver foi en son passé, celui qu'elle avait rejeté trois ans plus tôt pour lui préférer une vie nouvelle. Elle regrettait désormais son choix. Nicolas lui manquait plus qu'elle n'aurait su le décrire. Sa présence la rassurait, apaisait ses craintes. Elle lui vouait une confiance aveugle et savait qu'il serait toujours là pour elle. Et Chloé se sentait si seule et vulnérable depuis l'apparition de Jorda, Belga, de cette créature, depuis la mort de Georges... que ces rêves jouaient un rôle palliatif. Plus qu'un miroir sur son passé, ces brefs moments en sa compagnie lui redonnaient le moral, et lui proposaient une alternative plaisante à laquelle elle cédait volontiers.

Le Démon (L'Hybride, livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant