Chapitre 4.5 : le Contrat

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— Qu'est-ce qui t'arrive aujourd'hui ?

Christine l'observait, un plateau vide sur la main. Chloé reprit conscience de la réalité. La vie continuait.

— Tu vas bien ?

— Oui, oui. Oui...

Son amie ignorait tout des événements de la nuit et Chloé ne souhaitait pas les évoquer. Les larmes avaient cessé, mais une douleur sourde lui nouait l'estomac depuis son réveil et elle avait été bien en peine d'avaler le moindre aliment. Tout raconter à son amie ferait resurgir la fontaine de pleurs et elle refusait de se montrer sous ce jour au restaurant.

— Trop de « oui », à mon avis, en conclut Christine. Qu'est-ce qui ne va pas ?

Rouget pénétra dans la cuisine et coupa court à la conversation. Sans tarder, Christine posa son plateau, attrapa deux assiettes et sortit. Chloé l'imita avant que sa patronne ne trouvât une faute à lui reprocher. Le moment n'était pas propice à une dispute, mieux valait filer droit. Elle porta donc leurs assiettes aux clients attablés et, lorsqu'elle se retourna, aperçut Marc Ridge, seul. Assis à la même table que la dernière fois, il bénéficiait d'une vue d'ensemble de la salle sans pour autant se faire lui-même surprendre. Il leva un bras à son intention.

D'abord surprise, elle prit la direction de sa table. À mesure qu'elle avançait, ses jambes lui paraissaient plus faibles. Un tête à tête avec Ridge éprouverait rudement ses nerfs déjà ébranlés.

— Monsieur ?

— Asseyez-vous un instant, Mademoiselle Cole.

Elle écarquilla les yeux en entendant son nom : depuis quand le connaissait-il ? Et pourquoi voulait-il lui parler ? Le nœud dans son estomac s'intensifia.

— Je... je... je ne peux pas, je...

— Sylvia ne dira rien.

Chloé fronça les sourcils.

— J'en doute fort.

Il se mit à rire doucement et se leva.

— S'il vous plaît ?

Prise au piège de son captivant regard, elle abdiqua. Galamment, il prit sa main dans la sienne et l'invita à s'asseoir, de sorte qu'elle s'y trouva obligée. Si sa patronne la voyait assise avec un client – avec ce client – en plein service, elle serait renvoyée avant la fermeture.

— Ne faites pas ces yeux-là, déclara-t-il d'un ton gêné, je n'ai encore jamais mangé personne, je vous assure.

Jamais elle ne s'était retrouvée en pareille situation. Elle ignorait tout de lui et de l'intérêt qu'il semblait lui porter. Son charme était néanmoins trop puissant pour qu'elle pût l'ignorer : les joues roses, elle détourna le visage pour tenter de masquer son trouble. Les voix des clients dans son dos n'étaient plus qu'un brouhaha confus.

— Mademoiselle Cole, dit-il alors, j'ai à vous parler affaires.

Il posa ses avant-bras sur la table, joignit ses mains.

— Affaires ? Avec moi ?

— J'ai... remarqué que vous travailliez au P'tit Clarme.

Alors que, quelques jours plus tôt, elle se serait étonnée qu'il l'eût reconnue, Chloé sentit une vague de froid s'abattre sur elle. Elle ne voulait pas parler du bar.

— Oh...

Prit-il son manque d'éloquence pour de la timidité ? Sans doute, car il ne se dépara pas de son sourire. Prêt à expliquer clairement la raison pour laquelle il sollicitait Chloé, il fut interrompu par Rouget qui passait à proximité. Les yeux écarquillés d'effroi, elle se précipita vers eux, fulminante de rage.

Le Démon (L'Hybride, livre 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant