Mon enfant, je t'aime et je m'excuse.

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Mon enfant, je t'aime et je m'excuse.

Je m'excuse de t'avoir accouché prisonnier
Captif comme moi, esclave et bientôt déporté...
Si seulement je pouvais choisir où le hasard te fait naître
Si seulement j'étais maîtresse de ne pas te déplaire
Si seulement je pouvais rester libre pour te faire paître
Si seulement mourir suffirait pour que tu puisses être...
Seulement, je suis l'impuissance conjuguée à l'immortalité
Je demeure... mais je demeure ligotée.
Mon enfant... si seulement je pouvais t'offrir
Ce que d'autres mère ont pu te servir
Si seulement je pouvais t'empêcher de partir,
Éviter ma perte, de pouvoir te voir grandir.
Je demeure, je demeure mère,
Au prix de mon deuil, j'agrée ton bonheur
Si tu le trouves ailleurs,
Loin de moi, même dans les bras d'une autre mère...
Mon enfant, si seulement tu savais
Le bonheur que tes frères ont une fois goûté.
Ils sont devenus pères et ont prospéré dans mon foyer
Et au risque de m'éteindre, j'ai protégé leur semence des épées.
Puis un jour, contre moi, ils se sont retournés,
Ils m'ont dénudée et m'ont reniée
Ensorcelés, partout ils ont planté des églises et des mosquées
Les ont surnommés mère, et les ont chéris comme ils me chérissaient
Et ils m'ont exilé dans leur histoire et m'ont privée de ma semence.
Et aujourd'hui, des terres de l'exil,
Une mère mourante et martyrisée
Présente des excuses à son fils qui meurt à ses pieds...

Mon enfant, je m'excuse, je ne peux t'offrir ce qui m'a été enlevé.

Ils vénèrent leurs différends et s'enivrent de sang versé
Ils m'appellent au secours mais refusent de me libérer
Ligotée, de mes devoirs, je n'ai pu m'acquitter 
Et désormais exécrée, tout le monde me prive de mon honneur
Pour que mes fils haïssent d'autant plus la mère que je suis,
Aillent chercher ailleurs refuge, salut et survie
Et oublient la chaleur de mon amour détaché et la fraîcheur de mes nuits,
La générosité de mes terres et l'abondance de mes puits..
Dans les rues, ils m'ont ensevelie dans les drapeaux des partis
Condamnée pour leurs délits, et enterrée toujours en vie
Ils me font porter tous les péchés de l'Église
Et me rendent responsable des tueries aux bannières vertes...
Mon enfant, si seulement je pouvais te voir encore une fois
Entrain de jouer dans l'ombre de mes Cèdres
Dans la neige de mes montagnes
Sous le ciel du seul Dieu qui m'a créé...
C'est pour eux que je suis née, et pourtant
Ils finiront, par eux même, orphelinés...
Si seulement je pouvais les renverser pour mieux leur donner.
Je suis mère, j'existe pour pardonner...

Mais l'histoire a ses droits et le temps ses cruautés
Mourante, déchiquetée et inexistante pour certains
Je demeure une mère torturée qui malgré tout
Réclame les droits des enfants prodigues qui l'ont reniée...
Je demeure la mère affligée
Qui revendique l'âme d'un fils injustement crucifié.

-M

N/A: J'ai eu recours à des images et métaphores bibliques et particulièrement chrétiennes dans ce poème sauf que ce dernier ne porte aucunement sur la Vierge/autre figure chrétienne.

J'écris, j'écris et j'écris...Where stories live. Discover now