Chapitre 6

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Après des heures à angoisser finalement, Tina n'était jamais revenue la voir. Soulagée Tara s'était endormie en serrant contre elle son livre préféré. Elle n'avait jamais été aussi rassurée que de voir ces hautes grilles surplombaient le désert de Khazban. Cette nuit-là, Tara se surpris à rêver. Quelqu'un s'approchait d'elle lentement pour lui prendre la main. Cette poigne était ferme et chaude à la fois. Le sable fin était rose et elle courait la tête rejetée en arrière pour suivre l'étoile qui la guidait. Puis la poigne de fer la lâcha subitement et une ombre féroce se planta devant elle dans une brume épaisse sous le hennissement d'un étalon noir. Tara se réveilla en sursaut et en nage. Son cœur battait si fort qu'elle porta une main sur sa poitrine. Rien ne durait bien longtemps. Même ses rêves finissaient toujours en cauchemars, songea-t-elle en se passant un main dans ses cheveux. Plus tard, alors qu'elle sortait de la douche, Tara s'enveloppa dans une serviette et souleva la malle ancienne qui semblait avoir été abandonnée. Dedans elle n'y trouva rien qu'un vêtement en maille. Il était large et ne cintrait pas la taille. Une aubaine pour elle. Car après avoir rafistolé quelques détails Tara passa la robe ample, aux manches courtes avec le sentiment d'être un peu plus présentable.

- Mon dieu Tara ! Mais qu'est-ce que...

- Vous ne me trouvez pas jolie madame Thomas ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante de honte.

Celle-ci la dévisagea de la tête aux pieds l'air choqué.

- Où as-tu trouvé cette vieillerie ? Enfin Tara ! Où sont tes bagages ?

Tara ne répondit pas tandis que Tina, affolée se dirigeait vers sa petite valise. Son idée lui avait parue bonne au départ. En se regardant dans la glace, elle se trouva...un peu plus présentable mais terriblement nue sous cette robe grise.

- Je l'ai trouvée dans la malle.

- Tu ressembles à une esclave du moyen âge, commenta Tina en refermant la malle sèchement.

- C'est mieux qu'une blouse en papier et je...n'en ai plus.

- Oh Tara, murmura-t-elle en posant sa main sur son épaule ; Pourquoi persistes-tu à vouloir porter une blouse ?

Tara détourna le regard, muette, refusant catégoriquement l'humiliation.

- Cette robe est parfaite, dit-elle enfin d'une voix ferme.

Tina Thomas se frotta la tempe et partit de la chambre encore une fois vaincue. De nouveau seule, Tara souleva la malle les sourcils légèrement froncés et prit le dernier tissu de la même couleur. Choisir entre cette vieillerie et une blouse d'hôpital, Tara avait très vite fait son choix. Les moqueries, elle s'en souciait guère. En revanche, se sentir mise à nue dans cet endroit rempli d'hommes, ça, elle s'y refusait.

Plus tard dans la journée, Tara termina son puzzle difficilement car il lui manquait une pièce. Elle avait beau retourner la boîte dans les sens possible, la pièce manquante semblait totalement perdue. Désespérée elle tenta de soulever le puzzle pour regarder en-dessous lorsqu'elle sentit derrière elle, une lourde présence.

- Bonjour, mademoiselle.

Cette voix... Elle l'avait entendue deux fois et c'était comme si elle s'était imprégnée d'elle. Tara frémit sans se retourner. Pourquoi avait-t-elle laissé la porte ouverte ?

Sans bouger, elle sentit le poids de sa présence devenir plus lourde. Le roi en personne se tenait près d'elle, imposant, dont le regard semblait toujours aussi acéré que la veille.

- Vous cherchez ça je suppose, déduit Mohammed en ouvrant sa main.

Les yeux de la jeune femme se posèrent sur sa paume alors qu'il avait toute la peine du monde à étouffer cette fascination qui venait de le prendre à la gorge. La malle abandonnée depuis des siècles avait été ouverte et la jeune inconnue portait sur elle le dernier souvenir du harem. La tenue était usée, déjà portée, mais pourtant, sur elle, cette robe semblait revivre. Ce qui lui semblait bizarre c'était de voir la valise de la jeune femme remplie de vêtements. Aimait-elle se déguiser ?

À première vue, elle ne donnait pas l'impression d'être heureuse et encore moins susceptible de s'amuser. Sa peau diaphane semblait aussi lisse qu'un tissu de soie. Son visage en forme de cœur était détruit par la souffrance muette qu'elle gardait enfouie en elle. Sa chevelure d'ébène indisciplinée racontait une histoire. Inutile de se voiler la face plus longtemps, Mohammed n'avait jamais une femme aussi belle que celle qui se tenait devant lui. Ses yeux fuyaient timidement son regard. Il sentait qu'elle voulait partir...s'enfuir. Sa condition physique était la seule raison qui l'empêchait de courir et de s'enfuir loin de lui.

- Je tenais à vous présentez mes excuses pour mon comportement, déclara-t-il en cherchant à capter son regard ; Je n'aurais jamais dû vous parlez avec agressivité.

Son regard se posa furtivement sur le sien. Il venait de s'excuser, alors il lui suffisait simplement de partir pour vaquer à ses occupations. Mais il demeura immobile, espérant gagner la confiance de cette inconnue.

- Je ne vous veux aucun mal, ajouta-t-il doucement ; J'ose espérer pouvoir entendre le son de votre voix.

Tara sentit son cœur battre à coups redoublées. L'homme dont la voix rocailleuse était empreinte d'intonations graves, la fixait depuis plusieurs minutes. Elle voulait se sauver mais une petite voix intérieure lui soufflait que c'était peut-être le moment pour elle d'avancer. Après tout, il était dans un fauteuil roulant. Il ne pouvait pas lui faire du mal. Même si son regard affûté était chargé de sombres promesses.

Tina Thomas lui avait sans doute expliqué son problème. Hier, elle avait été le centre de leur conversation. Sinon pourquoi serait-il venu s'excuser ?

Au prix d'un effort surhumain Tara fit glisser ses doigts jusqu'à la pièce qu'il avait déposé sur la table et put enfin terminer son puzzle. Une odeur musquée embaumait sa chambre.

- Vous êtes douée, commenta-t-il d'une voix douce mais qui n'en demeurait pas moins terrifiante.

- Merci, bredouilla-t-elle enfin à s'appliquant à ne jamais poser son regard sur lui.

Mohammed s'attarda sur l'écho qu'avait eu sa voix dans ses oreilles. Elle était douce et reposante. Maintenant qu'elle avait parler, Mohammed déclara ;

- Vous êtes en sécurité ici mademoiselle, mes hommes ne vous feront aucun mal.

Tara releva alors ses yeux vers les siens et le regretta aussitôt. De si près, il ressemblait à un cavalier du désert. Pire encore ! Il ressemblait trait pour trait à l'homme dans son rêve. Comment ne pas trembler devant un tel homme ? Même en chaise roulante son autoritarisme n'avait ni limite ni frontière. C'était comme s'il était né pour asseoir son autorité. Son visage taillé à la serpe exprimait si peu de chose et pourtant on pouvait lire sur ses traits, un cocktail de colère et de virilité.

- Ils ne vous approcherons plus sous peine d'être puni, ajouta-t-il comme une promesse absolue.

Tara se contenta de hocher de la tête alors que ses yeux commenceraient à se remplir de larmes. Sa respiration affolée devait s'entendre à des kilomètres à la ronde.

La patience du souverain souffrait de son silence. Tara ne savait pas comment réagir.

- Vous ne sortez pas ? Demanda-t-il soudain.

- Non, je n'en ai pas envie, murmura-t-elle tout bas.

- C'est regrettable, le temps est fabuleux.

Tara déglutit, incapable de mettre un mot sur cette étrange situation.

- Il y a un fabuleux jardin de l'autre côté du château, ajouta Mohammed en voyant les joues de la jeune femme rosir légèrement.

- Je vais y réfléchir.

À ce moment-là, il sut qu'il n'obtiendrait rien de plus de sa part. Et le fait d'entendre sa voix l'empêcha un instant de respirer. Au-delà de la haine absolue qu'il avait envers les femmes, celle-ci posa sur lui un regard suppliant. Elle le suppliait de partir.

Mohammed ne montra rien de ses émotions contradictoires et quitta la chambre de la jeune femme sans un mot.

Mais sa détermination était sans fin. Mohammed reviendrait.

Il s'en fit la promesse.

La promesse du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant