12 : « Seule. »

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Je rentre chez moi sans avoir acheté le parfum de ma mère, mais au moins, j'ai une nouvelle cravate pour mon père

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Je rentre chez moi sans avoir acheté le parfum de ma mère, mais au moins, j'ai une nouvelle cravate pour mon père.

Quand j'arrive chez mes parents, ils ne sont pas rentrés de chez leurs amis, alors j'en profite pour passer l'aspirateur et repasser le linge qui attend sagement dans la panière. Quand ma mère est là, elle refuse que je la laisse l'aider, alors autant en profiter. Surtout que j'ai l'impression d'avoir délaissé mes parents pour m'assurer que Victoria va bien depuis mon arrivée ici. Je sais qu'ils ne m'en veulent pas, ils savent que j'ai vingt-deux ans et que je connais la ville comme ma poche alors me savoir dehors ne les dérange pas, surtout que je ne viens pas souvent, mais je me sens un peu comme un mauvais fils.

Le problème, c'est que la culpabilité s'échappe vite de mon esprit, qui est de nouveau accaparé par Victoria. C'est stupide, mais en faisant ces tâches ménagères complètement basiques, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle, elle ne les fait pas. Il est écrit qu'elle a un an de moins que moi sur son CV, mais j'ignore depuis quand elle vit dehors. Est-ce qu'elle a toujours habité ici ? Je ne me souviens pas d'avoir eu une Victoria avec moi à l'école, mais elle n'était sûrement pas dans ma classe alors c'est normal. Mais si elle vient d'ici, où est sa famille ? L'ont-ils mis dehors ? Ou bien c'est elle qui a décidé de partir ? Je suis parti bien trop tôt de chez mes parents pour avoir une chance dans le football, et je l'ai souvent regretté. Mais même si mes parents n'étaient plus là pour laver mon linge ou me faire cuire des pâtes, j'avais un toit au-dessus de ma tête.

En parlant de faire cuire des pâtes, c'est ce que je me mets à faire dès que j'ai terminé mes autres tâches, non sans une pensée pour mes coéquipiers en équipe de France avec lesquels j'ai partagé de bien trop nombreuses assiettes de pâtes.

-Oh, mais Ben, il ne fallait pas faire tout ça, ma mère me réprimande quand ils reviennent, et je secoue la tête.

-Mais je n'ai rien fait.

-Merci, fiston, mais ta mère a raison, ce n'est pas à toi de gérer la maison, tu es en vacances ici.

-Être en vacances ne veut pas dire mettre les pieds sous la table.

-Ce n'est pas ce que tu fais ! ma mère soupire. Oh, mais tu as dit à ton père que tu faisais du bénévolat ?! Voilà où il va, quand il disparaît pendant des heures ! ma mère dit, fière, et je souris.

-Vraiment ? dit mon père avec un petit sourire en coin, et je sais qu'il essaie de croiser mon regard.

Ma mère m'a peut-être cru, mais j'ai sous-estimé mon père et ses analyses comportementales.

Ma mère m'a peut-être cru, mais j'ai sous-estimé mon père et ses analyses comportementales

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J-1.

Demain, c'est le jour du bilan. Demain, je vais devoir annoncer à Pavard que je n'ai pas trouvé de boulot. Et ce sera à lui de porter le fardeau.

Ce qui m'énerve le plus, c'est que cette idée ne me dérange plus autant qu'au début. J'étais absolument déterminée à tout faire pour que ça n'arrive pas, ne voulant pas remettre ma fierté en jeu. J'avais fait le choix de mener ma vie seule et je ne pouvais pas accepter que cette fois, quelqu'un me guide.

Aujourd'hui, c'est différent. J'aimerais bien me convaincre que c'est parce que j'ai pris du recul et que j'ai réalisé qu'un travail est un travail, déniché par Pavard ou par moi, mais je sais que c'est faux.

J'ai accordé ma confiance à quelqu'un d'autre que moi.

Je me suis fait avoir comme un bleu. Il a réussi, en moins de deux semaines, a complètement retourner les règles que je mettais fixées. Et maintenant, je suis coincée. Je suis coincée parce que je n'ai pas été assez forte contre lui.

Et qui sait quand est-ce que ça va se retourner contre moi ? J'ai baissé la garde, mais j'ai peur de le voir arriver avec des caméras demain en riant, fier d'avoir réussi à faire croire à la petite qui vit dans la rue qu'il pouvait lui trouver du boulot.

Sauf que je suis tellement déboussolée qu'une petite voix dans ma tête me dit que non Victoria, il ne ferait pas ça, tu as bien vu qu'il est bienveillant. Il a cherché ta broche avec toi, il t'a acheté à manger, il t'a défendu face à la vilaine dame.

Sauf qu'on ne peut faire entièrement confiance à personne, et qu'une partie de moi continue de douter silencieusement.

-Salut.

Je n'ai pas besoin de relever la tête pour savoir qui est-ce. Non seulement il n'y a qu'une seule personne qui m'adresse la parole ici, mais j'ai reconnu sa voix.

-Salut, je réponds sèchement, et évidemment, ça ne lui fait pas peur, puisqu'il s'assied quand même dans l'herbe.

-Cet endroit va me manquer, il dit, et mon cœur se serre. Il va vraiment partir. Dans deux jours, il ne sera plus là. Et m'énerve plus que tout, mais je me suis faite à sa présence. Mais ce sera terminé.

-Quand est-ce que tu reviendras ? je demande d'un air détaché, et il hausse les épaules.

-Pour les fêtes de fin d'année. Je vais te manquer, hein, il sourit, et je hausse un sourcil.

-Tu veux dire que je serai enfin tranquille. Personne pour me jacter dans les oreilles. Ce sera de nouveau juste moi.

Et mon Dieu, ce que ça me fait peur. C'est comme si je devais réapprendre à vivre seule.

C'est comme si je quittais ma maison une seconde fois.

CONFIANCE » PAVARD ✓Where stories live. Discover now