Episode 1

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                                                          " Chacun cherche sa moitié "


En ce début d'été, les rayons de soleil transperçaient de leurs éclats les vitres de la grande salle à manger. Elles laissaient transparaître les ombres de meubles luxueux assez anciens. Sur les murs, on pouvait admirer de fabuleux tableaux de peintres renommés du 19e siècle. Les gigantesques fenêtres de la salle donnaient sur un balcon avec une splendide vue sur la Tour Eiffel.

 Sur ce balcon, une jeune fille assise sur une chaise résolvait des exercices de maths pa- raissant bien ennuyeux ; des nombres, formules, triangles carrés, trucs hexagonaux à vous en donner la migraine... Tout ce qui peut plaire à une passionnée de math, mais pas à tout bon littéraire qui se respecte.

 La jeune fille était physiquement de taille fine, avec des cheveux blonds, soyeux et un petit foulard autour du cou.

 Ses fines mains délicates portaient les traces du travail manuel ; pas des mains de ma- çon, non ! Mais des mains ayant l'habitude du travail.

 Dans cette rue parisienne où résidait cette jeune fille régnait un silence de cathédrale. Ce n'était clairement pas la rue la plus bruyante de Paname ni la plus silencieuse, mais, tout de même, un silence saisissant avait pris place dans cette rue ; troublé quelques fois par le passage d'une voiture ou d'un passant gueulant trop fort sur son caniche. Une rue de Neuilly, chic, bien propre, où le luxe est à son aise. L'appartement de la jeune fille était en harmonie avec cette rue. Tout à coup, une porte s'ouvrit bruyamment.

 À l'entrée apparut une grande femme vêtue de noir, aux cheveux noirs, avec quelques mèches grises. Son regard sévère, dur et froid révélait une vive énergie et une expression faciale peu sympathique lorsqu'elle se tourna vers la jeune fille. C'était Madame Leroy, une directrice de collège ultra sévère. 

 — Inès ! cria-t-elle.

Le ton sec de sa voix résonna dans toute la salle. La jeune blonde se dépêcha de se lever et fixa ses yeux bleus vers la porte où se trouvait sa tante Leroy. 

— Inès, nous partons dans une semaine dans la résidence secondaire du pavillon de Sainte-Adresse en Côte d'Azur. Soyez prête !

 La jeune fille répondit sereinement :

 — Bien, ma tante. Puis, elle baissa la tête pour lire son livre de math. Sa tante referma la porte avec fermeté. 

Mais quelques secondes après, la porte s'ouvrit lentement et l'on pouvait apercevoir une femme assez mince entrer et s'approcher de la jeune fille. Sa peau était assez lisse, malgré ses 57 ans. Son corps et ses épaules rabaissées dévoilaient son manque de confiance en elle, et sa lâcheté, en particulier face aux ordres de madame Leroy.

— Inès, es-tu folle ? demanda la nouvelle arrivante à la voix aigüe. Pourquoi tu es encore sur ton livre ? Tu... tu avais déjà fait tes devoirs, non ?

 — C'était le devoir que je faisais hier... aujourd'hui, je dois apprendre mes exercices de maths, et les connaitre par cœur, dit Inès. C'est un ordre de ma tante. Et puis, on part dans une semaine au pavillon en Côte d'Azur.  Catherine Guyot s'assit près d'elle pendant que la jeune fille se remettait au travail.

 À première vue, on ne pouvait pas voir de ressemblance entre les deux femmes assises l'une à côté de l'autre. Pourtant, l'une était beaucoup plus âgée, au regard très raide et aux traits du visage marqués par l'obéissance, la peur ; tandis que la jeune fille avait une petite tête blonde rayonnante de beauté. Mais si on observait bien les deux femmes, on pouvait remarquer qu'elles avaient quelques ressemblances, comme le volume épais de leur chevelure, même si les cheveux de la jeune fille lui donnaient un air plus naturel et un visage innocent. 

 — Êtes-vous contente à Paris ou préférez-vous la Côte d'Azur ? demanda tante Guyot. Vous devez préférer la Côte d'Azur, non ? 

Inès regarda alors par la fenêtre, comme pour réfléchir à la question qui était pourtant bien évidente. Elle regardait alors le soleil qui allait bientôt se coucher et pensait à l'en- nui et l'enfermement dont elle était victime, ici, à Paris. Sur la Côte d'Azur, elle pouvait avoir quelques passions, comme les promenades. Ici, c'était la prison. 

 — Oui, peut-être... J'aime la Côte d'Azur, surtout grâce au soleil qu'il y a là-bas.


En pensant à la Côte d'Azur où elle ira passer quelques jours de vacances, Inès fixa à nouveau la fenêtre ; on pouvait voir dans ses yeux comme une sorte de satisfaction. 

 — Oui ! répondit tante Guyot, c'est vrai, les promenades sont plus agréables là-bas. Paris ne me plait pas et puis... d'ailleurs, je dois vous laisser à votre travail. Vous ne voulez pas vous reposer un peu, non ? 

 — Tante Leroy ne veut pas...

 Inès se leva tout de même assez rapidement, avec cette fameuse désinvolture qu'on pouvait voir dans ses gestes, comme si son corps portait l'ennui de sa vie imposée par la tante Leroy. Elle rangea son livre dans un tiroir et se dirigea vers la cuisine, où se trouvait une dame très âgée ; la plus âgée de la maison. C'était la cuisinière, qui était en train de s'occuper du diner. 

 — Ah ! Mademoiselle, prenez la grande cuillère et tournez-moi la sauce pendant que je mets la viande à cuire. 

 Sans rien dire, Inès prit la cuillère et commença à touiller comme la cuisinière lui avait demandé. On sentait qu'elle avait l'habitude de faire ce genre de corvée. Quand la jeune fille termina, aucun remerciement ne se fit entendre...

 — Non, non ! reçu-t-elle, quand apparu un jeune domestique (tante Leroy avait décidément beaucoup d'employés). 

 — Mademoiselle, une lampe ne fonctionne plus, il faut immédiatement que vous alliez la réparer. Le respect est mort, même le domestique lui donne des ordres... 

 — D'accord Baptiste, j'y vais, répondit-elle sans broncher. À côté de la cuisinière, il y avait un enfant qui appartenait au fils de la cuisinière ; un jeune agriculteur qui n'a pas le temps de s'occuper de son fils. À cet instant, la cuisinière lança une dernière remarque au garçon qui venait de laver les verres :

 — Alors ! fichu gamin ! C'est essuyé, ça ?! lui demanda-t-elle en lui montrant un verre. 

Puis, elle reprit :

 — Tu ferais mieux d'apprendre à travailler plutôt que de faire du lèche-vitrine devant des magasins où tu ne mettras jamais les pieds quand on t'envoie faire des courses !

La fille maltraité et le milliardaire américainWhere stories live. Discover now