Episode 7

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Inès se souvenait très bien de ce jour où elle avait entendu ces mots. C'était comme la description d'un paradis terrestre. Des chevaux, elle n'en avait jamais vu, sauf une fois à la télé, avant ses cinq ans.

Mais cela n'éveillait pour elle aucun intérêt, aucune curiosité apparente. Elle ne croyait presque pas à l'existence d'un lieu aussi beau. C'est à peine si elle pouvait s'imaginer les lieux décrits par la gardienne. À sa gauche se trouvait une maison bien dégueu, où le jardin avait l'air d'avoir été tondu il y a des lustres. Inès serra un peu plus l'écharpe qu'elle avait autour du cou. Elle marcha ainsi pendant vingt bonnes minutes, puis arriva dans un parc vide où l'on pouvait voir à gauche d'un banc un puits extrêmement profond. Inès prit un caillou et le laissa tomber dans le puits pour connaitre sa profondeur. Il fallut attendre six secondes pour que le caillou touche le fond. Elle se dirigea ensuite sur l'unique banc, pour contempler un immeuble situé en face ; un bâtiment où seuls les oiseaux s'aventuraient et avaient fait des nids sur le toit. Inès semblait pensive. Elle regardait le sol. Pensait-elle à son enfance avec sa maman Lucie où l'insouciance et la frivolité se coordonnaient avec le plaisir ? pensait-elle à sa vie volée par sa tante avec une éducation dénuée de toute affection et de toute émotion ? Toute son enfance avait été baignée dans le travail pénible jusqu'à l'épuisement pour empêcher son esprit de s'épanouir. Inès resta encore là un long moment.

Plusieurs fois, elle était venue ici se reposer, en face de ce bâtiment inhabité. Le voisinage racontait qu'il n'y avait plus personne ici depuis que les anciens propriétaires furent possédés par le diable à plusieurs reprises et que des fantômes hantaient ces lieux. Peu de gens venaient ici pour cette raison. C'est pour cela que madame Leroy conseillait à Inès de venir faire ses balades près de cet endroit un peu dégueu à première vue. La jeune fille ne faisait pas attention à toutes ses histoires de fantômes, elle s'en fichait, comme elle se fichait d'à peu près tout. Elle n'y croyait pas. « Cette petite ne s'intéresse à rien, mis à part son travail quotidien et c'est parfait ! » disait d'elle sa tante.

Inès se leva après vingt bonnes minutes passées ici. Elle observa au loin et vit sur le sol quelque chose de couleur rouge, située à une trentaine de mètres. Elle s'approcha rapidement de l'objet. C'était un sac rouge, d'une couleur très vive.

Inès se dit alors « quelqu'un est venu ici dans ce lieu perdu... » Elle ouvrit le sac. Il était vide.

Inès se sentait fatiguée, fatiguée de tout. Elle décida alors de rentrer après cette promenade ennuyeuse. Sur le chemin du retour, elle croisa une vieille femme penchée à la fenêtre de la maison grise située à quelques mètres du pavillon.

— Quel temps pourri ! dit la dame.

Inès, sans lui répondre, regarda le ciel ensoleillé en marchant, en se disant « elle est complètement folle ».

En arrivant au pavillon, Inès croisa Pauline, la gardienne, qui descendait de sa chambre. Elle dit avec douceur :

— Bonjour, mademoiselle. Vous êtes-vous bien reposée, cette nuit ?

— Bien dormis, madame, merci.

Après cette réponse brève, Inès monta l'escalier pour retourner à l'étage.

Pauline la regarda s'en aller avec une certaine pitié ; « elle n'a pas bonne mine, cette pauvre gamine, elle vit un enfer. Elle ne se fait jamais plaisir, même en vacances ». Ce qu'elle ne savait pas, Pauline, c'est la dinguerie que lui préparait sa tante ; son fameux projet de mariage. En hochant la tête, Pauline s'en alla vers la cuisine.

Dans sa chambre, Inès rangea rapidement ce qui était sur le sol, puis elle passa un coup de balai. Une fois le ménage terminé, elle alla s'accouder à la fenêtre. Elle entendit alors des claquements résonner sur le sol. C'était le son des sabots d'un cheval qui passait à proximité.

« Doucement, neige ! » dit la voix d'un très jeune homme à cheval, en passant à quelques mètres de la fenêtre. Inès était stupéfaite. C'était la toute première fois qu'elle voyait un cheval. Un très grand cheval blanc. Le jeune homme jeta un œil en direction d'Inès durant quelques secondes, puis détourna le regard tout droit devant lui pour disparaitre dans le bois.

Inès, en voyant ce jeune homme, pourtant très beau, et ce cheval absolument magnifique, n'exprima aucun sentiment. Ni joie ni étonnement. Rien. Elle resta là, à offrir son visage au vent, le regard vide.

En dessous d'elle, en baissant la tête, Inès pouvait voir la terrasse qui donnait sur la chambre de madame Leroy, au rez-de-chaussée. Celle-ci venait justement d'ouvrir sa fenêtre. En entendant la fenêtre de sa tante s'ouvrir, Inès recula rapidement pour ne pas être vue en train de contempler le paysage. Son cœur se mit à battre plus rapidement, rien qu'en pensant à son bourreau. On pouvait maintenant voir dans son regard une certaine haine.

Très vite, elle descendit les escaliers pour gagner la cuisine où se trouvait assis sur une table Baptiste, un domestique en train de boire un café au lait. Mathilde, en face de lui, faisait de même.

Dans la grande cheminée en bois, Pauline remettait du bois dans le feu.

— Je vous ai préparé un thé, Inès, dit Pauline en se tournant vers Inès, qui la remercia.

La jeune fille se dirigea vers la salle à manger éclairée par les rayons de soleil traversant les trois fenêtres. Près de la table, madame Guyot, la demi-sœur de madame Leroy, préparait son thé, ainsi que le café de sa sœur. Madame Guyot occupait la fonction de secrétaire de madame Leroy, et était principalement en charge de la rédaction de ses lettres.

— Vous avez déjeuné, Inès ? demanda madame Guyot en posant la bouilloire sur la table.

— Non, ma tante. Mais ne vous inquiétez pas, je ne suis pas pressé et puis, j'ai pas faim.

Sa tante n'insista pas davantage. Elle ne remarquait pas que sa nièce maigrissait de plus en plus. Elle ne remarquait pas son visage devenir de plus en plus pâle au fur et à mesure que les jours défilaient. Elle ne remarquait pas que sa nièce vivait un calvaire insupportable.

La fille maltraité et le milliardaire américainUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum