Episode 8

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Inès restait immobile dans la salle et regardait le mur avec tristesse. Ce pavillon appartenait à l'une des familles de la Mare-rouge.

Ils avaient acheté cette maison très modeste pour permettre au père écrivain de pouvoir s'isoler du monde afin de travailler sur ses œuvres littéraires.

Les grands-parents de madame Leroy, originaires de Normandie, avaient acheté cette maison au moment de leur mariage, très jeunes. Aujourd'hui, la maison, datant du quinzième siècle, est un peu vieille, malgré la rénovation que madame Leroy a été obligée d'entreprendre. Elle avait longtemps rechigné à la faire, cette rénovation. Depuis la mort de sa sœur, elle restait très avare, en dépit de sa fortune et détestait le luxe et la beauté. Madame Leroy avait au rez-de-chaussée un cabinet de travail spécialement conçu pour elle. Ce jour-là, elle s'y trouvait et Inès entra dans son bureau au moment où sa tante discutait avec Pauline en lui donnant des instructions au sujet du jardin.

— Vous n'avez qu'à engager un autre jardinier, si ce Ferdinand est un gros buveur de whisky... Vous en connaissez un ?

— Oui, un jardinier très compétent, répondit Pauline. Je pense qu'il pourra souvent nous aider, même s'il est employé à la Mare-rouge. Docteur Martin s'occupe beaucoup de son jardin, là-bas.

— Martin ? demanda madame Leroy. Il est de Paris, lui aussi, n'est-ce pas ?

— Oui madame, un médecin très réputé à Paris.

— Je connais un docteur du nom de Martin. Il venait de se marier et avait plusieurs enfants.

— Celui-là a aussi des filles. Il est veuf. Mais le plus âgé de ses enfants est un jeune homme qui a un grand succès dans les affaires, je crois. Ses filles ont l'air très bien comme il faut.

Inès posa doucement le thé et l'assiette sur la table. Au moment où elle s'en allait, une voix sévère ordonna :

— Attendez... Pauline, je veux que vous appreniez à Inès comment s'occuper d'un poulailler. Commencez aujourd'hui.

— Bien, madame, répondit Pauline.

— Allez à la basse-cour, Inès.

Sur cet ordre, madame Leroy s'assit sur sa chaise. Pauline sortit, suivi d'Inès. En fermant la porte du bureau de madame, Pauline demanda à Inès :

— Êtes-vous excitée à l'idée d'aller à la basse-cour, de vous occuper du poulailler ?

— Comment ? répondit Inès, si le poulailler m'excite ? Vous plaisantez ?

— De toute façon, il ne s'agit pas de savoir ce que vous aimez faire... vous êtes censé le savoir, dit tristement Pauline.

Inès poussa alors un soupir de désespoir.

— Je sais...

On pouvait voir une larme couler sur la joue gauche de la jeune fille. Depuis quelque temps, elle retenait difficilement ses larmes... Elle n'en pouvait plus.

Mais ce qu'elle ne savait pas, c'est que madame Leroy, en l'emmenant à la basse-cour, la préparait pour son mariage.

Durant ses séjours en Côte d'Azur, madame Leroy avait l'habitude de faire de longues promenades autour du quartier. C'est comme ça que huit jours après son arrivée, elle croisa le docteur Martin, qui accompagnait ce jour-là l'un de ses enfants, le plus petit, un beau petit garçon de 8 ans. Elle l'avait rencontré il y a six ans chez l'une de ses amies, madame Dufour, avec qui elle avait un lien de parenté. Tous les deux s'arrêtèrent en se voyant, puis se serrèrent la main. M. Martin lui expliqua alors avec un certain enthousiasme qu'il devait passer tout l'été ici en Côte d'Azur pour des raisons de santé. Il en avait profité pour emmener ses enfants, afin qu'ils puissent venir passer leurs vacances au soleil. Il avait confié son cabinet à l'un de ses frères, lui aussi médecin, le temps que l'automne arrive.

La fille maltraité et le milliardaire américainWhere stories live. Discover now