Episode 5

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Elle s'arrêta un moment et posa ses doigts tremblotants sur ses lèvres et dit d'une voix ferme : 

 — Tu sais très bien comment j'ai été avec ma petite sœur. Nous avions grandi sans mère. C'est notre grand-mère qui s'est occupée de nous et puis en grandissant je l'ai emmenée très tôt dans la vie avec insouciance. Quand elle s'est mise en couple avec Rémy, je n'ai rien dit. Je l'ai même encouragé à se mettre en couple avec lui puisqu'elle l'aimait. Je me disais : « qu'importe qu'il soit un peu foufou, il faut vivre avec passion ». Je l'ai laissé tout faire. Mais, pendant qu'elle était à l'hôpital, quelques heures après sa mort, elle m'a dit « c'est toi qui m'as amené là, Bernadette... C'est toi qui m'as emmené à la mort. Si tu ne m'avais pas gâté et fait vivre cette existence dont le seul but était le plaisir et la jouissance, je ne me serais pas tué, j'aurais été plus sérieuse. Je ne me serais pas tué dans cette existence de plaisir. Prends soin de ma fille ». Le bleu des yeux de Bernadette devint d'un coup plus terne. Les mains toujours tremblotantes, elle continua : 

— ...Ce qu'elle a pu dire ensuite pour s'excuser de ses mots ne comptait pas, elle avait bien raison, je l'avais trop gâté, je lui donnais tout ce qu'elle voulait, si bien qu'elle n'avait même pas besoin de me demander quoi que ce soit, je lui donnais avant même qu'elle me demande. Je l'emmenais dans des lieux qu'elle ne connaissait pas. Elle commençait à percer trop vite dans la musique et je la laissais dépenser son argent dans tous les sens sans raison, alors qu'elle n'avait que 17 ans. Elle a accouché d'Inès à 18 ans. Par ma faute, cette pauvre fille est maintenant orpheline. Alors, c'est moi qui l'ai élevée. 

 — Ce n'est pas trop dur, toute seule ? 

 — Je fais ce que je peux. Je veux que cette fille soit tout le contraire de ce qu'a été sa mère et j'ai tout préparé pour cela. Ma petite nièce ne pourra me faire aucun reproche. J'ai donc retiré tout sentiment de son éducation. Je n'ai pas d'affection pour elle, Pierre. Elle n'en a pas pour moi. Je lui ai interdit de me faire un seul câlin, interdit de me tutoyer ou de me sourire. Le rire, n'en parlons pas. En entendant cela, la gorge de Pierre se serra, tout comme son cœur. Il se retint de dire quoi que ce soit. Madame Leroy poursuivit :

 — ...Tout ce qui est art, musique, littérature, elle ne connait pas. Elle est inter- dite de musique ou de livres qui pourrait lui faire ressentir des sentiments. Elle n'a jamais fait aucune fête, aucun anniversaire depuis ses cinq ans, n'a pas d'amis qui pourraient lui faire ressentir quoi que ce soit. Je préfère qu'elle n'ait pas du tout d'amis d'ailleurs. Elle ne connait aucun chanteur, aucune musique ou alors celle qu'elle a pu entendre dans les supermarchés, mais j'évite de l'emmener dans ses lieux, c'est le début de la débauche, le diable se cache dans les détails. On ne sait jamais si l'envie lui viens soudainement de faire cette danse ridicule où les jeunes essaies de toucher le plafond avec leur popotins. Il appelle cela le twek. Ils ne savent plus qu'elle imbécilité inventer. J'envoie pour faire les courses le petit fils de la cuisinière ou un domestique. Cependant, je suis assez gentille pour la laisser faire quelques promenades après le travail. Mais pas quand il y a trop de monde dehors, il ne faut pas exagérer avec les promenades. Et.. 

 — Quoi ?!... s'étrangla Pierre, qui ne pouvait plus se retenir. Mais c'est fou ! C'est de la folie ! Ce n'est pas possible, enfin... C'est...

 - C'est ainsi, répondit calmement madame Leroy. Et tu n'as pas encore vu ce que je lui prépare en Côte d'Azur, mais tu vas m'aider pour cela. sur 

— ...T'aider à quoi ? 

 — Tu verras. Tu viendras et tu verras. 

La fille maltraité et le milliardaire américainWhere stories live. Discover now