EPISODE 14

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Mais mon père m'a dit que ta tante ne recevait personne quand elle venait ici... dit Lisa.

— Oui, c'est vrai que c'est très rare. Il s'appelle monsieur Bourrin, le propriétaire d'une petite ferme. Vous le connaissez ?
— Vite fait🙄... De vu, un peu.
— Il vient dire bonjour deux ou trois fois quand on vient en vacances ici, mais c'est la première fois qu'elle le reçoit pour dîner.
Après cette déclaration, Inès goûta rapidement un morceau et s'en alla. Les Martin la regardèrent s'en aller et disparaitre du paysage avec sa jolie silhouette fine et gracieuse.
— Elle est belle, dit Chloé, mais elle n'a pas de vie, la pauvre... C'est dingue, comment sa tante peut la traiter comme ça ? Il faut vraiment n'avoir aucune pitié, ni rien. C'est juste dingue. Juste en la voyant ça se voit qu'elle est sévère, mais là, c'est trop.
— Inès a un grand cœur, dit Arthur, et elle est beaucoup plus sensible que ce qu'on aurait pu imaginer au début. Beaucoup plus...

Ce soir-là, pendant le dîner, madame Leroy fit quelque chose qu'elle n'avait jamais fait auparavant : elle demanda à Inès de se joindre au dîner avec l'invité, monsieur Bourrin. Elle ne l'avait pas fait elle-même mais comme à son habitude quand elle voulait lui dire quelque chose, elle passait par sa tante Catherine. Aussi, elle lui ordonna de mettre sa plus belle robe pour ce dîner. Inès ne posa pas de question, elle n'aurait jamais pu imaginer ce qui allait se passer.
Le dîner dura deux heures et demie. Madame Leroy écouta avec patience le monologue de monsieur Bourrin, lui répondant avec quelques remarques rapides, pendant qu'Inès ne disait pas un seul mot. Elle ne semblait pas s'apercevoir des clins d'œil insistants que Bourrin lui lançait pendant le repas. Quand tous les trois se levèrent de table pour s'installer sur les fauteuils du salon, madame Leroy ordonna à sa nièce :
— Servez-nous un thé, Inès, ensuite vous pourrez disposer.
Elle se leva donc pour préparer les boissons. Lorsqu'elle revint dix minutes après, elle posa sur la table basse les tasses, puis se dirigea dans sa chambre en montant l'escalier. Dans sa chambre, elle pouvait enfin retrouver le calme et rêver des journées avec ses amies de la Mare-Rouge ou tout était si différent de ce qu'elle vivait ici à Sainte Adresse.

Elle se reposait enfin car depuis son retour de la Mare-Rouge, elle n'a pas eu le droit à un seul moment de repos. Elle avait dû aider la cuisinière à préparer le plat. D'ailleurs, c'est elle qui avait préparé le plat. Mélanie lui donnait des ordres comme sa tante avait l'habitude de le faire avec elle, car il fallait qu'Inès sache préparer le repas comme « une femme au foyer convenable » disait sa tante (en pensant à son mariage en préparation). Ensuite, elle a dû aider le domestique à préparer la table. Un enfer, car là aussi, le domestique lui donnait des ordres. Quand elle a cru pouvoir se reposer, il a fallu qu'elle aille dans la petite cave à vin pour savoir quel vin aurait aimé son voisin monsieur Bourrin. Quand cela eu été terminer il a fallu qu'elle repasse sa robe à pois et trouver ses seules belles chaussures. Car habituellement, madame Leroy ne voulait pas qu'Inès soit trop belle. Il fallait qu'elle s'habille de façon modeste, qu'elle ressemble le moins possible à sa mère, très portée sur la mode et le luxe, car en plus de la carrière de chanteuse qu'elle avait débutée, elle avait fait du mannequinat depuis ses 13 ans.
Après avoir fait la cuisine, la table, repasser sa robe, il a fallu en plus qu'elle subisse la plus grosse des corvées : écouter monsieur Bourrin parler pendant des heures, et parler très fort pendant deux heures et demie.
Imaginez donc quand elle a eu le luxe de pouvoir s'allonger dans sa chambre et penser à ses amies là-bas. C'était quelque chose pour elle...
Mais au fond d'elle, une chose l'étonna plus que tout : elle s'était confiée. Pour la toute première fois de sa vie, elle avait confié sa douleur, son malheur à quelqu'un. Se confier à une amie quand tout est froid autour de soi réchauffe le cœur. C'est comme se blottir dans une confortable couverture chaude dans une chambre froide. Cette amie toujours là si on l'appelle...
Ce ne sont pas des étrangers pour elle, sa tante lui est étrangère, elle ne la connait pas et n'a pas envie de la connaitre, elle ne la jamais connu. Elle ne la comprend pas. Ces amies, avec leur compassion, avaient promis de l'aider à sortir de la prison où l'avait enfermé sa tante. Mais au fond, elle se demandait comment ils allaient s'y prendre. Le crépuscule se montra et Inès pensa à ses amies, Chloé, Lisa... Mais aussi et surtout à leur cousin, ce jeune homme d'affaires attentionné : Arthur, qui l'avait réconforté et pour qui elle éprouvait un sentiment qu'elle n'avait jamais connu avant... Ses papillons dans le ventre et ce sentiment de manque. Elle sentait en son imagination l'agréable odeur de ses cheveux et le son de sa voix flottait en son esprit, lorsqu'elle fermait les yeux. Elle le voulait avec elle, là... tout près d'elle.
Mais soudain, elle repensa à Paris, qu'elle allait bientôt devoir y retourner et qu'à la capitale, elle ne reverrait plus ses amies. Elle eut un moment de désespoir. « J'ai envie d'en finir avec tout ça » se disait-elle maintenant en pleurant. Sa tante lui avait tout volé et lui avait pris ce qu'elle devait avoir avant même qu'elle ne le possède. Personne ne l'avait jamais aimé, pensa-t-elle. Elle ne savait comment elle allait dormir dans cet état. Elle se leva alors et se dirigea vers sa fenêtre pour regarder le soleil se coucher. Dans le ciel se dessinaient des nuages de couleur vive. Tout à coup, elle entendit un rire sonore sous sa fenêtre ; ça ne pouvait être que monsieur Bourrin. Elle fit alors demi-tour en pensant a quel point elle n'aimait pas ce monsieur : « j'espère qu'elle ne l'invitera plus, celui-là ».
Elle tenta de dormir, difficilement...
Le lendemain, elle fut réveillée par Catherine, sur ordre de tante Leroy.
Elle se dirigea vers la salle de bain et se regarda dans le miroir, où elle constata qu'elle avait mauvaise mine. Ces légers cernes auraient pu être masqués par un léger maquillage, mais sa tante refusait le maquillage, en plus des « trop » beaux vêtements. La salle de bain d'Inès n'avait que le strict nécessaire, notamment du shampoing, inodore. Car une fille sans shampoing... Madame Leroy trouvait cela étrange. En constatant la fatigue se lisant sur son visage, Inès savait que ses amies et le docteur s'inquièteraient et demanderaient ce qui ne va pas. Elle décida alors de ne pas sortir voir ses amies. Vers quatorze heures, elle s'installa sur le transat, dans le jardin, pour lire un livre de physique (matière qu'elle détestait). Au même moment, sa tante arriva afin de ranger les fleurs du jardin qui se fanaient étrangement très rapidement (même les fleurs devaient en avoir marre d'elle). Elle se demanda s'il n'était pas temps d'annoncer à Inès qu'elle comptait la marier, qu'elle le veuille ou non... En la regardant allongée sur le transat, elle se dit qu'il fallait attendre encore un peu. Comment Inès allait donc réagir à cette initiative de sa tante ? Elle se contenta seulement de lui dire :
— Asseyez-vous sur la chaise et posez-moi ce livre sur la table, ce n'est pas une façon de se tenir. Vous n'êtes pas à la plage.
— Vous n'allez pas chez les filles du docteur aujourd'hui ?
— Non, pas aujourd'hui.
— Pourquoi donc ?
— Je ne veux pas prendre l'habitude de me divertir, ma tante.
— Oui, d'ailleurs je ne veux pas que vous fréquentiez trop ses filles. J'ai entendu dire que l'une d'entre elles était musicienne. La connaissez-vous, celle-là 🤨?
— Oui.
— Vous a-t-elle parlée de musique ou vous a-t-elle fait écouter de la musique ?
— Elle m'a seulement parlée de son métier, dit Inès en sachant qu'avouer avoir écoutée de la musique aurait été pour elle synonyme de rupture définitive avec ses amies.
— D'accord, mais ne vous faites pas influencer par ses filles.

Elle avait appris par Bourrin hier soir que l'une des filles du docteur était musicienne et qu'elle travaillait dans les boites de nuit en Côte d'Azur et à Paris. Elle était en train de se faire un nom. Ce qu'elle aimait, Lisa, c'était tout simplement le monde de la musique. Le reste ne l'intéressait pas vraiment. Mais au fond d'elle, madame Leroy, très calculatrice, se disait « de toute façon, ses relations avec ses filles ne dureraient pas trop longtemps ; un mois ou deux peut être et elles seront oubliées de sa mémoire. En plus, monsieur Bourrin n'acceptera pas que sa femme fréquente les gens riches de la Mare-Rouge ». Mais elle ne pouvait prévoir l'imprévisible.
Pendant que sa tante était occupée à arroser les fleurs et retirer les mauvaises herbes, sa nièce la regardait presque en la défiant, sans croiser son regard, quand même, mais elle la regardait, avec une sorte de haine. Elle se dit au fond d'elle « Si elle ne veut pas que je les fréquente, c'est parce qu'elles sont bien pour moi. Je ne suis plus seule, maintenant. Heureusement qu'elle ne sait pas qu'Arthur est là ». En pensant à Arthur, elle eut un sourire, qu'elle cachait à madame Leroy et se dit « Non, demain il faut que j'aille les voir ».

Le lendemain, en allant voir ses amies, elle croisa le docteur Martin qui sortait pour sa promenade quotidienne à cheval. En voyant Inès, il lui dit :
— Bonjour mon enfant😀 ! Vous avez l'air fatiguée... Vous allez bien ?
— Bonjour docteur🙂, oui tout va bien, dit-elle en lui serrant la main.
Cette réponse ne satisfaisait pas le docteur qui se contenta de dire :
— Chloé est dans le salon. Lisa et Julie sont parties à la plage. En revenant, elles iront chercher de la viande pour l'arrivée d'Antoine, le fils de mon meilleur ami.
— D'accord docteur, dit-elle en s'en allant pendant que le docteur partait au galop.
En frappant à la porte de la maison, elle entendit la voix de Chloé lui dire d'entrer, ce qu'elle fît. Les filles étaient assises dans le salon.
— Oh Inès😁 ! Ça va ? T'as pas pu venir hier ?

La fille maltraité et le milliardaire américainUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum