sans ténèbres, les étoiles ne brillent pas (français)

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musique à écouter : nothing is as it seems (Hidden Citizens)

"Nothing is as it seems
Caught in the in-between
The shadow's disguise
And I don't know why
Nothing is as it seems"

Cassi

Il faut croire que Linda avait raison. Je n'aurais peut-être pas dû refuser de manger avant de monter à l'étage. Cela doit bien faire vingt minutes que je tourne encore et encore dans mon lit. En espérant réussir à me rendormir en ignorant ma faim. Mais rien n'y fait. La lumière du réveil attire mon attention, il est 4h13 du matin. Je me retourne sur le dos, enfonçant ma tête dans l'oreiller. Dans un soupir, je me résigne à quitter cet agréable cocon.

Je me glisse hors de ma chambre sur la pointe des pieds, essayant de faire le moins de bruit possible. Je ne veux pas réveiller Linda ou Hope, alors je n'allume aucune lumière. Mes yeux s'habitueront peu à peu à l'obscurité. Je me surprends à m'arrêter quelques secondes face à la porte fermée de toute à l'heure. J'ignore ce qui se trouve de l'autre côté, mais ce qui est certain, c'est qu'une personne est sortie de cette pièce.

Bien que j'essaye d'être aussi discrète que possible, deux ou trois marches grincent sous mon poids. Même si je ne connais pas encore la maison, je trouve immédiatement la cuisine. Le clair de Lune illumine la pièce et je parviens à me préparer un sandwich. Tout en mangeant, je me mets à rêvasser. Cette maison est incroyable, je n'y resterais peut-être pas longtemps. Mais l'idée de faire partie de cette famille me plaît. Hope est une jeune fille pleine de vie, et nous nous sommes découverts des points communs. Elle m'a acceptée dès le premier instant. Linda est très douce, elle semble être une très bonne mère, j'ai hâte de la découvrir davantage.

Je me lève de ma chaise, et au moment où je fais couler de l'eau dans un verre, un bruit sourd contre la porte d'entrée me fait sursauter. Le verre m'échappe des mains et tombe dans l'évier, heureusement, il ne se brise pas. Le stress ne doit pas être entièrement parti, regarde-toi, tu flippes d'un rien. Pensais-je, tout en remplissant le verre de nouveau.

Au moment où je le porte à mes lèvres, j'entends comme un bruit de clé dans la serrure. Ou plutôt, comme si quelqu'un cherchait la bonne clé pour rentrer.

Okay, détends-toi, ce n'est probablement rien. Mais non ! Comment ça ce n'est rien ? Qu'est-ce qui peut me faire penser ça ? Bien sûr que c'est forcément quelque chose, Linda et Hope sont toutes les deux en train de dormir à l'étage !! Mon cerveau est en ébullition. Je me dis que j'aurais peut-être dû allumer au moins une lumière. S'il s'agit d'un cambrioleur, comment je dois réagir ? Un cambrioleur ? Vraiment, Cassi ? Parce que maintenant, les cambrioleurs ont la clé ? Ma raison l'emporte sur ce coup.

J'entends la clé tourner et la porte se déverrouiller. Je suis toujours là, à observer l'entrée depuis la cuisine. Je retiens mon souffle. Dans l'obscurité, je distingue une silhouette rentrer dans la maison, cette dernière semble masculine. Par méfiance, je recule dans la pièce. Moi qui voulais être discrète, sans faire attention, mon bassin heurte l'îlot central, et par la surprise, mon verre tombe au sol et se casse, laissant l'eau se répandre par-delà les débris. J'espère ne pas avoir réveillé Linda et Hope. Je m'en veux.

Immédiatement, je me mets à genoux pour ramasser les éclats. Le bruit n'a peut-être été entendu à l'étage, mais l'homme qui est entré, lui, m'a bien remarqué. J'entends des pas s'approcher de la cuisine, puis je vois deux boots noires se poster devant moi, écrasant les morceaux de verre. Toujours penché sur le sol, je décide de regarder cet inconnu.

- Lève-toi ! Me dit-il sèchement quand nos yeux se croisent.

- Je... J'aimerais finir de ramasser tout ça. Dis-je d'une petite voix maladroite.

- Je t'ai dit de te lever ! Dit-il plus fort, me cramponnant le bras pour me forcer à être davantage à sa hauteur.

Il me fait mal. Sur ma peau, ses doigts tiennent fermement leur étreinte. Je les sens s'enfoncer de plus en plus, me procurant une sensation de brûlure.

- Lâche-moi ! Réussis-je à dire.

- Je ne crois pas non. Avant, tu vas me dire qui tu es et ce que tu fiches ici, chez moi !

Il hausse un peu plus le ton à chaque parole. Et je suis décontenancée quand, à la fin de ces mots, il lâche un sourire qui me glace le sang. Au fond de moi, j'espère qu'il réveille Linda.

Le clair de Lune éclaire son visage. Sa mâchoire est carrée, laissant apparaître une barbe de trois jours. Ses lèvres sont bien dessinées, mais sa bouche dégage une odeur d'alcool. Ses cheveux bruns sont en pagaille. Je m'arrête sur ses yeux, il me semble distinguer leur couleur. Ils sont d'un bleu polaire.

Il continue de serrer mon bras. Et j'imagine déjà la marque qu'il va y laisser. La logique voudrait qu'il soit le fils de Linda et le frère de Hope. Mais il me paraît tellement différent d'elles. Elles sont si chaleureuses. Et il est si froid.

Je sens qu'il s'impatiente. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me tire plus près de lui. Mes pieds nus, sont à présent sur les derniers éclats de verre. J'en viens presque à me dire que celui que se tient face à moi est inhumain. Certes, il ne comprend pas qui je suis, mais de là à se montrer violent envers moi.

- Tu vas répondre, putain !

- Je... Euh... Je suis Cassi... Je suis arrivée dans la soirée, c'était prévu... Le verre creuse dans mes pieds, une larme coule sur ma joue. Ta... Ta famille doit s'occuper de moi. Je suis... Je m'apprête à dire le mot que je déteste le plus au monde. L'orpheline.

Quelque chose passe dans son regard, comme s'il venait de comprendre qui j'étais. Ses yeux ont l'air de s'être radoucis. Sa main relâche mon bras, puis il recule doucement.

- Je... Je suis désolée.

Sa voix est presque imperceptible.

Et avant même que je puisse ajouter quoi que ce soit, il monte les marches deux par deux. J'entends la porte de ce qui doit finalement être sa chambre se fermer, puis il actionne la clé dans la serrure.

Et moi, je suis là. Dans cette cuisine, le bras endolori, les pieds en sang. Et je me mets à pleurer.

Tout ça. Linda. Hope. La famille parfaite. C'était trop beau pour être vrai.

Je vais devoir vivre avec ce taré.