Une Part De Chacun

Pourquoi y a-t-il tout ces nains qui sortent de nos toilettes ?

Bard ancra sa péniche sur un quai improvisé non loin d'un marché, après avoir traversé la moitié de la ville.

Elenwë se rappelait bien de ces ruelles. La dernière fois qu'elle était venue, elle y avait passé un long moment à les explorer de long en large. C'était un assemblage de maisons difformes, amassées les unes sur les autres et reliées par des pontons vacillant à la moindre bourrasque. Cependant, la ville était bien plus sale que dans ses souvenirs. De nombreux déchets trainaient entre les mendiants qui dormaient presque malgré le chahut.

Un sourire moqueur apparut sur ses joues quand elle vit Bard pousser les tonneaux un à un. Les nains s'étalèrent au sol, baignés de poissons.

Dwalin grogna en lui lançant un regard meurtrier que l'homme ignora. Il se tourna ensuite vers un pêcheur qui observait la scène, les yeux ronds. Il lui tendit une pièce de cuivre, que l'homme accepta sans réchigner.

- Tu n'as rien vu, lui glissa Bard. Ils n'ont jamais été là.

L'homme acquiesça, les yeux toujours posés sur les nains.

- Je te fais cadeau du poisson, offrit le bâtelier en s'éloignant suivi de la compagnie.

Elenwë fermait la marche comme à son habitude, encore invisible. Devant elle, les nains poursuivaient Bard, la tête baissée pour éviter d'être reconnus. Elle soupira, inquiétée par les nombreux visages curieux qui se tournaient vers eux. Elle savait d'avance que leur présence ne passerait pas inaperçue, et qu'elle ferait même polémique.

Soudain, alors que le petit groupe avait déja filé loin du navire, un jeune garçon d'une quinzaine d'années leur coupa le chemin. Il avait des cheveux bruns bouclés, et des joues roses qui lui donnaient un air enfantin.

- Papa ! Cria-t-il d'une voie stridente. Des gens surveillent notre maison !

L'elfine observa tour à tour le père et le fils, et remarqua aussitôt quelques ressemblances. Ils avaient les mêmes épaules carrées, ainsi que le même menton droit.

- Baïn, en es-tu sûr ? L'interrogea Bard.

Le jeune garçon hocha la tête, et fronça les sourcils en apercevant les nains. Mais son père le lui laissa pas le temps de le questionner. Il se pencha vers Thorin, et lui murmura quelques mots à l'oreille.

Le nain parut un instant perplexe, mais reprit vite contenance.

- Vous vous moquez de nous ! Fulmina-t-il avec un regard assassin.

- Il n'y a pas d'autre solution, avisa le bâtelier en haussant les épaules d'un geste désinvolte.

Balin tapota l'épaule de son ami, et se tourna vers lui.

- Écoutons-le, chuchota-t-il. Il nous a aidé jusque là au péril de sa liberté, nous pouvons lui faire confiance une fois de plus.

Écu-de-Chêne sembla réfléchir, puis fit enfin signe aux autres,qui attendaient son ordre, de le suivre. Elenwë les observa s'éloigner dans les allées sinueuses, se confondant difficilement avec des enfants.

Elle emboita ensuite le pas des deux hommes, qui la conduisirent jusqu'à chez eux. Durant le trajet, le père raconta en détail sa rencontre avec les nains à son fils, dont le regard brillait d'admiration.

Bien qu'ils ignoraient tout deux la présence de l'elleth encore invisible, ils montèrent ensemble un étroit escalier, et ouvrient la porte. Avant d'entrer Bard se pencha sur la poutre et lança un oignon à un homme qui pêchait sur un des nombreux cours d'eau qui sillonaient la ville.

- Dis au maître que j'ai fini ma journée ! Ordonna le bâtelier.

En souriant, Elenwë se faufila derrière lui, avant qu'il ne claque la porte.