Une Part De Chacun

Je ne veux pas revoir ne serait-ce qu'une oreille pointue

Lorsqu'Elenwë rouvrit les yeux, une goutte de pluie lui atterit dans l'œil droit. Elle la chassa d'un battement de cils et commença doucement à se redresser.

Son dos lui cria de rester allongée, mais elle refusa de l'écouter.
Elle découvrit qu'elle gisait sur la piste que la compagnie suivait quelques instants plus tôt, entourée d'autres nains.

Fili, le plus indemne, aidait déja Bombur à se relever, car il écrasait sous son poids le pauvre Oïn. Gloïn râlait un peu plus loin en se frottant le crâne.

Alors que l'elfine tendait sa main à Nori, tout en refléchissant à la chance qu'ils avaient eu, Thorin et le reste de la troupe surgirent.

Le soulagement se peint sur leurs traits, et ils sourirent nerveusement.

Avec une tape dans le dos, Kili acheva de mettre sur ses pieds Bifur, le dernier encore par terre.

- J'ai bien cru que vous alliez finir en pâté pour géants, s'exclama l'archer aux cheveux corbeau. Comment avez-vous pu vous en sortir ?

Personne ne répondant, Thorin posa un regard suspitieux sur l'elfe avant de l'interpeller :

- Quel était cet éclat de lumière ?

Elenwë frémit, comprenant enfin ce qui leur avait valu la chance d'être encore en vie.

- Comment voudriez-vous que je le sache ? Demanda-t-elle d'une voix calme alors qu'elle était au bord des tremblements.

- Vous êtes une personne étrange, même pour une elfe, articula lentement Écu de chêne comme pour faire monter la pression, vous pourriez le savoir.

Alors que la jeune fille ouvrait la bouche pour répliquer, Balin les coupa :

- Les géants pourraient revenir, fit-il en désignant de son doigt potelé les créatures qui se battaient plus loin.

Il lança un coup d'œil inquiet à l'elfe, tandis que Thorin la fusillait du regard.

- Nous en reparlerons, grogna Écu-de-Chêne.

Il s'avança entre les siens, qui observaient avec attention l'altercation.
Comme si de rien n'était, il suivit la piste, signalant aux autres qu'ils devaient le suivre.

Le groupe continua son ascension en silence, s'aggripant aux rebords rocheux.

Elenwë en avait par dessus tout de cette pluie qui lui donnait la migraine, et se surprit à souhaiter que Gandalf soit là lui aussi.
Pestant contre Thorin, elle songea qu'il était déja désagréable, alors qu'il n'avait même pas pris possession de son or.

- Halte ! Cria l'objet de ses pensées.

Tous les nains se stoppèrent, menaçant de se bousculer alors que le vide n'attendait qu'eux.

L'elleth aperçut leur chef qui s'engouffrait dans une faille de la montagne, imité par les autres.

Elle inspira, mal à l'aise avec les espaces clos. Bien qu'elle avait quitté ses semblables depuis longtemps, cette peur lui était restée et elle n'avait pas su s'en débarrasser.

Elle emboita le pas de la compagnie, pénétrant dans une immense caverne dépourvue de stalactiques.

- Va voir au fond, entendit-elle Thorin souffler à Dwalin, il est rare qu'une grotte soit inhabitée.

Grace à son ouïe fine, la jeune fille savait qu'elle l'était, mais n'en dit rien au nain, sachant pertinement qu'il ne lui ferait pas confiance.

Dwalin revint un instant plus tard, et secoua la tête négativement.

Gloïn sortit alors de son sac de voyage un fagot de bois, qu'il déposa au sol.

- Chouette ! On va se faire un bon feu, s'exclama-t-il.

- Non, pas de feu, ordonna son chef, tâchez de dormir, il nous faudra des forces pour continuer la route.

Tous les siens semblèrent déçus, mais se resaisirent en sortant leur couverture. Ils s'enveloppèrent dedans, et s'endormirent aussitôt.

Elenwë fut prise au dépourvu, lorsqu'elle se retrouva les bras ballants, entre ces gens endormis.

Curieusement, elle ne se sentait pas fatiguée, comme à chaque fois qu'elle faisait appel à ses dons.
Elle préféra penser que sa perte de connaissance lui avait apporté l'énergie que son corps lui réclamait.

Revenant en terre du Milieue, elle sentit que la présence d'air lui manquait.
Les étoiles. Elle voulait voir les étoiles.

Elle se précipita vers la sortie, arrêtée par la voix de Bofur.

- Où allez-vous ?

- Je vais prendre l'air.

- Vous ne repartez pas à Fondcombe au moins ?

- Repartir à Fondcombe ?

Surprise, l'elfe fronça les sourcils. Soudain, une pensée lui vint à l'esprit.
Thorin avait posté Bofur pour surveiller que personne ne rentre mais peut-être aussi afin que personne ne sorte.

- Oui, enfin, vous pourriez repartir avec les vôtres, ce serait tout à fait compréhensible, ajouta-t-il rapidement remarquant l'expression de l'elfine.

- Pensez-vous vraiment cela ? Questionna-t-elle glaciale.

- Eh bien...

- Bofur, je vous accompagne jusqu'à la montagne solitaire, et je délivrerais votre royaume du dragon. Et cela malgré l'orgueil et la mauvaise humeur de votre collègue. En doutez-vous ?

- Je... non bien sûr. Vous êtes une personne de bien, mais cela arrive à tout le monde de vouloir être avec son peuple.

- Je doute que cela m'arrive.

- J'en suis pourtant certain. Vous retrouverez votre peuple, ainsi que votre bonheur miss. Peut-être même rencontrerez-vous un bel elfe, avec qui vous vous entendrez bien, vous...

- Bofur ! Le coupa-t-elle dans son délire. Je doute franchement que cela se passe. Même si je dois reconnaitre que ce ne serait pas si mal, ajouta-t-elle avec un petit sourire pour ne pas le vexer. Seulement, les miens ne m'accepteront pas, et je ne veux pas revoir ne serait-ce qu'une oreille pointue.

- Oh moi non plus, rigola le nain. Enfin sauf vous.

- Ils ne pensent pas tous comme vous pourtant.

Elle loucha sur Thorin et Bofur sembla comprendre.

- Thorin a peur, la rassura-t-il. Il y a longtemps les elfes et les nains avaient noué des liens entre eux, mais une querelle éclata. Querelle qui mena son peuple à la ruine. Il a peur que l'histoire se répète.

- Je comprends. Mais il ne devrait pas être tant rancunier. Seuls quelques elfes sont responsables de cette querelle. Pas tous.

- Je le sais et il le sait.

- Je ferai sûrement plus pour lui, que pour les elfes que j'ai rencontrés.

Les deux se turent, l'une choquée d'avoir dit ça, l'autre choqué par ce qu'il avait entendu.

Un glissement attira alors l'attention de l'elleth, et elle se tourna vers les nains endormis.

Des sillons se creusaient dans le sable, sous les corps des membres de la compagnie.
Thorin, lui aussi, fixait ce phénomene.

Dans d'autres circonstances, Elenwë se serait inquiéter du fait qu'il ait pu entendre sa conversation avec Bofur, mais à présent peu l'importait.

- Debout ! Hurla Écu-de-Chêne.

Sonnées, les autres nains se réveillèrent en vitesse, mais avant qu'ils aient pu comprendre la situation, le sol se fendit sous leurs pieds.

Des trappes s'ouvrirent, et toute la compagnie chuta dedans.