Des géants de pierre

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La compagnie marchait depuis plusieurs jours, Fondcombe avait disparu derrière eux.

Elenwë avait rejoint les nains à la sortie de la valée d'Imladris, troublée.

Elle n'avait pas pipé mot depuis, trop occupée à brasser les pensées qui la traversaient.

Depuis toute petite, ses pouvoirs avaient effrayé chaque elfe, chaque homme, et personne, à part quelques rares élus, n'avait souhaité apprendre à connaitre l'elfine.
Et voilà que maintenant, Sarouman voulait expérimenter la magie sur elle.

Cette idée la répugnait. Elle n'était pas un vulgaire animal dont on se servait pour tester un nouveau remède. Si Gandalf n'avait pas prévenu le magicien blanc du refus de la jeune fille, cette dernière aurait été ravie de lui dire ses quatre vérités.

Gandalf. Elenwë le remerciait interieurement de la défendre, même si elle aurait préféré qu'il lui parle des bons vouloirs de son collègue.

L'elleth s'en voulait d'avoir été surprise pas Dame Galadriel. Elle savait que cette dernière n'avouerait pas sa présence, mais elle avait su percer son déguisement.

- Elenwë ? L'appela Fili.

L'elfine secoua la tête pour ramener son esprit en terre du milieu, et fixa le nain qui l'attendait un peu plus loin avec son frère.
Elle remarque que les autres étaient loin devant et qu'ils n'avaient pas pris la peine de l'attendre.

- Vous allez bien ? L'interrogea Kili.

- Oui, je... j'étais seulement perdue dans mes pensées, répondit-elle.

L'archer l'observa d'un œil suspitieux mais ne dit rien, contrairement à son frère.

- Vous n'avez rien dit depuis cinq jours, avanca-t-il. Depuis que nous avons quitté la cité elfique.

- Ce n'est rien d'important.

- Pourtant, vous n'êtes plus vous même. Est-ce la proximité avec les votres qui vous a dérangée ?

Perturbée par l'affirmation du nain, elle acquiesça sans savoir pourquoi elle s'ouvrait à lui.

- Pourquoi n'êtes vous pas partie avec nous ? Questionna Kili, un sourire moqueur aux lèvres.

- Rien d'important.

- Vraiment ? Même pas un amant ?

Fili ouvrit des yeux ronds, et donna un coup de coude indiscret à son frère. L'elleth secoua la tête, consternée.

- C'était une simple question, s'excusa Kili.

Pourtant ses yeux brillant d'amusement et son rictus ne laissait pas penser cela.

- Sachez, mon cher ami, que rien ne me lie au peuple des elfes, fit-elle, rien sauf mes oreilles pointues.

- Je ne comprends pas, s'obstina le nain.

- Je suis une elfe, certes, soupira-t-elle, mais les miens ne sont pas plus qu'un autre peuple pour moi.

Les deux frères firent un mouvement de réverence exagéré, sous le regard amusé d'Elenwë.

Voyant le reste de la compagnie s'arrêtant bien devant eux, ils coururent pour les retrouver.

La troupe s'arrêta sur le versant Est d'une colline, à l'abri du soleil tapant. Les nains déballèrent de quoi faire un diner médiocre et leurs affaires pour la nuit.

- Dormez, ordonna Thorin une fois le repas achevé, il nous faudra des forces pour traverser les montagnes de roches.

Tout les membres du groupe tournèrent leurs yeux sur ces étranges sommets effrayants, peu joyeux à l'idée de s'en rapprocher.

L'elfine s'approcha de Thorin, et, assez bas pour que seul lui l'entende, lui souffla :

- Vous savez ce qu'on dit sur ces montagnes.

- Les légendes ne sont que des légendes ! Cracha-t-il hargneux.

- Pas celle-là. S'il vous plait Thorin, contournons les.

- Il est hors de question que nous nous retardions de plus d'une dizaine de jours seulement parce que vous n'êtes pas capable de garder votre sang-froid !

- Nous devrions attendre Gandalf.

- Le magicien n'est pas là. Pensez-vous que les miens ne savent rien faire ? Vous ne savez peut-ê
tre pas vous battre, mais ce n'est pas leur cas ! Eux, ne retournent pas sur leur pas à la moindre petite difficulté !

- Vous ne savez pas qui je suis, Thorin, répliqua-t-elle calmement mais froidement, ni ce que j'ai vécu.

Alors qu'elle se retournait afin d'aller s'allonger, Écu-de-Chêne l'attrapa férocement par le poignet et la tira.
La jeune elfe faillit trébucher mais retrouva son équilibre avant de lancer un regard noir au nain.

- Je ne sais pas qui vous êtes, menaça-t-il, mais je sais qu'il y a quelque chose de pas net chez vous, et je vous jure, que je le découvrirais, et si ce n'est pas favorable à votre cause, j'ai bien peur de devoir en finir avec vous.

Il attendit une réponse de l'elleth, reponse qui ne vint pas.
Elle se contenta de le regarder avec degoût, avant d'échapper à son emprise comme si le nain couvait une maladie extremement contagieuse.

Elle s'allongea tranquillement sous les étoiles, et s'endormit presque aussitôt.

À l'aube, alors que le ciel baignait d'une lumière rouge, la compagnie se remit en marche pour traverser les montagnes.

Bientôt, le chemin devint si étroit, qu'ils étaient contraints à avancer les uns derrière les autres.

Les voyageurs observaient défiler les blocs de roches, sans plus d'admiration. Seul le battement régulier de la pluie rythmait leur traversée.

Elenwë marchaient péniblement dans le dos des deux frères, qui avec leur tact habituel, n'avaient pas manqué de la questionner sur sa discution avec Thorin.
Remarquant que l'elleth évitait habilement de répondre, ils s'étaient tus pour économiser leur force.

Alors que Nori s'était retenu de justesse à la pierre pour ne pas glisser, un énorme bloc de roche percuta la montagne au dessus de leur tête. Des gravats roulèrent et faillirent les envoyer valdinguer.

- Il faut trouver un abri ! S'exclama Thorin.

- Ce n'est pas un orage ! Cria Balin en désignant du doigt une forme noire.

Un pent de la montagne bougeait. Non pas un pent de la montagne, songea l'elfe, un géant de pierre.
Le monstre s'élevait sur une vingtaine de mètres et sa peau rugueuse ruisselait d'eau.
Il attrapa un rocher et le fit tournoyer dans les airs. Le roc défonça le visage d'une autre créature.

- Les légendes disaient vraies, hurla Elenwë pour se faire entendre, des géants de pierre !

Elle croisa les yeux noirs de Thorin, et une étrange sensation de satisfaction la toucha.
Le nain avait eu tort.

L'émotion disparut vite, lorsqu'elle dut se plaquer contre le flanc de la montagne pour ne pas se faire éjecter par tremblements.

Alors qu'elle s'estimait sauve, la piste se fendit entre Kili et Fili, et les deux frères tendirent leurs mains, en vain.

L'elfe, Fili et quelques autres nains ne purent que regarder Thorin et son groupe alors que le géant sur lequel ils étaient appuyés bougeait.
Elenwë attrapa Bombur par le col, et arqua le dos.

Ses mains la tiraillaient et la pluie l'aveuglait. Elle ne vit que tard, un pent rocheux s'approchait dangereusement d'eux.
Elle lâcha le nain roux et tendit les bras en avant, mûe par un instinct.

Alors qu'elle s'attendait à sentir ses os se briser et son corps exploser, une lumière blanche illumina toute la valée, et l'elleth perdit connaissance.

Une Part De ChacunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant