Il y en à un, que je pourrais appeler roi

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Le lendemain matin, tous sellèrent leur monture en prévision du voyage à venir.

Elenwë avait passé la nuit dehors, comme elle le faisait souvent. Contente de partir pour une nouvelle aventure qui lui permettrait de ne pas trop penser, elle espérait tout de même se faire accepter par les nains.

Elle avait distribué le reste de ses provisions ce matin, puis s'était faufilée, mine de rien, dans la forêt.

Pour atteler Menel, l'elfe s'était éloignée du groupe afin de ne pas trop sentir les regards noirs que certains nains lui lançaient.
Et, c'est à sa plus grande surprise que les deux frères, Kili et Fili, s'approchèrent d'elle avec leur poneys.

L'elleth les regarda faire, cachant tant bien que mal son étonnement.

- Votre cheval est magnifique, Miss Elenwë, complimenta Fili.

- Il est tellement grand, souffla Kili éberlué.

Devant la mine admirative du petit être, l'elfe ne put s'empêcher de laisser un rire s'échapper.

En l'entendant, les deux frères se tournèrent vers elle.

- Vous riez ? S'étonna Kili sans aucun tact.

Comprenant la gaffe de son camarade, Fili essaya de rattraper le coup.

- Comprenez mon frère, assura-t-il, les elfes gardent, en général, leurs émotions pour eux. Alors qu'un des leur rit, de plus avec un de mes semblables, nous parait fort improbable.

- Je ne suis pas comme mes semblables, dit l'elfine sans sourire.

Un long silence tendu suivit cette déclaration, pendant lequel les deux nains échangèrent quelques coups d'œil indiscrets.

- Votre maison est magnifique, intervint Kili. Il ne me semble pas que tous les elfes en aient de telles. Puis-je vous demander comment elle a été construite ?

- J'ai reçu de l'aide, avoua Elenwë en tordant ses mains nerveusement.

Et sur cette réponse mystérieuse, la jeune elfe partit rejoindre le magicien.

Les frères se lancèrent un regard complice, se demandant combien de secrets la jeune fille gardait.

Enfin, lorsque le soleil atteint son zénith, la compagnie abandonna la terre ferme, pour laisser leurs jambes tomber sur les flancs de leur monture.

Elenwë se retourna une dernière fois pour apercevoir sa maison, souhaitant la revoir un jour.

L'elleth fermait la marche, tandis que Gandalf la menait. Le magicien les guidait à travers les prairies, les champs, et les campagnes, mais évitait soigneusement les villages.

La troupe voulait éviter d'être vue, pour réduire le nombre d'attaques. Bien que les haches qui pendaient aux ceinturons des nains, les épées cachées dans leur fourreaux, et les arcs attachés dans leur dos dissuadaient grand nombre de voleur, la compagnie se voulait prudente.

Sa cape sombre battant le vent dans son dos, l'elfine se murait dans un silence glacial.
Elle avait emporté toutes ses armes, comme lors de ses nombreux voyages.

Ses deux dagues, qui lui avait été offertes par un semi-elfe, attendaient sagement dans son dos.
Son épée elfique qu'elle possédait depuis son enfance étincelait sous les rayons du soleil.
Son arc et son carquois tapis dans son dos, fouettait sa nuque à chaque pas de Menel.

Un soir, ils s'arrêtèrent au sommet d'une falaise, et établirent un camp pour la nuit.
Une fois le diner, constitué de morceaux de bœuf séchés, terminé, les nains s'allongèrent pour s'endormir.
Et bientôt, Gloïn et Bombur ne tardèrent pas à ronfler.

Il ne resta que quelques personnes éveillées : les deux frères, Kili et Fili, Thorin, Gandalf et l'elfine.

Cette dernière observait calmement les constellations, debout sur une branche d'arbre.

Brisant la nuit, un hurlement retentit, coupant le calme nocturne.
En l'entendant, Elenwë releva la tête, sauta de son perchoir et s'approcha du bord du précipice.

Kili, voyant l'inquiétude dans le regard de l'elleth, jeta un coup d'œil malicieux à son frère.

- Des orcs, souffla-t-il assez fort pour que la jeune fille l'entende.

L'elfe se tourna vers lui.

- Des égorgeurs, continua Fili, il y en a des douzaines dans le coin. Les terres solitaires en sont infestées.

- Ils attaquent au petit jour, quand tout le monde est endormi, ajouta l'autre, vite sans un bruit, sans un cri. Une mare de sang. J'ai entendu dire qu'ils aimaient particulièrement la chair d'elfes.

- Et moi, il me semble que mes semblables mangent tout les jours au petit déjeuner, un nain roti à la broche, dit serieusement Elenwë en haussant un sourcil.

Les frères déglutirent difficilement, mais lorsqu'un sourire se dessina sur les lèvres de l'elleth, ils comprirent qu'ils avaient été pris à leur propre jeu.

Et les trois complices éclatèrent d'un même rire.

- Vous trouvez ça drôle ? Intervint Thorin. Vous pensez qu'une attaque d'orcs est une plaisanterie ?

- On ne pensait pas à mal, s'excusa Kili.

- Nan, vous ne pensiez pas, cracha l'autre nain. Vous ignorez tout du monde.

Le chef des nains s'éloigna, les yeux dans le vide.

- Ne t'en fais pas, mon garçon, le rassura Balin. Thorin a plus de raisons qu'un autre, de détester les orcs. Après que le dragon eut pris la montagne solitaire, le roi Thror tenta de reconquérir l'ancien royaume nain, la Moria. Mais notre ennemi était déja dans la place. La Moria avait été prise par des légions d'orcs. Conduites par le plus ignoble de toute leur race. Azog. Le profanateur. Le grand orc de Gundabad, s'était juré, d'éliminer la lignée de Durin. Il commença par décapiter le roi. Thrain, le père de Thorin devint fou de chagrin. Il disparut. Était-il prisonnier ou mort ? Nous n'en savions rien. Nous étions sans chef. Vaincus. Et la mort nous guettait. Et c'est là, que je l'ai vu. Un jeune prince nain affrontait l'orc pâle. Il se battait seul, contre cet ennemi redoutable. Sans armes, et sans bouclier. Il n'avait plus qu'une branche de chêne pour se protéger. Azog, le profanateur, comprit ce jour là, qu'il ne serait pas si aisé d'éliminer la lignée de Durin. Nos forces se rassemblèrent, et repoussèrent les orcs. Notre ennemi avait été vaincu. Mais il n'y eut ni festin, ni chant cette nuit là. Nous étions accablés de chagrin, devant la mort de tant des nôtres. Nous étions peu, à avoir survécus. Et je me suis dit alors, il y en à un que je pourrais suivre. Il y en à un, que je pourrais appeler roi.

À la fin de son triste discours, Elenwë remarqua que tout les nains s'étaient levés, et regardaient leur prince.
Ce dernier leur lança à tous un signe de tête, comme de remerciement, et l'elfine ne fut pas surprise de ne pas avoir droit à cet honneur.

- L'orc pâle, intervint-elle. Qu'est-il devenu ?

- Cet être ne méritait pas la lumière, cracha Thorin. Il est retourné dans son trou. Et il est mort de ses blessures depuis longtemps.

La jeune fille aurait pu en être soulagée, mais elle capta le regard de Gandalf.
Un regard soucieux et navré qui ne laissait croire rien de bon à venir.

Une Part De ChacunWhere stories live. Discover now