Aujourd'hui, nous enterrons nos morts.

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La foule s'était amassée sur la prairie entre Dale et Erébor, demeurant muette.

Quatre jours avaient passé depuis les terribles évènements qui avaient eu lieu. Malgré leur désaccord, nains et elfes avaient fini par s'allier, bien que Thranduil n'ait choisi cette option que pour son fils. 

Gandalf avait pris la direction des troupes et de ses investigations funèbres, afin de rassembler tous les corps.

Legolas leva la tête, observant les flammes s'étendre jusqu'au ciel bleuté, projetant de la fumée noirâtre dans les airs. Un sentiment de supériorité le saisit alors qu'il repensait aux carcasses d'orcs qui brûlaient et partaient en poussières. Ils n'auraient pas le droit à une stèle. Ils ne méritaient pas qu'on les honore.

L'ellon se reconcentra sur son entourage. Bien fut attribué au magicien gris qui avait béni les survivants contre les épidémies mortelles dues aux cadavres. Et les cadavres, ce n'étaient pas ça qui manquait.

Il se rendit compte que la cérémonie débutait lorsque le son clair d'une flûte de paon s'éleva dans les airs. D'un tempo lent, elle vint immerger la foule, l'englobant d'un halo aussi clair que la mer. Se mêlant à elle, des lyres vinrent apporter leur touche d'espoir et d'humilité. Les thrènes résonnèrent alors, et autour de lui Legolas vit de nombreux nains frissonner d'émotion.

Il était vrai que les elfes étaient naturellement doués avec leur voix, mais cette fois-ci, il semblait au blond qu'il s'agissait d'une toute autre mélodie qu'il n'avait jamais entendue.

Embellie par l'elfique, les paroles étaient fluides, aussi douces que du coton.

Quand elles se turent, la foule retint sa respiration. Debout au troisième rang, ses yeux se posèrent sur l'amas de corps de ceux qui étaient tombés vaillament au combat. Des elfes, des nains, des hommes, dans ce tas ils étaient égaux face à la mort. Lorsqu'ils rentreraient chez eux, les parents, les enfants et les amis devraient attendre la boule au ventre pour voir leur espoir exploser ou disparaître brutalement. La confusion de la bataille ne leur permettait pas de connaître le nom des morts. Ils resteraient morts, sans qu'un nom ne soit posé sur leurs pupilles fixes.

Elenwë, en tête de cortège avec son père, Gandalf, et le seigneur nain, cessa soudainement d’avancer. Les autres l’imitèrent, à quelques mètres des corps. Sa robe blanche enveloppait son corps d’une soie fluide malmenée par le vent. La voir sans sa tenue quotidienne l’émut un peu, mais il aurait préféré que cela soit dans d’autres circonstances.

- Aujourd’hui, souffla-t-elle, nous enterrons nos morts. 

Sa voix paisible résonnait dans ce vide mortel qui s’accrochait au cortège. De là où il était, Legolas voyait ce regard vide que nourrissait l’elleth. Il était resté à ses côtés ces derniers jours, conscient qu’elle était au bord du gouffre, mais la situation la rattrapait. 

- Aujourd’hui, nous honorons ceux qui sont morts pour nous. 

Les discours n’avaient jamais été son fort, elle le savait. Mais lorsque Gandalf, dans un souci d’équité entre les différents peuples, avait jugé bon de lui confier la tâche, elle n’avait pas pas pu refuser.  

Legolas l’observa, elle, dans sa silhouette pâle, prête à tomber au moindre coup de vent. S’il avait su qu’il s’attacherait autant, aurait-il quitté sa forêt natale ? Elle leva le bras, et il sut que c’était ce dont elle lui avait parlé.

Une Part De ChacunWhere stories live. Discover now