Une Part De Chacun

Vous venez de nous condamner à mort !

- Vous !

Elenwë fixa le roux. Son visage lui semblait familier. Rapidement, elle fit le rapprochement avec le maître de la ville, il y a soixante ans de cela.

L'elfe ruminait intèrieurement. Avec la découverte de son identité, il serait encore plus fastidieux de s'échapper de ce village.

- Moi.

Elle défiait silencieusement l'homme, sous les regards apeurés de la foule.

- J'ai entendu parler de vous ! S'égosilla le roux. Vous êtes ce monstre qui a tué bien des nôtres !

- Les histoires sont souvent embellies par ceux qui les racontent.

Elenwë supportait mal le regard accusateur de Bard, qui l'observait à sa gauche. Les nains s'étaient placés devant elle, de façon à ce qu'aucun garde ne puisse l'approcher.

- Quelle est cette histoire ? Demanda le bâtelier.

Alors que l'elfe allait répondre, le roux la prit d'avance :

- Il y a soixante ans, cette créature a tenté de s'emparer du trône de ma cité ! Vociféra-t-il. Avec l'aide de votre grand-père !

Bard se tourna vers Elenwë pour obtenir confirmation, sous les regards du peuple qui jonglaient de l'un à l'autre.

- Le maître de cette cité avait ordonné l'extermination du petit peuple, éluda l'elleth d'un ton venimeux. Sous pretexte qu'une épidémie courrait, et qu'il ne craignait qu'elle se propage. Je n'ai fait que les aider, avec l'aide de votre grand-père, déclara-t-elle en se tournant vers le bâtelier.

Autour d'eux, la foule se tut. L'attention houleuse se porta sur le maître, qui sentant les opinions changer, ruminait dans sa barbe.

Elenwë l'observa, les lèvres pincées. Cet homme la dégoûtait, à tel point qu'un sentiment de haine pur broyait ses pensées. Il était lâche, égoiste, manipulateur, tout ce qu'elle détestait.

- Si vous n'êtes pas des ennemis de l'État, siffla Alfrid de sa voix mieleuse, qui êtes-vous ?

Thorin s'avança, tel un seigneur des divinités.

- Nous sommes les nains d'Erebor. Nous sommes là pour reprendre notre terre.

Les habitants se bousculèrent pour l'apercevoir, et reprirent leurs murmures.

Elenwë attrapa rapidement le poignet de Bard, l'intimant à garder le silence. L'homme la fusilla du regard, mais ne se débattut pas.

- Je me souviens de cette ville à sa grande époque, reprit Thorin en contemplant les maisons à moitié détruites par le temps. Des flottes de bâteaux arrivaient au port, chargés de soierie et de pierres précieuses. Ce n'était pas une ville en déserance. C'était le centre de tout le commerce du Nord !

Elenwë ferma les yeux, se remémorant le prestige de la ville autrefois. Elle les rouvrit prestement lorsqu'elle sentit que Bard lui échappait.

- Je veux voir cette époque revenir ! Je veux rallumer les grandes forges des nains ! Et voir les richesses couler de nouveau à flot des grandes salles d'Erebor !

La foule l'acclama bruyamment, mais l'elleth n'y prêta aucune attention. Ses yeux naviguaient sur les visages des hommes, à la recherche du bâtelier.

- La mort ! Hurla alors une voix qu'Elenwë identifia aussitôt. C'est tout ce que vous allez nous apporter !

Bard perça le barrage des gardes dans un silence complet, et se plaça devant Thorin, l'air menaçant.