Une Part De Chacun

Ne respirez plus

Elenwë se faufilait dans les couloirs. À l'affut des regards elfiques, elle avait passé l'après-midi à explorer le royaume, et à espionner les elfes. Elle avait appris en visitant les cuisines que ce soir, une fête serait donnée.

Un sourire aux lèvres, elle avait élaboré un plan pour faire s'évader les nains pendant les préparatifs.

Elenwë secoua ses mains légèrement tremblantes, et suivant son instinct, se dirigea vers les caves. Une dizaine de tonneaux était alignée, et sur plusieurs armoires de hêtre, on avait placé des bouteilles contenant un liquide pourpre.

Le regard de l'elfine fut attiré par les deux elfes qui ronflaient bruyamment sur le sol. Un rire lui échappa, et elle s'empressa d'enjamber les deux inconscients, pour s'approcher des clés pendus à un crochet. Elle les saisit, et aussitôt remonta jusqu'aux cachôts. Elle songea qu'il n'était finalement pas si difficile de s'introduire dans le royaume des forêts.

Lorsqu'elle aperçut les premières cellules, elle s'arreta net. Des éclats de voix fusaient à sa gauche. S'attendant à une dispute, elle se dirigea vers eux, et sa bouche s'étira en un mince sourire.

Kili, derrière les barreaux, discutaient calmement avec l'elfine rousse qui lui avait sauvé la vie. Tauriel, se rememora Elenwë.

Elle fut surprise de constater qu'ils parlaient comme deux bons amis. Aucune animosité n'envenimait leurs paroles, si douces soient-elles.

La lueur dans les yeux du nain l'inquieta un peu, mais elle se rassura vite. Il était assez grand pour s'occuper de ses histoires seul.

Afin de leur laisser un moment d'intimité, Elenwë s'éloigna sans un bruit, et grimpa quelques mètres plus haut, de façon à ne plus entendre leur conversation.

L'elleth observa tout les regards doux que s'échangeaient les deux interlocuteurs. Tauriel lui semblait bien plus abordable que les autres elfes. Elle souriait plus facilement, et semblait moins stricte sur les differences de race.

Elenwë étouffa un rire, en imaginant le visage de Thorin s'il apprenait que son propre neveu discutait avec une elfine.

Soudain, elle sentit une présence à ses côtés. Elle se tût aussitôt, et cessa tout mouvement. Il y a avait quelqu'un à sa droite. Lui aussi observait l'elleth et le nain.

Tout doucement, Elenwë releva la tête. Son cœur accelera quand elle reconnut le soldat blond, Legolas.

Il fixait Tauriel d'un air déçu. Ses yeux bleus virant au gris, il se tenait droit. Ses cheveux et les pans de sa tunique flottant sous le poids d'une légère bise.

Elenwë s'interrogea sur son identité. Par deux fois, elle s'était retrouvée nez à nez avec lui. Il avait failli la démasquer malgré son camouflage, et désormais, il surgissait de nul part pour observer une camarade.

Trop plongée dans ses pensées, l'elleth sursauta quand elle sentit l'ellon s'en aller. Un frisson de peur la parcourut lorsqu'il se retourna, et planta ses yeux dans les siens.

Hypnotisée par cette peine qu'elle lut dans ses iris, Elenwë ne bougea pas. Elle comprit qu'il fixait Tauriel, qui quittait le nain.

Enfin, Legolas se détourna, et disparut.

Avec un soupir de soulagement muet, elle attendit quelques longues minutes. Finalement, lorsqu'elle jugea que les elfes sylvains ne risquaient pas de réapparaitre, elle sauta de son perchoir.

- Ça va bientôt être l'aube, s'exclama Bofur au loin.

- Nous n'atteindrons jamais la montagne, sanglota Ori.

Elenwë refit appel aux particules de l'espace, et redevint visible.

- Vous y arriverez, maitre Ori, sourit l'elfine.

Tout joyeux, la compagnie crièrent son nom, et se ruèrent sur les épaisses grilles de fer qui les maintenaient prisonniers.

- Les gardes ne sont pas loin, les rabroua-t-elle.

Quand le loquet de Thorin tourna, il voulut serrer l'elleth contre lui, mais s'interrompit.

- Merci, se contenta-t-il d'ajouter, géné.

Il saisit les clés que lui tendait Elenwë, et se depêcha de liberer ses compagnons.

- Conduisez-nous vers la sortie, ordonna ensuite Thorin.

Elle acquiesça, et observa un instant Kili. Il lançait des regards attristés sur l'endroit où se tenait autrefois Tauriel.

Elenwë soupira, et prit la tête de la compagnie. Malgré les murmures déconcertés des nains, elle les mena dans les caves, où les ellons dormaient encore.

Dwalin se moqua d'eux, mais fut vite contraint de se taire par le regard noir de Thorin.

- Montez-dans les tonneaux, décreta Elenwë.

Les nains la fixèrent étrangement, et Gloïn protesta.

- Ella dit dans les tonneaux ! Hurla Thorin afin de mettre fin aux discussions.

Sans un mot, la compagnie grimpa maladroitement dans les barils.

- Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Demanda Dori.

Écu-de-Chêne encouragea l'elfe d'un signe de tête.

- Ne respirez plus, ordonna-t-elle.

Et elle tira un levier. Aussitôt, une trappe placée sous les tonneaux s'ouvrit, et les nains tombèrent les uns après les autres dans la rivière souterraine qui coulait en dessous.

Elenwë s'élança ensuite, et saisit de sa main gauche une stalactite, et de sa main droite, une autre. Se suspendant au plafond, elle entendit un attroupement d'elfes se ruait vers la trappe qui claquait pour se refermer.

N'y prêtant pas attention, elle passa de stalactite en stalactite, à la poursuite des nains.

Quand le plafond disparut et laissa place à une étendue d'herbe, elle se laissa tomber, et courut.

La compagnie tanguait dans leur bateaux improvisés, secoués de part et d'autre. Les nains trempés peinaient à ne pas couler. La rivière tremblait, et de nombreuses cascades la perturbaient. Le courant était violent, et les entrainait sur des rochers aux pointes tranchantes.

Soudain, le son d'un cor retentit dans la valée. Pris d'un désespoir soudain, Elenwë observa le barrage au loin. L'un des trois elfes posté dessus, trottina et baissa un levier. Une grille de fer massif coupa le passage, et les nains s'entassèrent sous le pont. Bloqués, ils ruminaient, et tentaient vainement de défoncer les barreaux.

Tout à coup, alors qu'Elenwë s'appretait à disparaitre, une flèche grossièrement taillée se planta dans l'interstice du cou de l'armure d'un des gardes.

Il s'affala dans la rivière, mort.

- Attention ! Il y a des orcs !