A Fearless Journey

20 - Anne

Harry a changé. New York l'a changé. Je l'ai vu dès qu'il est arrivé ici pour Thanksgiving. Il est arrivé, fier de lui, avec ses cheveux bouclés en bataille et ses vêtements qu'il porte depuis des années maintenant. Et pourtant, je sais que quelque chose est différent. C'est mon fils. Et une mère repère ce genre de choses.

Harry n'est plus exactement le même que lorsqu'il est parti faire ses études. C'est ce que nous redoutions le plus avec son père et je crois que c'est en train de nous arriver. Nous perdons notre fils.

Je sais que tout cela est compliqué pour lui. Je l'ai su au moment où je l'ai vu regarder Ethan pour la première fois. Bien que mon mari ait été trop naïf pour s'en rendre compte, je n'ai pas pu m'empêcher de comprendre rapidement que le lien qui unissait les deux garçons était bien plus fort qu'une simple amitié. Et quand nous avons appris qu'effectivement, le jeune Ethan avait franchi une limite, il n'a pas été compliqué de comprendre que mon fils était plutôt ravi de savoir que ses sentiments semblaient partagés.

J'ai vite compris, et vite su, qu'Harry serait différent de ses camarades du catéchisme ou de son école. Et même si Des veut le faire rentrer dans le moule, le laisser partir a été sa plus grande erreur. Nous n'arriverons plus à faire marche arrière.

La situation est complexe pour moi. J'aime profondément mon mari et j'aime la foi qui anime notre famille au quotidien. Mais j'aime mon fils aussi.

Ce weekend, j'ai remarqué à plusieurs reprises qu'il était simplement sur son téléphone, souriant comme un bienheureux et quand il a refusé de me dire pourquoi, la possibilité qu'il soit en contact avec un autre garçon m'a paru comme une évidence. J'ai souri, je suis resté en retrait et j'ai prié doucement pour que mon fils soit épargné des horreurs qu'il pourrait vivre à cause de ça.

Ma foi a toujours été plus modérée que celle de mon mari. Et pourtant, je sais qu'il ne l'applique pas autant qu'il aimerait le faire croire. Ses nombreux allers/retours chez la voisine puis le déménagement précipité de cette dernière lorsque son ventre s'est arrondi ne laissait pas vraiment de place aux doutes.

Je ne me souviens plus vraiment du moment où je me suis rendu compte que je n'étais pas dans une relation qui me convenait. Pourtant, j'ai toujours caché ça pour « être tranquille ». Mes parents ne m'auraient jamais laissé divorcer, surtout avec les enfants, et je dois avouer que j'ai peur. Peur qu'il s'en prenne à moi, à nous.

Alors je prends sur moi, je subis son mode de vie radical et je ne dis rien. Je reste dans cette relation, pour le bien de tout le monde.

Sauf qu'Harry est en train de tout mettre en péril. Avec ses choix et son attitude, je sais que cela sera compliqué pour moi. Je ne peux pas choisir. Je ne peux pas laisser mon fils. Mon fils qui semble enfin heureux, qui semble enfin profiter de la vie qu'il voulait depuis des années.

Quand notre fils est parti, je savais qu'il serait mieux là où il se rendait. Je savais qu'il pourrait être libre, sans subir les brimades de son père. Père qui n'a d'ailleurs pas été tendre avec lui. Tout y est passé. Ses cheveux, son téléphone sur lequel il a passé du temps, sa façon de parler, les sujets qu'il voulait aborder.

En l'espace d'une soirée, Harry s'est braqué et j'ai eu l'impression que son séjour ici a été une vraie torture. J'en veux à Des tout comme je m'en veux à moi-même d'être passive face à cette situation.

Même la venue de Gemma et des enfants n'a pas aidé Harry. Les deux petits se sont plains à plusieurs reprises de l'attitude de leur oncle. D'habitude si joyeux de les voir, il est resté prostré, ne proposant aucune activité, même pas un film à regarder.

Toute cette ambiance a rendu Thanksgiving morose. Cette fête qui, à l'accoutumé, nous réunit, n'a pas eu cet effet cette année. Au contraire.

A peine Harry parti, Des est venu me voir pour me dire qu'il fallait que je remette son fils dans le droit chemin rapidement. Il m'a dit qu'il n'accepterait pas que notre ancien voisin, Ethan, soit toujours présent et le manipule par ses énergies sataniques. Un discours presque trop radical pour qu'il soit réel. Et pourtant. Mon mari ne riait pas.

En allant me coucher, ce dimanche soir, j'ai pris conscience que notre famille était bancale. J'ai pris conscience que rien ne serais plus pareil.

J'ai pris conscience qu'Harry me faisait me remettre en question. Il me fait comprendre que je l'aime, que je veux le voir comme lorsqu'il regarde son téléphone et qu'il pianote dessus, pas comme lorsqu'il se renferme, prétendant être quelqu'un qu'il n'est pas.

J'ai prié pour lui, pour moi, pour nous. Mon fils qui, malgré les contraintes que nous lui avons imposées, se retrouve éperdu d'un homme, dans une ville où les coutumes sont bien différentes d'ici. Mon fils que j'aime, et que j'aimerai toujours. Coûte que coûte.  

Bonjour Bonjour, 


On se retrouve pour un très court interlude sur le weekend de Thanksgiving en se mettant à la place d'Anne. Et Harry qui pense que sa famille est belle et parfaite risque de tomber des nues quand il apprendra certaines choses. 

J'espère que ce petit chapitre vous aura plu. 

All the love, Justine.