Chapitre 91

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— Alors, ça s'est arrangé ? s'inquiète Colin dès qu'Ana arrive.

— Bonjour, Monsieur Le Guellec. Oui, ça s'est arrangé.

— Pardon, oui, bonjour Ana. Mais pourquoi tu ne m'as pas prévenu ?

— Désolée. J'ai vu Milla et Émilie hier après-midi, je n'avais presque pas dormi de la nuit, et en rentrant j'étais éreintée, je n'y ai pas pensé, s'excuse Ana sans avouer toutefois que son oubli était volontaire, un peu pervers, la monnaie de sa pièce en somme, comme si elle avait besoin de le torturer pour se venger des turpitudes qu'il provoque chez elle.

— Non, non, ne t'excuse pas, ce n'est pas grave. C'est moi qui suis navré, de te causer tant de tracas.

— C'est oublié.

— Et... euh... comment elles ont réagi ? s'enquiert Colin avec une grimace.

— Elles ont pleuré. Je pense que la peine pour toi est bien plus forte que la contrariété de tes mensonges. Ce ne sera probablement pas le cas pour tout le monde ici, mais avec elles, c'est plutôt bien passé. Je crois qu'elles ont compris. Ce sont des filles bien.

— Oui, approuve Colin. Et Milla va le dire à Samuel, tu crois ?

— A mon avis, c'est déjà fait.

— Je vais lui parler. Je vais l'inviter à déjeuner, marmonne Colin, comme à lui-même.

— Très sage décision.

— Qu'est-ce qui est sage ? demande Sandra en entrant dans la pièce.

— J'ai décidé de ne pas utiliser de boule chinoise pour le spectacle de cirque, explique Colin avec aplomb.

— Ah. Décidément, vos conversations sont toujours passionnantes. Faut sortir un peu de l'école, les gars, fait-elle en se servant un café.

Colin et Ana échangent un regard complice. Un de ces regards qu'ils aiment tant.

A leur arrivée, Milla et Emilie ont fait comme si de rien n'était, comme si rien n'avait changé. A peine un petit coup d'œil compatissant, mais qui signifiait plus « c'est pas si grave, on comprend, va ». Pas de pitié, pas de regard larmoyant. Il ne l'aurait pas supporté. Il sait que ça risque d'arriver ensuite. Sandra, Maryam, c'est bien le genre à fondre en larmes en s'accrochant à son cou. Il va falloir qu'il se blinde.

Il a proposé à Samuel de sortir pour déjeuner, il a immédiatement accepté, sans s'étonner, sans demander pourquoi. Il est au courant, donc. Ils auront le temps d'en parler plus tard.

Plus tard arrive drôlement vite, se dit Colin quand il se retrouve attablé au resto du bas de la rue.

— Oh, monsieur le Directeur ! s'exclame la patronne qui l'a reconnu. Eh bien, ça fait un moment qu'on ne vous avait pas vu !

— J'ai eu beaucoup de travail. Mais je vais essayer de revenir plus souvent... votre cuisine me manque, ajoute-t-il sur le ton de la confidence.

— Madame cuisine pas bien ?

Pour le coup, Colin se trouble et bafouille sans répondre sous le regard impassible de Samuel.

Ils commandent tous les deux le plat du jour, puis Colin pose ses mains croisées sur le bord de la table.

— J'imagine que tu sais pourquoi on est là tous deux.

— J'ai ma petite idée, admet Samuel.

— Milla t'a tout raconté ?

— Oui.

C'est horrible comme ça lui coûte. Il avance par petits pas. A « grand-mère Pomme de terre », ce serait des pas de souris.

Colin Maillard et chat perchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant