Mai - Chapitre 93

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Il y a deux choses que Natacha adore pendant les vacances scolaires : la première, c'est avoir du temps : pouvoir se coucher plus tard sans être trop fatiguée, prendre le temps de bouquiner, enchaîner les séries sans mauvaise conscience en pensant à son DM de Maths, rêvasser sur son lit les yeux au plafond. Et la suivante, c'est visiter une ville avec son père. Elle aime bien partir au soleil, dans un club luxueux, mais elle trouve toujours ça étrange de partir à deux ou trois mille kilomètres pour passer la journée sur un transat. Ça, elle peut le faire sur la terrasse de sa mère. Alors oui, le paysage est moins beau, mais à côté de ça, il y a d'autres avantages (ses copines à proximité, pas besoin de choisir quelles fringues elle va mettre dans sa valise...). Mais partir à la conquête des grandes cités européennes, ça, ça lui plaît vraiment. Depuis que ses parents sont séparés, son père l'a emmenée à Prague, Lisbonne, Venise, Vienne, Londres, même Marrakech, et cette année, c'est Barcelone. Elle attend ça avec beaucoup d'impatience. Elle se fiche bien de devoir se lever à l'aube pour arpenter les rues, de marcher quinze kilomètres par jour, ce qu'elle aime, c'est découvrir ces petits endroits cachés des touristes. Un parc au pied d'une tour d'immeuble, un restaurant plébiscité par les locaux, un vieux mur couvert de tags, une galerie d'art contemporain perdue entre deux ruelles étroites, un marché couvert. Elle mitraille tout avec son téléphone, refusant le bel appareil photo que lui proposait son père pour son anniversaire, le mobile c'est plus pratique pour poster sur insta.

Mais avec Clara, ce n'est pas pareil. En club, ça ne pose pas de souci, elle a trouvé ça sympa qu'elle la coiffe, lui prête son vernis ou ses chaussures. Elle lui avait même offert un joli paréo vendu dans une des boutiques de l'hôtel, alors qu'il coûtait une blinde, juste pour lui faire plaisir. Elles faisaient les tests de Elle, se moquaient des pages de mode, découpaient les produits cosmétiques qu'il leur faudrait de toute urgence en rentrant en France. Mais à Barcelone, ça coince. Clara est enceinte, Clara est fatiguée. Clara ne peut pas boire de Sangria ni manger de fruits de mer. Clara est casse-pieds.

Le premier jour, elle les a suivis partout en râlant, le deuxième jour, c'était plus sympa, elle était restée à l'hôtel se reposer pendant que Nat pouvait profiter de son père, mais en rentrant, il avait eu droit à la gueule et aux réflexions acides, alors que quand même, c'est elle qui avait choisi de ne pas les accompagner. Xavier était dans tous ses états, alors le troisième jour, il avait fait comprendre à sa fille que contrairement au sien, l'amour de Clara n'était pas inconditionnel, et qu'en plus elle était enceinte, il devait prendre soin d'elle. Alors ils resteraient tous ensemble profiter du spa de l'hôtel et peut-être, si elle était bien reposée, une séance de shopping sur Las Ramblas en fin de journée. Mais Nat ne veut pas aller chez Zara ou H&M, elle veut farfouiller dans les petites boutiques locales. Xavier a insisté, Nat a protesté que si c'était pour pourrir leur séjour, elle aurait dû rester en France, Clara a pleuré, Xavier s'est fâché, Nat s'est excusée, dégoûtée. Et puis, il avait eu ces mots : « T'en fais pas, tu reviendras avec tes copines. Et puis, une fois que bébé sera là, on ne pourra plus partir aussi souvent. » Super. Voilà, finies les chouettes excursions avec son père, maintenant, il lui faudrait composer avec les autres. Au fond, ce n'est pas tant les voyages qu'elle regrettera, mais ces moments à deux, même à trois, si loin du quotidien. Alors, pour la première fois, Nat a regretté le temps d'avant. Pas celui où ses parents étaient ensemble, ça non, vraiment, il n'y a rien à pleurer, mais celui où Clara n'était pas enceinte, et même, celui où elle n'était pas dans leur vie.

***

— Alors, Barcelone ? demande Ana à sa fille, les yeux pleins d'étoiles, une fois que Xavier est reparti.

— Génial.

— Vous avez bien profité ? Tu as pu parler espagnol ? J'ai vu sur tes photos que vous aviez un temps magnifique. Et puis, tu es toute bronzée.

Colin Maillard et chat perchéWhere stories live. Discover now