Chapitre 103

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- Quoi ?!

Alors que Rockstar venait de pousser une exclamation de surprise, je manquai de m'étouffer avec ma boisson. Tous les autres à notre table regardèrent Sorën, assis en face de moi, avec étonnement. Moi, c'était un regard empli d'horreur que je lui jetai.

Après le bref incident au-dehors et l'arrivée de mes nakamas, l'atmosphère sous-pression que dégageaient les habitants s'était subitement élevée. Il avait fallu que Sorën, aidé du talent oratoire de Noah, leur fasse une longue explication des événements passés pour qu'ils puissent se détendre. Dès lors, ces personnes s'étaient montré plutôt amicales et accueillantes, du moins en apparence. Leur peur et leur prudence étaient encore présentes dans leurs yeux, mais bien qu'on ne soit pas les meilleurs amis du monde, nous les avions sauvé d'une grande menace, et ils avaient pris sur eux pour nous remercier "comme il se doit", comme leur avait demandé leur chef.

Nous nous étions donc rendus au pub, et il n'avait fallu que quelques minutes pour que les pirates du Roux, conformément à leur habitude, se mettent à boire sans compter. Rockstar m'avait vite entraînée à l'intérieur, mais Sorën, Shanks, Sabo et Beckman étaient restés un instant dehors, à récupérer des informations sur les pirates aux Trois Yeux, avant de finalement venir nous rejoindre.

Une fois tous réunis, mon ami aux cheveux bleus m'avait pris à part, me demandant s'il pouvait me parler. Nous nous étions alors assis à une table, choppe en main. Il s'était excusé de son comportement rancunier et de la façon dont il avait agi envers moi depuis nos retrouvailles. Il regrettait de ne pas s'être montré plus ouvert et plus joyeux, et alors qu'il s'exprimait, Noah nous avait rejoints, puis, curieux, mon petit ami, mon capitaine, mon second et quelques autres pirates, intrigués par l'amassement fait autour de nous. Je fus assez gênée de voir mes nakamas n'avoir tout à coup aucune discrétion pour nous. C'était sûrement dû à l'alcool, en tout cas pour Shanks, vu son visage rouge, mais Sorën ne s'arrêta pas dans ses paroles. Il nous raconta tout, à nous tous, en me regardant droit dans les yeux sans sourciller, et au fil de ses paroles, je sentis mon moral baisser en flèche.

Lorsque petite, j'avais quitté l'île de mon enfance sans dire au revoir à mes amis pour gagner l'île de Marineford. Je pensais avoir fait à la fois une erreur et à la fois le bon choix. Maintenant, je savais que c'était exclusivement le bon choix.

Je pris le temps d'assimiler tout ce que venait de me dire mon ami. Totalement dégoutée par ses propos, j'enfouis mon visage dans ma choppe tout en buvant d'un coup une bonne rasade d'alcool.

- Alors les amis de notre Isis…

Rockstar lançait à Sorën un regard presque empli d'espoir, espoir d'avoir mal entendu, sûrement. Mais le Frisé répliqua d'un ton dur :

- Vivent l'enfer en ce moment. Il vaut mieux espérer qu'ils soient morts.
- Sorën…
- Noah, Abigail et moi sommes les seuls survivants, et encore… Nous avons perdu Abigail de vue en venant dans le Nouveau Monde.

Abigail, ma sœur de lait… elle était donc, selon ce que disait Sorën, encore en vie. Et non dans une situation critique comme les autres.
Dix ans… c'était il y a dix ans et je n'avais jamais rien su de tout ça, avant que mon ami m'en informe ! Était-ce encore une cachotterie de mon père, ou n'était-il vraiment pas au courant ? Dans tous les cas, je ne comprenais pas comment cela se faisait que lorsque j'étais capitaine à la Marine, je n'avais jamais entendu parler de tout ça au moins une fois, avant que cette affaire ne soit étouffée.

Prise d'un sentiment de colère, je serrai les dents.

- Foutu Gouvernement…
- Pas que. Foutus pirates aussi. S'ils n'avaient pas été là, rien de tout ça ne se serait produit. Le Gouvernement n'aurait pas eu ce qu'il voulait… et dire que tu es une pirate…Lorsque je l'ai appris, j'ai essayé de le nier. Toi qui voulait servir la Justice, tu n'avais pas pu devenir comme ces raclures qui ont détruits mon île… notre île ! Et pourtant… c'est apparemment la vérité.

Mon ami me fixa. Je sentis mon moral flancher. Je n'aimais pas ce regard qu'il me lançait… un regard empli de tristesse et de déception. Pourtant, j'eus un sourire, et mon sens du réalisme reprit le dessus.

- Le Gouvernement aurait quand même orchestré tout ça. Si les pirates en question avaient refusé, ils auraient été tué et les Dragons Célestes auraient engagé d'autres mercenaires ou des chasseurs de prime.

J'attrapai de nouveau ma choppe et bus un coup avant de reprendre.

- Je ne défends pas les actions de ces pirates. Mais ils ne sont pas ceux vers lesquels tu dois tourner ta vengeance. Ils n'ont été que des pions. Ce sont les Dragons Célestes qui sont la cause de tout ça, et qui ont fait des habitants de notre île, de nos amis, des esclaves.

Je baissai légèrement la tête, chuchotant plus pour moi-même, un ton horrifié dans la voix :

- 10 ans qu'ils sont esclaves… Je ne saurai même pas dire s'ils sont encore en vie…

Un bruit sourd retentit, me faisant redresser la tête. Noah s'était levé et avait abattu ses poings sur la table, le visage déformé par un rictus colérique. Je le regardai avec surprise, mais il ne me laissa pas le temps de réagir. Il s'écria :

- Ils sont en vie ! Ils le sont forcément ! Et ils vivent un enfer ! Ils attendent notre aide !

La Girouette respira bruyamment, comme si il était essoufflé. Des larmes avaient commencé à perler dans ses yeux. Je jetai un regard à Sorën. Il avait baissé les yeux vers la table, la mâchoire crispée.
Je n'imaginais même pas à quel point cela avait dû être compliqué pour eux. Perdre d'un coup leur île, leurs familles, à cause de ceux qui régissaient soi-disant ce monde… Il y avait de quoi être pris de fureur contre le Gouvernement Mondial, et cette rage, cette haine, je commençai à l'éprouver d'une plus grande viole ce qu'auparavant.

Eux qui disaient être justes… eux qui disaient être là pour aider le monde… il y a bien longtemps que j'avais compris que la seule façon de mettre un peu de Justice dans ce monde ravagé par les Dragons Célestes et leurs arrangements était de renverser le Gouvernement. J'étais prête à y participer, à rétablir la vérité. Au prix de ma vie si il le fallait, au prix de ma raison ou même de ma dignité. Mais là… ils s'en étaient pris à des personnes qui m'étaient chères. Et il était hors de question que je laisse passer ça.

En serrant le poing, je me levai de table et fixai Sabo, qui se tenait debout à côté de moi.

- Tu avais bien dit que la Rêverie approchait et que l'armée révolutionnaire allait essayer d'agir en ce moment, non ?
- Oui. Pourquoi ?
- Parfait.

J'offris un sourire au révolutionnaire en guise de remerciement avant de me retourner vers mes deux amis d'enfance. Leurs yeux étaient tournés vers moi et ils me regardaient avec interrogation. Je fronçai les sourcils et hochai la tête.

- Je ne vais pas laisser la Cloche et le Bouc dans un tel merdier. C'est décidé. Je vais aller les récupérer moi-même à Mary-Geoise.
- Quoi ?!!

Une Question de Justice [One Piece]Where stories live. Discover now