Chapitre 45

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Loin. Très loin. Le plus loin possible, et le plus rapidement possible.
J’accélérai ma course encore d’un cran. Je tournai à un croisement de rue et faillis me prendre le mur d’en face. Je me rattrapai à temps en agrippant les briques du mur, mais la neige et le verglas n’aidèrent en rien. Je pris quelques secondes de répit, le temps de reprendre mon souffle.

Du sang coula de mon épaule gauche et vint consteller ma chemise et la neige à mes pieds. J’eus une grimace et pressai ma main contre ma plaie sanguinolente.
Elle avait bien calculé son coup, en veillant à ce qu’aucun point vital ne soit touché mais que cela procure tout de même une douleur atroce. C’était à peine si je pouvais bouger les doigts de mon bras blessé sans serrer les dents.

Je lâchai avec précaution mon épaule. De ma main droite, j’attrapai l’étoffe rouge qui me servait de ceinture et en déchirai un morceau. Avec le tissu déchiré, j’improvisai précipitamment un bandage puis je me remis tout de suite à courir.
Grâce au Haki de l’observation, j’arrivai plus ou moins à sentir leurs présences. Ils arrivaient, et si je ne trouvais pas de solution rapidement, ils m’acculeraient bientôt. Dans mon état, je ne ferai pas long feu face à eux. Je devais fuir, ne serait-ce que pour Rockstar, qu’il n’aie pas été capturé pour rien.

Ma course effrénée finit par déboucher sur la rue principale, celle que nous avions emprunté un peu plus tôt dans la journée. Les touristes et citadins en habits d’hiver s’y mélangeaient. Ils parlaient, faisaient leurs courses dans les magasins ou s’arrêtaient dans les restaurants et pubs.

Je jetai un coup d’oeil derrière moi. Mes poursuivants n’étaient pas encore arrivés, mais ça n’allait pas tarder. Je tâchai de marcher en ayant une attitude normale, alors que je traversai la foule.
Lorsqu’on souhaite cacher un arbre, il faut le mettre dans une forêt, alors moi, en tant qu’humaine, autant que je me noie dans la population.

Après avoir circulé dans le plus grand calme auprès des passants, je poussai la porte d’un pub. L’établissement ne semblait pas très fréquenté en ce moment, mais un groupe d’hommes en capes marron apparemment saouls le rendait incroyablement bruyant. Ça fera parfaitement l’affaire, ils n’auront jamais l’idée de venir chercher par ici.

Je m’assis au comptoir, l’endroit le plus éloigné du groupe des fêtards. Le serveur prit ma commande et revint rapidement avec le jus de pomme que j’avais demandé, je le remerciai d’un sourire, payai immédiatement puis, une fois qu’il fût parti, j’inspectai ma boisson en plissant les yeux. Elle semblait normale, mais je restai quand même sur mes gardes et en prit une gorgée en faisant attention à ne pas avaler autre chose que le liquide.

Il fallait absolument que je joignes Shanks. Mais comment ? Notre bateau devait être à présent sous surveillance, et la seule carte de vie conduisant à lui était entre les mains de Rockstar. De plus, elle m’avait bien prévenu que si je quittai l’île, j’aurai la mort de tous les habitants sur la conscience.

Mes doigts se serrèrent autour de mon verre. J’étais furieuse contre moi-même. Malgré toute l’ardeur que j’avais mise à devenir plus forte, je n’avais même pas pu protéger mon nakama d’une bande de pirates et c’est à peine si j’avais pu m’échapper. Alors même si j’en avais la foi, je ne pourrai pas déjouer les plans de cette femme seule. J’avais besoin d’aide, mais je ne pouvais contacter ni Shanks, ni Sabo, ni Marco, pas même mon père. J’étais seule, et si je voulais stopper cette apocalypse, j’avais à peine quelques heures devant moi.

Je repris de ma boisson avant d’abattre mon poing fermé sur le bois. Non, je n’allais pas abandonner ! Et même si j’étais seule, je n’avais pas le choix, j’allais devoir faire de mon mieux. Si je pouvais sauver ne serait-ce que quelques vies dans une attaque-suicide, je serai satisfaite.

Le cours de mes pensées fût brusquement interrompu par le poids d’une personne s’accoudant au comptoir, à côté de moi. Je me décalai légèrement pour lui laisser plus de place.

- Merci.
- Je vous en prie.

Je voulus lever les yeux et saluer la personne d’un sourire, mais mes lèvres se figèrent dans leur manœuvre. Mon regard s’écarquilla. Il ne bougeait pas non plus et semblait aussi surpris que moi. Il finit par froncer les sourcils, et ses dents se resserrèrent autour de ses deux cigares.

Et merde. Merde, merde ! Sérieusement !! Je me levai précipitamment et m’élançai vers la sortie, mais j'eus à peine le temps de faire quelques pas avant de me retrouver plaquée face contre terre, une pression sur la tête et sur le dos m’empêchant de me relever. Mon épaule ayant brutalement heurté le sol dans la manœuvre, je poussai un gémissement de douleur.

Toutes les voix autour de nous se turent. J’imaginais parfaitement bien les visages tournés vers nous. Je serrai les dents. C’était vraiment pas mon jour.

- Smo-yan !

‘’Smo-yan’’ ? Je tournai le regard. Les hommes bruyants de tout à l’heure s’étaient rapprochés, et après les avoir un peu plus regardé, je poussai un soupir. Le G-5. C’était les soldats du G-5, quelle idiote je faisais de ne pas l’avoir remarqué plus tôt.
Je sentis la pression exercée sur moi s’alourdir davantage, et une voix bourrue parvint à mes oreilles :

- Comme on se retrouve, Aouso.
- Le plaisir est partagé.

Je fermai les yeux et fis le vide en moi pour mieux me concentrer. Je sentis le Haki recouvrir mes jambes et sans attendre davantage, j’agis. D’un jeu de jambes, j’inversai nos positions. Je me retrouvai au-dessus de lui et sans lui laisser le temps de réagir, je m’assis sur son ventre, bloquai ses bras au sol avec mes pieds, et de ma main droite, je plaçai la pointe d’un de mes saï sous sa gorge.

Il écarquilla un peu les yeux, surpris du retournement de situation, mais il ne dit rien. Je ne le quittai pas des yeux et repris mon souffle tout en ignorant au maximum la douleur persistante et le sang qui recommençait à couler de mon épaule.

Plusieurs déclics se firent entendre. Les soldats m’avaient encerclé et à présent, j’étais la cible de leurs pistolets. Je reconnaissais les visages de certains d'entre eux pour avoir été mes adversaires, il y a deux ans, et d’après le regard qu’ils me lançaient, eux non-plus n’avaient pas oublié cette brève rencontre.

- Relâche Smo-yan ! Ou on tire !
- On hésitera pas !
- Les gars faites gaffe ! Cette fille peut cracher du feu !
- Et contrôler les esprits !

J’eus un soupir. Ils étaient rancuniers, apparemment. Smoker jeta un coup d’oeil à ses hommes avant de soutenir mon regard.

- Vous tous, vous la connaissez ?
- C’est elle qui a attaqué la base il y a deux ans ! Elle et un révolutionnaire !

Tous ceux qui avaient été là à l’époque me fixaient à présent avec rage. Je levai un bref instant les yeux vers le ciel. Je ne voulais pas avoir de règlement de compte avec eux, du moins pour le moment. Je considérai Smoker rapidement, avant de décaler légèrement ma lame de la gorge du vice-amiral.

- Je n’ai pas l’intention de me battre, mais je me défendrai si nécessaire.

J’échangeai avec le marine un long regard sans bouger, le gardant en position de soumission le temps d’être sûre qu’il n’allait pas m’attaquer. Il finit par grommeler :

- Qu’est ce que tu viens faire seule ici ?

Sa question était légitime et ne m’étonnait pas. Il était intelligent et observateur, il avait dû facilement comprendre que j’étais là sans mon équipage, mais son ton autoritaire ne me plaisait pas. Je fronçai les sourcils et répondis du tac au tac :

- Sauver pas mal de choses dont ta Marine et ton Gouvernement Mondial. Et toi, tu viens prendre des vacances ?
- ... Hein ?

Une Question de Justice [One Piece]Where stories live. Discover now